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22/03/2017

La création d'un régime de retraite universel

François ECALLE

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Pour Emmanuel Macron, « un système universel avec des règles communes de calcul des pensions sera progressivement mis en place. Le fait de changer d’activité ou de secteur sera sans effet sur les droits à la retraite. Avec un principe d’égalité : pour chaque euro cotisé, le même droit à pension pour tous. Nous ne toucherons pas à l’âge de départ à la retraite, ni au niveau des pensions ».

Un régime de retraite se caractérise par une population ayant une activité particulière, les règles de calcul des pensions dont cette population peut bénéficier et les modalités de financement de ces pensions. Il existe 25 régimes de retraite de base en France et presqu’autant de régimes complémentaires obligatoires.

Cette fragmentation du système de retraite, qui entraîne des coûts de gestion inutiles, constitue un obstacle à la mobilité professionnelle et un facteur d’injustice sociale dans la mesure où un même montant de cotisations ne donne pas droit à la même pension selon l’activité professionnelle. En outre, il est difficile de caractériser les régimes selon leur degré de générosité, ce qui entretient des polémiques récurrentes.

Il est donc souhaitable de créer un régime universel, dans lequel les cotisations payées tout au long de la vie professionnelle donneraient droit à une pension calculée sur la base de ces cotisations. Son montant devrait également dépendre de l’âge de départ en retraite de la personne et de l’espérance de vie moyenne, pour l’ensemble des Français, à cet âge. Ce régime obligatoire devrait être à la fois de base et complémentaire, cette distinction n’ayant aucun intérêt.

Les pensions ne peuvent cependant pas être ainsi calculées aujourd’hui et ne le pourront pas avant très longtemps dans les régimes spéciaux du secteur public. Ce système universel ne peut donc concerner que les nouvelles générations entrant sur le marché du travail. Leurs cotisations devraient continuer à être versées aux régimes actuels, mais être enregistrées sur un compte qui servira de base au calcul de leur pension lorsqu’elles prendront leur retraite. Dans le cas des agents publics, seules les cotisations résultant de l’application d’un taux égal à celui du régime général devraient être retenues sur ce compte. Les pensions résultant des cotisations accumulées pourraient être majorées par des avantages non contributifs clairement identifiés et financés par l’impôt.

Les premières pensions calculées dans le cadre de ce régime universel ne pourraient être versées qu’à un horizon lointain et le mode de fonctionnement de ce régime permettrait peut-être alors d’équilibrer plus facilement les comptes publics. A un horizon moins éloigné, la question de l’équilibre financier des régimes actuels resterait posée. Même si ce n’est pas l’intention d’E. Macron, une modification de leurs paramètres pour les générations actives d’aujourd’hui, comme l’âge de départ minimal, serait utile et compatible avec la création d’un régime universel pour les nouvelles générations.

A)   Une fragmentation coûteuse et inéquitable avec des effets négatifs sur le fonctionnement du marché du travail

Le rapport de septembre 2015 de la commission des comptes de la sécurité sociale recense 25 régimes de base obligatoires de sécurité sociale. Son rapport de septembre 2016 fait apparaitre une dizaine de régimes de retraite complémentaires obligatoires dont l’un, l’organisation autonome d’assurance vieillesse des professions libérales, est composé d’une caisse nationale et de 10 sections professionnelles qui gèrent chacune un régime complémentaire. On peut noter qu’il existe deux régimes de fonctionnaires, des agents de l’Etat pour le premier et des agents territoriaux et hospitaliers pour le deuxième, gérés par des organismes différents qui versent des prestations identiques, sans distinction entre pensions de base et complémentaires.

1)    Le coût de la fragmentation

Les coûts de gestion de ces régimes sont très mal connus et mesurés par chacun avec des méthodes différentes, comme l’a récemment montré la Cour des comptes à propos des régimes de fonctionnaires. Elle a néanmoins observé que les économies permises par la création d’une caisse unique de retraite des fonctionnaires pourraient atteindre 23 % du coût actuel (environ 200 M€).

L’AGIRC et l’ARRCO sont des fédérations regroupant 17 institutions de retraites complémentaires disposant d’une certaine autonomie pour des raisons historiques. Selon un autre rapport de la Cour des comptes, cette segmentation est à l’origine de nombreux doublons qui, avec d’autres facteurs comme le niveau des rémunérations, expliquent un coût de gestion (environ 2,0 Md€) supérieur de 20 % à celui du régime général à périmètre d’activités comparable. En outre, les cotisations versées par les entreprises ne sont pas contrôlées car les régimes complémentaires n’en ont pas la compétence juridique et les Urssaf considèrent que ce n’est pas leur mission.  

Ces analyses du coût de la fragmentation des régimes sociaux sont rares mais elles suggèrent qu’il est sans doute significatif pour l’ensemble des régimes.

2)    Le manque de transparence et d’équité du système

Les règles de calcul des cotisations et des pensions sont généralement différentes d’un régime à l’autre et le même montant de cotisations ne donne pas droit à la même pension. En outre, bien souvent, ces règles sont complexes et le lien entre cotisations et pensions est très distendu, à la fois du fait d’avantages « non contributifs » (ne reposant pas sur des cotisations) spécifiques à chaque régime et du financement de la plupart des régimes par des ressources pour partie autres que les cotisations sociales (des impôts pour l’essentiel)[1].

En conséquence, même s’il est théoriquement justifiable d’attribuer des prestations différentes pour un même montant de cotisation, ces justifications sont très peu convaincantes et l’importance des avantages injustifiés dont pourraient bénéficier certaines catégories sociales donne lieu à des polémiques récurrentes. Les « régimes spéciaux » et notamment ceux des fonctionnaires sont au cœur de débats permanents, mais la mesure de leur degré relatif de générosité est très difficile en pratique. 

En dépit d’un rapprochement depuis 2003, il reste de nombreuses différences entre les règles relatives aux pensions des fonctionnaires et à celles des salariés du secteur privé. Les principales portent sur le salaire de référence, pour l’ensemble des fonctionnaires, et sur l’âge de départ, pour les agents des catégories dites « actives ». Seule la première est ici examinée (pour une analyse complète du régime des fonctionnaires, voir la note qui lui est consacrée).

Le salaire de référence est celui des six derniers mois dans la fonction publique au lieu de la moyenne des 25 meilleures années (retraite de base) et de toute la carrière (retraite complémentaire) dans le secteur privé ; ce salaire de référence, de même que l’assiette des cotisations sociales, exclue les primes dans les régimes de fonctionnaires alors que tous les éléments de rémunération sont pris en compte dans le régime général et les régimes complémentaires. Le taux plein appliqué à ce salaire de référence est de 75 % dans la fonction publique et de 50 % dans le régime général des salariés du secteur privé, mais ces derniers ont des retraites complémentaires (AGIRC-ARRCO), contrairement aux fonctionnaires, ce qui porte en pratique leur taux plein également aux alentours de 75 %.

Le taux effectif de remplacement des derniers salaires par la pension versée au moment de la liquidation peut différer fortement du taux plein légal puisqu’il dépend également du mode de calcul du salaire de référence. Tous les travaux réalisés jusqu’à présent conduisent néanmoins au même taux de remplacement (environ 75 %), en moyenne, du salaire net des cinq années précédant la retraite par la pension nette, après une carrière complète dans la fonction publique ou dans le secteur privé. Les fonctionnaires sont plutôt avantagés par la règle des six mois mais pénalisés par l’exclusion des primes.

Cette égalité du taux moyen de remplacement, malgré des règles très différentes, est un effet du hasard. Elle masque d’ailleurs d’importantes disparités, notamment en fonction du taux de prime des fonctionnaires, qui est très variable d’un corps et d’un ministère à l’autre. Si les règles du privé étaient appliquées aux fonctionnaires partant aujourd’hui en retraite, la moitié environ y gagnerait et l’autre moitié y perdrait, les gains et pertes en question pouvant être très importants (plus de 15 % du montant de la pension), ce qui rendrait une telle mesure très difficile à mettre en œuvre.

Le taux de remplacement moyen va nettement baisser d’ici à 2060 dans les régimes de retraite du secteur privé (cf. fiche), notamment parce que la règle des 25 meilleures années induit un décalage de plus en plus fort entre le salaire à la date de la retraite et le salaire de référence qui détermine la pension (la moyenne des salaires des 25 meilleures années corrigés en fonction de la seule hausse des prix à la consommation). La règle des six derniers mois protègera les fonctionnaires contre cet effet.

3)    Un impact négatif sur le fonctionnement du marché du travail

Les changements de statut professionnel sont de plus en plus fréquents. Les passages par le chômage et les contrats courts sont devenus au fil du temps la norme pour près d’un actif sur cinq. La part des contrats à durée limitée (CDD et intérim) dans les recrutements atteint 86 %. Cette précarité et ces discontinuités dans les parcours professionnels touchent notamment les jeunes, les séniors et les moins qualifiés. Le travail indépendant connait par ailleurs un renouveau depuis quelques années, en France comme dans les autres pays développés, sous l’effet du développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, de l’aspiration à l’autonomie mais aussi de la recherche d’emplois et de revenus dans les pays où le taux de chômage est élevé. D’un autre côté, les fonctionnaires vivent dans un univers professionnel quasiment fermé aux transferts entre les secteurs public et privé.

En raison de la rapidité de diffusion des nouvelles technologies et des restructurations du tissu économique qu’elles imposent, ainsi que des aspirations à des parcours professionnels plus diversifiés, il est souhaitable de favoriser les transitions professionnelles d’un secteur et d’un statut à l’autre.

Or la segmentation des régimes de protection sociale fait obstacle à ces transitions. Même si les droits à pension acquis successivement dans ces différents régimes au cours de la vie active s’additionnent pour l’essentiel, le fait qu’ils soient calculés différemment et gérés par des organismes différents constitue un obstacle à la connaissance et à l’anticipation de ces droits et au changement de statut.

B)   Le régime universel souhaitable

Les caractéristiques du régime universel de retraite voulu par E. Macron ne sont pas toujours très détaillées. Celles qui sont présentées ci-dessous correspondent à ce qu’il me paraît souhaitable et pas nécessairement à ce que souhaite le candidat à l’élection présidentielle.

1)    Les principales caractéristiques du régime universel souhaitable

Les défauts du système actuel et les principaux schémas de fonctionnement d’un régime universel de retraite sont analysés dans un document de janvier 2015 publié par D. Blanchet, A. Bozio et S. Rabaté.

Les principaux défauts ont été exposés ci-dessus. Pour y remédier, le régime universel doit couvrir toute la population, indépendamment du statut ou de l’activité professionnelle. Comme il n’est pas imaginable de transformer totalement les régimes par répartition actuels en régimes par capitalisation, car une génération serait alors forcément sacrifiée, ce régime universel fonctionnerait forcément en répartition.

Il existe trois grands modèles de fonctionnement d’un régime de retraite en répartition : les régimes « par annuités », où la pension à la liquidation est un pourcentage d’un salaire de référence modulé par le nombre d’années de cotisations (c’est le cas du régime général) ; les régimes « par points », où les cotisations servent à acheter des points et où la pension dépend du nombre de points accumulés et de leur « valeur de service » (cas des régimes AGIRC et ARRCO) ; les régimes « en comptes notionnels », où la valeur en euros des cotisations accumulées est convertie en pension par un « coefficient de conversion » (de tels régimes ont été mis en place dans certains pays, notamment en Scandinavie). Il semble que le régime souhaité par E. Macron soit en comptes notionnels.

Les régimes par points et en comptes notionnels permettent d’établir le lien le plus clair entre les cotisations payées et les pensions reçues et ainsi de respecter le principe d’équité selon lequel chaque euro cotisé donne le même droit à pension pour tous. Ils sont donc préférables.

Les trois principaux paramètres de ces deux catégories de régimes sont : les modalités de revalorisation des points achetés ou des euros cotisés entre la date où ils ont été achetés ou cotisés et la date de liquidation de la retraite ; la valeur de service du point ou le coefficient de conversion, qui déterminent le montant de la première pension ; les conditions dans lesquelles cette pension est revalorisée chaque année jusqu’au décès. Comme le conclut l’article précité, les logiques de base de ces deux types de régimes sont en réalité assez proches et la combinaison de ces trois paramètres permet d’obtenir des résultats voisins en termes de taux de remplacement et de pilotage financier. Quelques principes communs doivent guider le choix de ces paramètres.

Les deux derniers doivent être liés : la valeur de service du point ou le coefficient de conversion doivent être d’autant plus faibles que l’indexation de la pension à partir de sa liquidation est favorable aux retraités. Ensuite, cette valeur de service ou ce coefficient de conversion doivent également dépendre de l’âge auquel la pension est liquidée et de l’espérance de vie à cet âge. Il s’agit de l’espérance de vie moyenne de l’ensemble des Français à cet âge de sorte de mutualiser les risques résultant des écarts qui existent par sexe, profession…Plus l’âge de départ est élevé, plus la valeur de service ou le coefficient de conversion doivent être forts ; plus l’espérance de vie moyenne à cet âge est importante, plus la valeur de service ou le coefficient de conversion doivent être faibles.

2)    Le traitement des cotisations des agents du secteur public

On peut considérer que, dans le secteur concurrentiel, la rémunération avant tout prélèvement correspond à la productivité du travail (c’est-à-dire la valeur que lui donnent les consommateurs en achetant le produit de ce travail). Les cotisations de retraite amputent cette rémunération et constituent donc un sacrifice de la part du travailleur, salarié ou non, qui a pour contrepartie l’obtention d’une pension à l’issue de sa vie professionnelle. Il est donc équitable qu’un euro de cotisation donne droit à la même pension pour tous.

Dans le secteur public, cette hypothèse est beaucoup plus contestable : les rémunérations, cotisations sociales comprises, sont financées par des prélèvements obligatoires et non par la vente de biens et services sur un marché concurrentiel. Elles peuvent être très différentes de la productivité du travail. En conséquence, les cotisations, même salariales, ne peuvent pas être systématiquement considérées comme un sacrifice réalisé par les fonctionnaires.

Dans un régime universel, l’Etat pourrait très bien augmenter le nombre de points ou abonder le compte notionnel de ses agents en relevant le taux de ses cotisations d’employeur et en finançant ce relèvement par une hausse de la TVA ou de tout autre impôt[2]. Le principe selon lequel un euro de cotisation donne droit à la même pension pour tous serait alors dévoyé.

L’équité de traitement entre les agents des secteurs privé et public ne pourra jamais être garantie car les rémunérations des premiers seront toujours largement déterminées par le marché alors que celles des seconds pourront en être déconnectées. Si on admet néanmoins que les rémunérations brutes des fonctionnaires ne sont pas trop éloignées de valeurs de marché, il faudrait prendre pour principe que les seules cotisations retenues pour augmenter leurs points ou abonder leur compte notionnel seront les cotisations obtenues en appliquant à leurs salaires bruts (primes comprises) le même taux que dans le secteur privé[3].

3)    Les avantages non contributifs

Dans les régimes actuels, de nombreux avantages non-contributifs (c’est-à-dire non liés à des cotisations) majorent les pensions (majoration pour enfants, par exemple). Leur maintien serait compatible avec la mise en place d’un régime universel, une révision de ces avantages étant néanmoins souhaitable. Ces avantages prendraient la forme d’une augmentation du nombre de points ou d’un abondement du compte notionnel en euros des bénéficiaires qui devraient être réalisés par un fonds de solidarité financé par l’impôt.

C)    Une mise en œuvre inévitablement lointaine

1)    Les difficultés techniques de mise en œuvre

Comme l’a observé la Cour des comptes, il est aujourd’hui impossible de calculer les retraites des fonctionnaires sur la base des rémunérations qu’ils ont reçues ou des cotisations qu’ils ont payées au cours de leur vie active car ces données n’ont pas été enregistrées. Dans le cadre actuel, elles sont en effet inutiles puisque seul le salaire des six derniers mois est retenu. Les simulations de l’application des règles du secteur privé aux fonctionnaires sont réalisées sur des cas-types ou sur des échantillons d’agents dont les carrières sont reconstituées de manière parfois conventionnelle.

Le régime universel ne pourrait couvrir que les nouveaux fonctionnaires, voire ceux qui ont été recrutés dans les dernières années car les systèmes d’information des employeurs et des régimes de retraite semblent avoir commencé il y a quelques années à enregistrer ces données.

Même si les pensions pouvaient être calculées dès maintenant conformément aux principes d’un régime universel par points ou en compte notionnels, une telle réforme conduirait à modifier fortement le montant de la pension attendue par de nombreux agents sur la base des règles actuelles. La compensation des perdants aurait un coût élevé pour les finances publiques (comme la réforme des régimes spéciaux de 2008) et les mesures visant à atténuer leurs pertes rendraient le système encore plus illisible qu’il n’est déjà pendant une longue période de transition.

La distinction entre des régimes obligatoires de base et complémentaire résulte d’une sédimentation historique, n’a aucun intérêt et n’existe pas dans la plupart des autres pays[4]. En conséquence, les régimes complémentaires actuels devront être fondus dans le régime universel, ce qui suppose que l’Etat en prenne d’abord le contrôle alors qu’ils sont gérés paritairement par les partenaires sociaux.

2)    Le calendrier envisageable de mise en place du nouveau régime

Les pensions ne pourront raisonnablement être toutes calculées selon les principes précédents que lorsque les nouvelles générations arrivant sur le marché du travail atteindront l’âge de la retraite. D’ici là, les régimes de retraite devraient continuer à prélever les cotisations comme actuellement pour financer les pensions des générations actuellement en retraite ou sur le marché du travail. Les cotisations des nouvelles générations actives devraient néanmoins être dès à présent enregistrées par le gestionnaire du régime universel pour être convertis en points ou pour abonder leurs comptes notionnels en euros[5].

D)   A un horizon moins lointain, les questions de l’équilibre financier des régimes actuels et de l’âge de départ restent posées

Si le régime universel ne concerne que les nouvelles générations actives, il ne modifiera les dépenses des administrations sociales qu’au-delà de 2060. La question de l’équilibre financier des régimes de retraite à cet horizon reste donc posée. Les projections du conseil d’orientation des retraites montrent que cet équilibre est envisageable si la croissance de la productivité du travail (ou du revenu réel par tête) est supérieure à 1,4 % en moyenne annuelle. Ces projections ne tiennent cependant compte ni des projections démographiques publiées par l’Insee début 2017, qui sont moins favorables, ni du coût probable du « compte pénibilité ».

Cet équilibre des régimes proviendra d’une baisse de 20 % du taux de remplacement des revenus d’activité par les pensions. Cette baisse résultera des règles actuelles d’indexation des salaires « portés au compte » pour calculer le salaire de référence et des pensions liquidées. Il s’agit en effet d’une indexation sur l’inflation et non sur les revenus nominaux. En conséquence, plus la croissance de la productivité et du pouvoir d’achat des actifs est forte, plus les pensions décrochent par rapport aux revenus d’activité, ce qui améliore automatiquement les comptes des régimes de retraite. Ce mode d’équilibrage, fortement dépendant de la croissance, pose un problème de crédibilité sur le long terme : si la croissance est forte, la pression sociale sera également forte pour relever le taux de remplacement.

Pour équilibrer un régime par répartition dont le ratio de dépendance démographique se dégrade, sans relever le taux de cotisation, il faut nécessairement diminuer le taux de remplacement, quel que soit le mode de fonctionnement de ce régime (annuités, points ou comptes notionnels). Les conditions dans lesquelles cette baisse est obtenue ne sont toutefois pas les mêmes, les paramètres modifiables étant différents (nombre d’annuités pour avoir le taux plein, valeur de service des points, coefficient de conversion, indexation…).

Les leviers disponibles dans un régime en annuités sont parfois difficiles à utiliser : il n’a jamais été imaginé de réduire le taux de liquidation (50 % dans le régime général) ; le recul de l’âge de départ minimal est refusé par une grande partie de la population. L’exemple des régimes complémentaires montre qu’il est plus facile de réduire la valeur de service du point. Dans un régime en comptes notionnels, l’augmentation de l’espérance de vie est automatiquement compensée du fait du mode de calcul du coefficient de conversion.

La création d’un régime de retraite universel en points ou en comptes notionnels pourrait donc peut-être permettre plus facilement d’équilibrer les comptes publics, mais en tout état de cause au-delà de 2060. En attendant, un recul de l’âge de départ pourrait être utile, soit pour redresser les comptes des régimes actuels si les conditions démographiques et économiques sont moins favorables que les hypothèses du scénario central du conseil d’orientation des retraites, soit pour relever la croissance potentielle. A long terme, augmenter la population active permet en effet d’accroître l’emploi et le PIB potentiel, sans effet négatif sur le taux de chômage. C’est la meilleure justification d’un recul de l’âge de départ.

Jusqu’au versement des premières pensions dans le cadre du régime universel, les régimes de retraite actuels subsisteront et fonctionneront avec les mêmes règles qu’il sera tout autant possible de modifier. Le recul de l’âge de départ minimal serait utile pour relever le PIB potentiel et, même s’il est rejeté par E. Macron, serait compatible avec la création du régime universel, celui-ci ne consistant pendant plusieurs décennies qu’à enregistrer les points acquis ou les cotisations versées.

 

[1] Les régimes de fonctionnaires sont financés par des cotisations qui sont elles-mêmes financées par l’impôt.

[2] Il pourrait aussi augmenter les cotisations salariales en relevant d’autant les salaires bruts et en finançant ce relèvement par l’impôt.

[3] Les taux de cotisations des employeurs du public sont actuellement beaucoup plus élevés que ceux du privé.

[4] Dans la plupart des pays, il y a une retraite minimale financée par l’impôt, un premier étage public et obligatoire en répartition et un deuxième étage privé et différent selon les branches en capitalisation.

[5] En appliquant des cotisations sur les primes des fonctionnaires.

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