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FIPECO, le 21.09.2022 

Les fiches de l’encyclopédie                                                          V) Les dépenses publiques

                                                                        

 

3) Le contrôle des dépenses publiques

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Cette fiche ne porte pas sur l’opportunité des dépenses publiques, qui relève des choix politiques des assemblées, mais sur le contrôle de leur exécution.

Ce contrôle repose d’abord sur la distinction entre les « ordonnateurs » et les « comptables publics » ainsi que sur des règles et procédures établies par un décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

Les dépenses publiques font aussi l’objet des dispositifs de contrôle et d’audit internes, définis dans un décret du 22 avril 2022, ainsi que des interventions des corps de contrôle et d’inspection ministériels, en application de leurs statuts particuliers.

Le contrôle externe des dépenses est exercé par la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes dans les conditions définies par le code des juridictions financières.

La responsabilité des ordonnateurs et des comptables a été profondément transformée par une ordonnance du 23 mars 2022 relative au « régime de responsabilité des gestionnaires publics ». La présente fiche présente ce régime de responsabilité avant et après cette réforme qui s’applique à compter du 1er janvier 2023.

Les règles et procédures exposées ici s’appliquent, sauf mention contraire, à l’ensemble des administrations publiques : l’Etat et les collectivités territoriales ainsi que la plupart des établissements publics placés sous leur contrôle[1].

A) Les ordonnateurs, contrôleurs budgétaires et comptables publics

Les ordonnateurs engagent les dépenses et prescrivent aux comptables de les payer. Ils sont souvent soumis à un « contrôle budgétaire ». Les comptables publics ont la charge exclusive de manier les fonds publics et de tenir les comptes. Ils doivent contrôler avant paiement les ordres de payer reçus des ordonnateurs. Les fonctions d’ordonnateur et de comptable publics sont en principe incompatibles. Le décaissement de fonds publics fait donc intervenir au moins deux personnes, ce qui est une sécurité.

1) Les ordonnateurs

Les ordonnateurs engagent, liquident et ordonnancent les dépenses.

« L’engagement » est l’acte juridique par lequel une personne morale crée ou constate une obligation à son encontre, par exemple la signature d’un marché. Il donne lieu à la consommation d’une « autorisation d’engagement » au sens de la comptabilité budgétaire.

La « liquidation » consiste à vérifier la réalité de la dette de la personne publique et à arrêter son montant en vue de la payer. Il s’agit notamment de vérifier le « service fait », c’est-à-dire que le créancier a livré les biens ou assuré les prestations comme convenu, et de le certifier. En liquidant la dépense, l’ordonnateur en arrête le montant exact.

« L’ordonnancement » est l’ordre donné au comptable public de payer la dépense. Il est accompagné des pièces justificatives qui permettent au comptable d’exercer ses propres contrôles. L’ordonnancement de certaines dépenses, comme les pensions des fonctionnaires, n’est toutefois pas formalisé, le résultat de la liquidation, validé par l’ordonnateur, étant automatiquement transmis au comptable par le système informatique.

Les ministres sont les ordonnateurs principaux de l’Etat et peuvent déléguer leurs pouvoirs à des ordonnateurs secondaires : les secrétaires généraux et responsables de programme pour les administrations centrales ; les préfets et ambassadeurs pour les services territoriaux et à l’étranger.

Les maires et présidents de conseils régionaux et généraux sont les ordonnateurs principaux des collectivités territoriales et peuvent aussi déléguer leurs pouvoirs à des ordonnateurs secondaires. Les ordonnateurs des établissements publics, souvent les présidents ou les directeurs généraux, sont désignés par leurs statuts.

2) Le contrôle budgétaire

Les engagements des ordonnateurs sont soumis à un « contrôle budgétaire », autrefois appelé « contrôle financier ».

a) L’Etat et ses établissements publics

Le contrôle budgétaire des dépenses de l’Etat et de ses établissements publics est principalement exercé par les « contrôleurs budgétaires et comptables ministériels » (CBCM), pour les administrations centrales et certains établissements publics, les services du « contrôle général économique et financier », pour une partie des autres établissements publics, et les directeurs régionaux des finances publiques, pour les services déconcentrés et les plus petits établissements publics.

Il a notamment pour objet de contrôler la « soutenabilité » des engagements des ordonnateurs, c’est-à-dire leur compatibilité avec les crédits disponibles pour l’exercice considéré ou prévus pour les années suivantes dans le cadre de la programmation budgétaire. Il concourt ainsi à la prévention des risques budgétaires.

Il s’exerce notamment par le moyen de visas sur la répartition initiale des crédits de chaque « programme » entre les « budgets opérationnels de programme » qui le composent, compte-tenu des crédits mis en réserve, et sur la répartition des autorisations d’emplois entre les programmes du ministère considéré. Les CBCM visent aussi en début d’année les documents présentant la gestion prévisionnelle des effectifs et des dépenses de personnel pour l’exercice qui commence.

En cours d’année, certains actes d’engagement, concernant plus particulièrement les recrutements et les investissements, peuvent être soumis au visa ou à l’avis préalable du contrôleur budgétaire si leur montant dépasse des seuils spécifiques à chaque ministère définis en fonction de la qualité du contrôle interne budgétaire (cf. ci-dessous).

Il ne peut être passé outre à un refus de visa d’un contrôleur budgétaire que par autorisation du ministre du budget.

Une réforme engagée en 2021 conduit à rapprocher les contrôleurs budgétaires et les directions financières des ministères.

b) Les établissements publics de santé

Le contrôle budgétaire des établissements publics de santé (EPS) relève des « agences régionales de santé » (ARS) et fait l’objet de dispositions spécifiques. En particulier, le directeur général de l’ARS doit approuver, éventuellement de manière tacite, les « états des prévisions de recettes et dépenses » des EPS, c’est-à-dire leurs budgets, et peut demander un plan de redressement s’il constate un déséquilibre financier au regard de divers critères fixés par la réglementation. Si sa situation financière est grave, il peut placer un EPS sous administration provisoire. Il approuve certaines dépenses importantes (équipements lourds).

c) Les collectivités territoriales

S’agissant des collectivités territoriales, de nombreux actes de gestion sont soumis à un « contrôle de légalité » a posteriori : ils sont transmis au préfet qui, s’il relève une irrégularité, peut demander à la collectivité de les modifier ou de les retirer et, en cas de refus, peut les déférer au tribunal administratif.

Si le budget n’est pas voté dans les délais légaux, s’il est voté en déséquilibre ou si le compte de l’exercice écoulé fait apparaître un déficit significatif, le préfet saisit la chambre régionale des comptes qui lui propose des mesures de rétablissement de l’équilibre budgétaire. Sur la base de ces propositions, il peut régler lui-même le budget de la collectivité défaillante.

Saisie par le préfet, le comptable public ou toute personne intéressée, la chambre régionale des comptes peut aussi constater qu’une dépense obligatoire n’a pas été inscrite au budget et mettre en demeure la collectivité de l’y inscrire. Si cette mise en demeure n’est pas suivie d’effet, elle propose un budget rectifié au préfet qui le rend exécutoire.

3) Les comptables publics

Les comptables publics sont les seuls agents habilités à payer les dépenses.

Avant de payer, le comptable doit contrôler l’ordre de payer et plus particulièrement vérifier : que l’ordre émane d’un ordonnateur juridiquement compétent ; que les crédits sur lesquels la dépense doit être imputée sont disponibles ; que la dette est « valide ».

Le contrôle du comptable sur la validité de la dette porte sur la certification du service fait, l’exactitude de la liquidation, l’application des règles de prescription, la production des pièces justificatives (commande initiale de l’ordonnateur et factures émises par le créancier par exemple), l’intervention des contrôles préalables prescrits par la réglementation comme les visas des contrôleurs budgétaires. Si le comptable constate des irrégularités ou des inexactitudes, il suspend le paiement et en informe l’ordonnateur.

Le contrôle du comptable, comme celui du contrôleur budgétaire, ne porte pas sur l’opportunité, ni même sur la régularité autre que budgétaire des actes juridiques engageant la dépense. S’agissant par exemple des marchés publics, il vérifie que le marché existe, que le service fait est certifié ou que les décomptes sont exacts, mais pas que le marché a été passé conformément au code des marchés publics (publicité préalable, égalité des candidats…).

Les comptables publics sont des agents publics nommés par le ministère du budget. Ce sont les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels dans les ministères et des « trésoriers » ou « agents comptables » dans les collectivités locales et les établissements publics.

Le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables n’empêche pas, depuis quelques années un rapprochement de leurs services dans des structures appelées centres de services partagés, services facturiers et désormais centres de gestion financière qui peuvent intervenir depuis l’engagement juridique jusqu’au paiement des dépenses et permettent une réduction des coûts et des délais de gestion.

B) Les contrôles et audits internes et les inspections

1) Le contrôle interne

Le contrôle interne désigne l’ensemble des dispositifs formalisés et permanents, mis en œuvre par les responsables de tous niveaux, qui visent à assurer la maîtrise des risques liés à la gestion des politiques publiques.

L’irrégularité des dépenses, au regard des règles budgétaires présentées ci-dessus comme des autres règles juridiques (code des marchés…), constitue un risque que le contrôle interne doit permettre de maîtriser.

Celui-ci prend des formes diverses selon la nature des activités et des risques : visas des supérieurs hiérarchiques des agents, contrôle des habilitations à accéder à certaines informations etc. Il est assuré dans les ministères sous la coordination des secrétaires généraux. Il est obligatoire dans les établissements publics de l’Etat mais facultatif dans les collectivités locales.

Le contrôle interne budgétaire porte spécifiquement sur le respect des règles budgétaires. Il est assuré par les ordonnateurs et soumis à l’examen des contrôleurs budgétaires.

2) L’audit interne

L’audit interne est une activité exercée de manière indépendante et objective qui donne aux responsables d’un organisme une assurance sur le degré de maîtrise des opérations. L’auditeur interne leur donne aussi des conseils pour l’améliorer. Il s’assure ainsi que les dispositifs de contrôle interne sont efficaces. Il est souvent directement rattaché au responsable de l’organisme (secrétaires généraux, voire directeurs d’administrations, pour l’Etat). Il existe des normes internationales d’audit interne.

3) Les inspections

La plupart des ministères disposent d’un ou plusieurs corps d’inspection : inspections générales des finances, des affaires sociales, de l’administration du ministère de l’intérieur, de l’agriculture, de l’INSEE, de la police nationale… Leurs compétences peuvent se limiter à des services particuliers (police par exemple), à des activités spécifiques (statistiques) ou s’étendre à l’ensemble d’un ministère et des organismes publics sous sa tutelle. Certaines (comme l’inspection générale des finances) ont une compétence interministérielle.

Leurs statuts et leurs fonctions sont souvent différents. Si certaines de leurs activités se rapprochent de l’audit interne, leurs missions sont plus larges. A la demande des ministres, les services d’inspection peuvent ainsi évaluer des politiques publiques, examiner la gestion de services ou d’établissements publics, contrôler la régularité d’opérations particulières sous divers angles (code des marchés, statut de la fonction publique, code de l’environnement…).

Lorsqu’elles découvrent que des agents ont commis des faits répréhensibles, elles recommandent aux ministres ou aux responsables administratifs de saisir les instances disciplinaires ou les juridictions pénales.

L’inspection générale des finances a un rôle particulièrement important en matière financière. Avec des pouvoirs d’investigations étendus, elle contrôle notamment sur place tous les postes comptables publics en faisant porter son attention sur le respect des procédures, la régularité des opérations, la lutte contre la fraude et la déontologie des agents.

C) Le contrôle et la responsabilité des gestionnaires publics jusqu’à 2022

Jusqu’à la mise en application, le 1er janvier 2023, de l’ordonnance du 23 mars 2022, les régimes de responsabilité des ordonnateurs et des comptables étaient très différents.

1) Le contrôle et la responsabilité des comptables publics

L’article 60 de la loi du 23 février 1963 prévoit que les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du paiement des dépenses, notamment des contrôles qu'ils doivent assurer. Cette responsabilité personnelle et pécuniaire peut être mise en jeu par le ministre dont relève le comptable, le ministre du budget et, surtout, la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes, qui constituent les juridictions financières.

Elles examinent les comptes des comptables publics et les contrôles auxquels ils ont procédé. Si elles constatent que le comptable a manqué à ses obligations de contrôle mais sans causer de préjudice financier à l’organisme concerné, par exemple parce que l’erreur commise porte sur le classement de la dépense dans la nomenclature, elles imposent au comptable de s’acquitter d’une somme dont le montant, variable selon les circonstances, est plafonné en fonction de l’importance de son poste. Si elles constatent que ces manquements ont entraîné un préjudice financier pour cet organisme, elles imposent au comptable de reverser à l’organisme concerné le montant de la dépense payée à tort.

Les comptables publics peuvent obtenir du ministre du budget la remise gracieuse des montants mis à leur charge. En cas de préjudice financier pour l’organisme concerné, cette remise ne peut pas être totale et un montant minimal doit être laissé à la charge du comptable, variable selon l’importance de son poste. La plupart d’entre eux sont assurés contre ce risque.

2) Le contrôle et la responsabilité des ordonnateurs

La Cour et les chambres régionales des comptes vérifient sur pièces et sur place la régularité des dépenses publiques et s'assurent du bon emploi, pour la Cour, ou de l’emploi régulier, pour les chambres régionales, des crédits, fonds et valeurs gérés par les administrations publiques.

Les contrôles des juridictions financières portent sur l’efficience (le rapport entre les résultats et les moyens), l’efficacité (le rapport entre les résultats et les objectifs) et la régularité (la conformité aux règles en vigueur).

Si elles constatent que des irrégularités ont été commises par des agents publics, autres que les comptables dans le cadre de leurs obligations spécifiques, elles peuvent les signaler dans leurs publications. Elles peuvent aussi demander aux procureurs financiers placés auprès d’elles de saisir les procureurs placés auprès des juridictions pénales compétentes pour que ces agents soient poursuivis.

Les juridictions financières peuvent aussi saisir la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), celle-ci ayant pour mission de sanctionner certaines infractions financières, en particulier : le non-respect des règles budgétaires relatives à l’exécution des dépenses ; le fait d’avoir, dans l'exercice de ses fonctions ou attributions et en méconnaissance de ses obligations, procuré à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor, la collectivité ou l'organisme intéressé, ou d’avoir tenté de procurer un tel avantage ; le fait pour un dirigeant d’un organisme public d’avoir causé un préjudice grave à cet organisme par des agissements manifestement incompatibles avec les intérêts de celui-ci, par des carences graves dans les contrôles qui lui incombaient ou par des omissions ou négligences répétées dans son rôle de direction.

La CDBF peut imposer des amendes allant jusqu’au montant de leur rémunération annuelle, ou au double de ce montant, aux personnes qui en sont justiciables, à savoir presque tous les agents publics à l’exception notable des membres du Gouvernement et de la plupart des élus locaux ayant des pouvoirs exécutifs dans les collectivités territoriales. En pratique, les arrêts de la CDBF sont rares et les sanctions généralement peu dissuasives.

D) Le contrôle et la responsabilité des gestionnaires publics à partir de 2023

L’ordonnance du 23 mars 2022 a unifié les régimes de responsabilité des ordonnateurs et des comptables et mis fin aux régimes de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables devant les juridictions financières ainsi qu’au régime de responsabilité des ordonnateurs devant la CDBF, qui est supprimée.

Les gestionnaires publics relevant de ce nouveau régime sont les comptables publics et les ordonnateurs, à l’exception des ministres et des élus locaux sauf dans des circonstances très particulières (inexécution d’une décision de justice par exemple). Les justiciables qui agissent conformément aux instructions préalables de leur supérieur hiérarchique ne sont passibles d’aucune sanction sauf si ces instructions sont manifestement illégales.

Les gestionnaires publics sont jugés par une chambre de la Cour des comptes qui est spécialisée dans ce contentieux, et qui n’existait pas auparavant, composée pour moitié de magistrats de la Cour des comptes et pour moitié de magistrats des chambres régionales et territoriales des comptes.

Ces dernières perdent donc leur fonction juridictionnelle, sauf à travers les magistrats affectés à cette chambre du contentieux de la Cour, mais elles peuvent saisir cette dernière, par l’intermédiaire du procureur général près la Cour, sur la base de leurs contrôles, comme les autres chambres de la Cour. La chambre du contentieux peut aussi être saisie par les chefs des services d’inspection, les préfets, les directeurs territoriaux des finances publiques et les commissaires aux comptes des organismes publics lorsqu’il y en a.

Les gestionnaires publics sont sanctionnés par cette chambre du contentieux en cas de « faute grave ayant causé un préjudice financier significatif » commise à travers une infraction aux règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses ou à la gestion des biens publics. le caractère significatif du préjudice financier est apprécié en tenant compte de son montant au regard du budget de l’entité concernée.

Les sanctions prennent la forme d’amendes dont le montant peut atteindre six mois de rémunération. Elles ne peuvent plus être remises par le ministre du budget et ne peuvent plus être assurées.

Les arrêts de la chambre du contentieux peuvent donner lieu à un appel devant une Cour d’appel financière présidée par le premier Président de la Cour des comptes et comprenant quatre conseiller maîtres, quatre conseillers d’Etat et deux personnalités qualifiées. Le Conseil d’Etat est le juge de cassation.

La notion de faute grave entraînant un préjudice financier significatif doit maintenant être précisée par la jurisprudence à venir de ces juridictions. Le comportement futur des gestionnaires publics sera sans doute fortement influencé par cette jurisprudence et par les interprétation que la doctrine en donnera.

 

[1] Les établissements publics industriels et commerciaux sont toutefois soumis pour la plupart à des règles proches du code de commerce et, par exemple, n’ont généralement pas de comptable public.

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