FIPECO le 16.05.2025
Les fiches de l’encyclopédie VI) La masse salariale publique
7) Salaires, temps de travail et retraites
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Les comparaisons entre les salaires, la durée du travail et les pensions de retraite des fonctionnaires et des salariés du secteur privé sont fréquentes mais elles ne portent généralement que sur un seul de ces thèmes. Ce billet présente les éléments de comparaison relatifs à l’ensemble de ces trois thèmes qui sont disponibles, notamment dans les derniers rapports annuels sur l’état de la fonction publique.
Ces comparaisons présentent d’inévitables limites car seules des moyennes peuvent être comparées alors que les caractéristiques des fonctionnaires et des salariés du secteur privé (qualification, âge…) sont différentes, mais les statistiques plus fines tenant compte de ces caractéristiques sont rares. En outre, il n’est pas possible d’en tirer une comparaison des revenus des agents du public et du privé depuis leur entrée dans la vie active jusqu’à leur décès, au moins pour la raison suivante : il s’agit de photographies de la situation des actifs et des retraités aujourd’hui ; or les actifs d’aujourd’hui n’auront pas les mêmes pensions que les retraités d’aujourd’hui et ces derniers n’ont pas eu les mêmes salaires que les actifs d’aujourd’hui. Les conclusions suivantes peuvent néanmoins en être tirées.
A) Les salaires
Une fiche de l’encyclopédie sur ce site présente les principales caractéristiques juridiques de la rémunération des fonctionnaires.
En équivalents temps plein (EQTP), les salariés du secteur privé sont en moyenne mieux payés que les agents des collectivités locales, moins bien que ceux de l’Etat et un peu moins que ceux des établissements de santé. Cette comparaison n’a toutefois pas beaucoup de signification car la répartition des emplois par catégories socioprofessionnelles dans ces quatre secteurs est très différente.
Une ventilation selon les trois grandes catégories socio-professionnelles permet des comparaisons un peu plus rigoureuses : les cadres de la fonction publique de l’Etat (y compris hors enseignants) et des collectivités locales sont moins bien rémunérés que ceux du secteur privé, ce que confirme une étude de l’Insee sur les 1 % de fonctionnaires les mieux payés (ils gagnent 30 % de moins que dans le secteur privé) ; les professions intermédiaires de l’Etat et des collectivités locales sont également moins bien payées que celles du secteur privé ; à l’inverse, les ouvriers et employés de la fonction publique d’Etat et des hôpitaux ainsi que les cadres des hôpitaux (médecins inclus) sont mieux rémunérés que ceux du secteur privé. Les autres écarts sont peu significatifs.
Les salaires nets mensuels moyens en 2022 (euros)
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Etat (civils)
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Collectivités locales
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Hôpitaux
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Secteur privé
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Ensemble
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2 743
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2 145
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2 734
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2 630
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Cadres
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3 343
(3 584 hors enseignants en 2019)
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3 566
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5 564
(y compris médecins)
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4 489
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Professions intermédiaires
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2 436
|
2 438
|
2 769
|
2 572
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Ouvriers et employés
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2 312
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1 901
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2 129
|
1 913
|
Source : rapport de 2024 sur l’état de la fonction publique ; Insee ; salaires moyens nets par équivalent temps plein ; FIPECO.
Une note de l’Insee de mars 2025 confirme ces observations pour l’ensemble des trois fonctions publiques. En 2021, le salaire annuel moyen en EQTP est inférieur de 3,7 % dans le public mais cela tient aux cadres dont le salaire est inférieur de 20 %. Les salaires des professions intermédiaires sont proches. Ceux des ouvriers et employés sont supérieurs de respectivement 2 et 8 % dans le public. Si les salaires des personnes sans diplôme ou avec seulement un CAP ou BEP sont proches, ceux des personnes ayant un diplôme supérieur à Bac+2 sont inférieurs de 24 % dans le public. Il apparaît également que les salaires en EQTP sont supérieurs dans le public hors Ile-de-France (notamment dans les DOM) mais inférieurs de 21 % en Ile-de-France.
La dispersion des salaires à l’intérieur du secteur public est plus faible que dans le privé, au détriment des cadres et à l’avantage des ouvriers et employés de la fonction publique. En 2022, la rémunération, primes et indemnités incluses, que dépassent les 10 % d’agents les mieux payés en équivalents temps plein (seuil du dernier décile) est 2,6 fois supérieure à celle au-dessous de laquelle se trouvent les 10 % les moins bien payés (seuil du deuxième décile) dans la fonction publique d’Etat (2,2 dans la fonction publique hospitalière et 2,0 dans la fonction publique territoriale). Cet écart est de 2,9 dans le secteur privé. La note précitée de 2025 de l’Insee montre que l’écart est plus faible dans le public à l’intérieur de chaque catégorie socio-professionnelle (ouvriers, cadres…).
L’âge moyen des fonctionnaires (44 ans) est un peu plus élevé que celui des salariés du secteur privé (41 ans), ce qui entraîne des salaires un peu plus importants dans le public, mais, en sens inverse, la population des salariés du secteur public est plus féminisée que celle du secteur privé (63 % de femmes contre 46 %), ce qui, en raison de la persistance d’écarts de salaires entre sexes, se traduit par des salaires plus élevés dans le privé. Au total, il n’est pas sûr que les différences de composition de ces populations par âge et sexe influent beaucoup ces comparaisons.
B) La durée du travail
1) La durée annuelle à temps complet
La durée annuelle légale du travail est de 1 607 heures pour les fonctionnaires comme pour les salariés du secteur privé.
Selon la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail (Dares), la durée annuelle du travail à temps complet est de 1 582 heures en 2023 dans la fonction publique en incluant les enseignants et de 1 634 heures en les excluant, contre 1 695 heures pour les salariés du secteur privé.
Selon le rapport publié en novembre 2024 sur l’état de la fonction publique par le service statistique du ministère en charge de celle-ci, la durée annuelle du travail à temps complet des fonctionnaires est en moyenne de 1 632 heures en 2023, hors enseignants, contre 1 698 heures pour les salariés du secteur privé, soit un écart de 3,9 %, sur la base d’une exploitation de l’enquête emploi de l’Insee[1].
Le service statistique du ministère de la fonction publique exclut les enseignants de son estimation de la durée du travail car il considère que leur temps de travail est particulièrement difficile à mesurer et que leurs réponses à l’enquête emploi de l’Insee ne sont pas cohérentes avec leurs réponses à une autre enquête exploitée par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Education Nationale.
Leur durée hebdomadaire habituelle à temps complet (y compris chez eux pour préparer les cours, corriger les copies…) en 2018 est estimée à 43 heures (médiane) hors vacances scolaires dans une publication d’octobre 2022 de la DEPP. Il y apparaît également qu’ils travaillent 35 jours sur les 80 jours de congés scolaires (16 semaines de 5 jours) mais la durée travaillée chaque jour pendant ces périodes de congé n’est pas précisée.
Les données plus précises qui sont présentées ci-dessous, tirées du rapport du service statistique du ministère de la fonction publique, ne concernent que les fonctionnaires hors enseignants.
La durée annuelle du travail est supérieure à la durée légale de 1 607 heures dans les fonctions publiques d’Etat et hospitalière. Elle lui est légèrement inférieure dans la fonction publique territoriale. Dans les services de l’Etat, elle est presque égale à celle des salariés du secteur privé.
La durée hebdomadaire habituelle du travail est en moyenne identique dans les secteurs public et privé. Celle des fonctionnaires de l’Etat est un peu plus élevée et celle des fonctionnaires territoriaux plus faible que celle des salariés du secteur privé.
Les heures supplémentaires qui apparaissent dans le tableau suivant sont celles qui sont effectuées au-delà de la durée légale, ou de la durée prévue par l’employeur si elle en diffère, sur une semaine de référence extrapolée sur l’année. Elles sont plus nombreuses dans les services de l’Etat et dans les hôpitaux que dans le secteur privé, moins nombreuses dans les collectivités locales.
L’écart avec la durée annuelle du secteur privé résulte surtout des jours de congés et de RTT (jours de congés compensant une durée hebdomadaire supérieure à 35 heures).
Les agents de la fonction publique d’Etat ont pris en moyenne 37 jours de congé et de RTT en 2023, les fonctionnaires territoriaux 30 jours et les fonctionnaires hospitaliers 27 jours, contre 26 jours pour les salariés du secteur privé. Les jours de congés et de RTT sont donc plus nombreux dans les fonctions publiques que dans le secteur privé. S’agissant de l’Etat, ce sont pour une bonne part des jours de RTT qui compensent une durée hebdomadaire habituelle plus élevée que dans le secteur privé. On peut aussi noter qu’il existe une grande disparité entre les entreprises privées : le nombre de jours de congés était de 25 dans celles de 1 à 9 salariés et de 32 dans celles de 500 salariés et plus en 2019.
La durée du travail en 2023
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Salariés secteur privé
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Secteur public
|
Secteur public hors enseignants
|
Etat hors enseignants
|
Collectivités locales
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Hôpitaux
|
Heures annuelles
|
1 698
|
1 582
|
1 634
|
1 684
|
1 599
|
1 622
|
Heures hebdomadaires habituelles
|
39,0
|
ND
|
39,0
|
40,5
|
38,2
|
38,7
|
Heures supplémentaires dans l’année
|
42,0
|
ND
|
54,7
|
72,0
|
36,0
|
54,0
|
Jours de congé et RTT
|
25,5
|
ND
|
33,3
|
37,1
|
30,4
|
27,2
|
Source : rapport sur l’état de la fonction publique de 2024, Insee, Dares, FIPECO
NB les jours de congés sont décomptés en jours ouvrés (soit 5 par semaine) alors qu’ils sont parfois décomptés en jours ouvrables (soit 6 par semaine). La durée hebdomadaire est une durée habituelle sans événements tels que jours fériés, congés, arrêts pour maladie… ni heures supplémentaires exceptionnelles. La durée annuelle est réduite du fait des congés (y compris pour maladie), jours de RTT et jours fériés et augmentée des heures supplémentaires exceptionnelles. Les heures annuelles et hebdomadaires sont celles des seuls salariés à temps complet ; les jours de congés et RTT sont ceux de tous les salariés et ne comprennent pas les congés pour maladie.
2) Les absences pour raison de santé
Les données disponibles sur l’absentéisme dans la fonction publique sont lacunaires, hétérogènes et parfois incohérentes. Quelques indications à prendre avec précaution peuvent néanmoins en être tirées.
Selon le rapport de 2024 sur l’état de la fonction publique, 5,3 % des fonctionnaires (toutes fonctions publiques, dont 3,8 % pour l’Etat hors enseignants, 4,2 % pour les enseignants, 6,6 % pour les collectivités territoriales et 5,9 % pour les hôpitaux), ont été absents pour raison de santé au moins un jour au cours de la semaine précédant l’enquête en 2023 (4,8 % dans le secteur privé).
Le nombre moyen de jours d’absence pour raison de santé dans l’année est de 12,0 dans la fonction publique en 2023 (8,4 pour l’Etat hors enseignants, 9,3 pour les enseignants, 14,7 pour les fonctionnaires territoriaux et 14,0 pour les fonctionnaires hospitaliers) et de 10,3 dans le secteur privé.
Une analyse des facteurs explicatifs des arrêts maladie, présentée dans le rapport sur l’état de la fonction publique de 2015, montrait que, toutes choses égales par ailleurs c’est-à-dire en tenant compte par exemple de l’état de santé effectif des agents et des conditions de travail, la probabilité d’avoir un arrêt maladie dans l’année était plus élevée dans les fonctions publiques territoriale et d’Etat que dans le secteur privé et la fonction publique hospitalière.
3) La durée de la carrière
Les fonctionnaires qui ont liquidé leur retraite en 2023 ont validé une durée de carrière, tous régimes confondus, de 43 ans pour les agents civils de l’Etat et de 43 ans et 3 mois pour les agents des collectivités locales et des hôpitaux, contre 39 ans et trois mois pour les salariés du secteur privé (rapport annuel sur les pensions de la fonction publique et statistiques de la CNAVTS).
Les nouveaux retraités de la fonction publique ont donc validé une carrière plus longue bien qu’ils aient liquidé leur retraite plus tôt que les salariés du secteur privé (cf. plus loin). Ils pourraient avoir eu un premier emploi plus jeune mais c’est peu probable car ils sont en moyenne plus diplômés et les statistiques disponibles ne permettent pas de le vérifier. Il est plus vraisemblable qu’ils ont des carrières moins coupées par des périodes d’inactivité.
Ces écarts tiennent sans doute aussi pour partie aux règles de validation de certaines périodes non travaillées (chômage, maternité…) ou de « bonification » de certaines périodes travaillées (particulièrement diverses et nombreuses dans la fonction publique[2]), qui diffèrent dans les secteurs public et privé.
C) Les retraites
Une fiche de l’encyclopédie sur ce site présente les principales caractéristiques des pensions de retraite des fonctionnaires, notamment de leurs modalités de calcul.
1) L’âge de liquidation de la retraite
Selon le rapport sur les pensions des fonctionnaires annexé au projet de loi de finances pour 2025, l’âge moyen des personnes qui ont liquidé leur retraite en 2023 était de 62 ans et 4 mois dans la fonction publique civile d’Etat (61 ans et 10 mois dans les deux autres fonctions publiques) et de 63 ans et 5 mois dans le régime général des salariés du secteur privé.
Il existe toutefois une importante différence dans la fonction publique entre les catégories dites « actives » (aides-soignants…) ou « super actives » (policiers, gardiens de prison…), dont les âges moyens de liquidation sont 60 ans 2 mois (Etat), et les catégories « sédentaires » (les autres), dont l’âge moyen de liquidation est 63 ans et 11 mois (Etat). Les âges moyens de liquidation des actifs et sédentaires sont proches de ceux de l’Etat dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière.
Comme les catégories actives sont surtout composées d’employés et ouvriers, ceux-ci liquident leurs droits plus tôt que leurs homologues du secteur privé (57,5 ans contre 61,1 ans pour les hommes nés en 1942) alors que l’écart est faible pour les professions intermédiaires (59,1 ans contre 60,5 ans) et les cadres et professions intellectuelles (60,7 ans contre 61,4 ans) selon un rapport de la Cour des comptes de 2016 sur les retraites des fonctionnaires.
2) La durée de la retraite
Le tableau suivant, extrait du même rapport de la Cour des comptes, montre que la durée de retraite des fonctionnaires est plus longue que celle des salariés du secteur privé, plus particulièrement pour les employés hommes et pour les femmes, ce qui résulte d’un âge de liquidation des droits plus précoce et d’une espérance de vie un peu plus longue.
La durée passée à la retraite
|
Hommes
|
Femmes
|
|
Public
|
Privé
|
Public
|
Privé
|
Employés et ouvriers
|
23,1
|
19,3
|
29,1
|
25,8
|
Professions intermédiaires
|
22,5
|
21,2
|
30,5
|
26,9
|
Cadres et professions intellectuelles
|
22,9
|
22,2
|
30,2
|
27,5
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Source : rapport de 2016 de la Cour des comptes sur les pensions de retraite des fonctionnaires ; FIPECO.
3) Les pensions
Les pensions de retraite brutes de droit direct pour une carrière complète en 2021 sont plus élevées dans la fonction publique civile d’Etat (2 440 € par mois) que dans le secteur privé (1 840 € en additionnant les retraites de base et complémentaires) et inférieures à celles du secteur privé dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière (1 670 €). Cela reflète largement les écarts de salaires moyens qui résultent eux-mêmes beaucoup de la structure socio-professionnelle des secteurs public et privé (cf. plus haut).
Le taux de remplacement du salaire net moyen de l’avant-dernière année précédant la retraite par la pension nette, après une carrière complète, est d’environ 75 % pour les générations nées au début des années 1950, dans le secteur public comme dans le secteur privé. Cette égalité des taux moyens masque toutefois d’importantes disparités, notamment entre catégories socio-professionnelles.
Des travaux de la DREES de 2022 montrent ce que deviendraient les pensions des fonctionnaires si les règles du secteur privé leur étaient appliquées (simulations sur un échantillon représentatif des fonctionnaires sédentaires de la génération 1958). Leur pension serait en moyenne majorée de 1,5 %. Les gagnants représentent 62 % de l’échantillon et les perdants 32 % (pour 6 % d’entre eux la pension varierait de moins de 1 %). Les règles du privé sont plus favorables pour cette génération parce que ses derniers salaires ont été marqués par une hausse de la part des primes, elle-même liée au gel du point de la fonction publique dans les années 2010.
L’application des règles du secteur privé aux fonctionnaires les conduirait toutefois à payer des cotisations salariales sur leurs primes. L’étude de la DREES montre que, si on en tient compte, l’application des règles du privé aux fonctionnaires entrainerait une baisse d’environ 0,7 % de leur revenu moyen sur un cycle de vie.
Les règles de calcul des pensions dans le privé et dans le public ne conduisent donc pas aujourd’hui à des résultats sensiblement différents.
[1] Cette enquête repose sur les déclarations des salariés mais, selon le service statistique du ministère du travail, les durées annuelles qui en sont tirées constituent la meilleure référence, les durées déclarées par les employeurs étant souvent collectives et théoriques. Les chiffres publiés par les services statistiques des ministères du Travail et de la Fonction publique sur la base de cette même enquête sont très légèrement différents.
[2] Par exemple, les trimestres travaillés par les agents des catégories dites « actives » sont multipliés par 1,2.