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03/07/2017

L'âge de départ en retraite

François ECALLE

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Au vu des dernières projections publiées par le conseil d’orientation des retraites (COR), l’équilibre financier des régimes de retraite sera plus difficile à atteindre que prévu l’an dernier, ce qui ravive le débat sur l’âge de départ en retraite.

De 2016 à 2070, le rapport du nombre de retraités au nombre de cotisants augmentera d’environ 30 %. En conséquence, à taux de cotisation inchangé, il faut que le taux de remplacement moyen des revenus d’activité par les pensions diminue d’au moins 30 % pour ramener les régimes de retraite d’un déficit en 2016 à l’équilibre en 2070.

La législation actuelle fera automatiquement baisser ce taux de remplacement de près de 30 % si la croissance de la productivité du travail, donc du revenu réel moyen par tête des actifs, est de 1,5 % par an. En effet, les pensions évoluent comme l’inflation et toute hausse du revenu réel des actifs fait baisser le taux de remplacement. Si la croissance du revenu réel est de 1,8 % par an, le taux de remplacement baissera de 34 % et les régimes de retraite auront un excédent de 0,8 point de PIB en 2070. Si elle est de 1,3 % par an, le taux de remplacement baissera de 25 % et ils auront un déficit de 0,7 point de PIB.

D’une part, il n’est pas certain que les gains de productivité soient de 1,5 % à cet horizon et, d’autre part, les régimes de retraite seront en déficit pendant la période 2025-2045 dans tous les scénarios du COR. Un recul de l’âge de départ en retraite est donc justifié pour assurer le rééquilibrage financier des régimes.

L’intérêt d’un tel recul est aussi, et surtout, de relever le taux de croissance de la population active et donc, à long terme, les taux de croissance de l’emploi et de la production potentielle. L’augmentation de la population active n’a pas d’effet à long terme sur le taux de chômage mais a un impact favorable sur l’emploi et la production.

Un recul d’un an de l’âge minimal d’ouverture des droits ou une hausse d’un an de la durée de validation requise pour obtenir le taux plein permettraient d’améliorer d’environ 11 Md€ le solde des administrations publiques, cette amélioration étant partagée à parts égales entre une baisse de leurs dépenses et une hausse de leurs recettes.

Ce recul de l’âge de départ est compatible avec la création d’un régime de retraite universel par points ou en comptes notionnels. Ce régime universel n’a d’intérêt que s’il couvre les agents du secteur public, mais leur rémunération n’est archivée que depuis peu de temps. Il faudra attendre au moins 30 ans pour que la pension des fonctionnaires puisse être calculée sur la base des cotisations versées pendant toute leur vie professionnelle et pour qu’un véritable régime universel soit en place. En attendant, l’âge de départ peut et doit être reculé.

Les principales caractéristiques de ces régimes ainsi que leur situation et leurs perspectives financières sont décrites dans des fiches de l’encyclopédie.

A)   La croissance peut permettre de rééquilibrer les régimes de retraite, au prix d’une baisse de 30 % du taux de remplacement

1)    La baisse de 25 % du taux de remplacement qui apparait dans le scénario du COR où les gains de productivité sont de 1,3 % par an est insuffisante pour rééquilibrer les régimes de retraite

La fiche de l’encyclopédie sur les perspectives des régimes de retraite présente, à législation constante, l’évolution de leurs principaux paramètres (taux de dépendance[1], taux de remplacement moyen[2]) et de leur solde financier dans le cadre du scénario du COR dans lequel la croissance de la productivité du travail, et donc également du revenu réel par tête, est de 1,3 % en moyenne à l’horizon de 2070 (le taux de chômage étant stabilisé à 7,0 %). Dans ces conditions, les comptes des régimes de retraite resteraient globalement déficitaires avec un déficit atteignant un maximum de 0,9 % du PIB autour de 2030, après 0,3 % en 2016, et revenant ensuite à 0,7 % en 2070.

Source : COR, rapport de juin 2017 ; croissance de 1,3 % par an de la productivité ; FIPECO.

Dans tous les scénarios du COR, le taux de dépendance s’accroît d’environ 30 % et, dans le scénario où la productivité augmente de 1,3 % par an, le taux de remplacement moyen diminue de 25 % de 2016 à 2070 alors que pour maintenir un régime de retraite par répartition en équilibre, à taux de cotisation inchangé, il faut que la hausse du taux de dépendance soit exactement compensée par la baisse du taux de remplacement. Dans ce scénario, le plus vraisemblable, le taux de remplacement ne baisse donc pas assez pour ramener les régimes à l’équilibre.

La condition d’équilibre d’un régime de retraite par répartition

Cette baisse du taux de remplacement résultera, à législation inchangée, de l’écart entre le taux de croissance des revenus d’activité et le taux d’inflation. Celui-ci sert en effet à corriger les salaires des années passées pour calculer la moyenne des 25 meilleures années ainsi que pour revaloriser les pensions. Plus la croissance économique est forte, plus la croissance des revenus d’activité est élevée en termes réels, donc supérieure à l’inflation, et plus le revenu moyen s’éloigne de la pension moyenne.

2)    Une baisse plus forte du taux de remplacement apparaît dans les scénarios conduisant à un équilibre ou un excédent des régimes de retraite

Les scénarios présentés par le COR qui sont plus optimistes s’agissant de la croissance conduisent à l’équilibre ou à un excédent des régimes de retraite à l’horizon de 2070, mais au prix d’une baisse plus forte du taux de remplacement.

Les hypothèses et résultats des scénarios du COR

 

Croissance du revenu réel par tête

1,8

1,5

1,3

1,0

Taux de chômage

7,0

7,0

7,0

7,0

Taux de remplacement en 2016

51,6

51,6

51,6

51,6

Taux de remplacement en 2030

47,4

48,0

48,5

49,1

Solde financier en 2030               (% du PIB)

- 0,7

- 0,8

- 0,9

- 1,1

Taux de remplacement en 2070

34,2

37,0

38,9

42,1

Solde financier en 2070           (% du PIB)

+ 0,8

- 0,1

- 0,7

- 1,8

Source : rapport annuel de juin 2016 du COR ; FIPECO.

Dans le scénario où les gains de productivité annuels sont de 1,8 %, les comptes des régimes de retraite dégagent un déficit de 0,7 point de PIB en 2030 puis un excédent de 0,8 point en 2070, mais au prix d’une baisse du taux de remplacement moyen de 51,6 % en 2016 à 47,4 % en 2030 (soit – 8 %) et 34,2 % en 2070 (soit – 34 %).

Quel que soit le scénario macroéconomique retenu et si les évolutions du taux de dépendance résultent seulement de la pyramide des âges et de la législation actuelle, ce qui est le cas dans ces projections, l’équilibre financier à long terme des régimes de retraite ne peut être obtenu que si le taux de remplacement moyen est ramené de 52 % à environ 37 %, soit une baisse de 30 % environ qui permet de compenser la hausse du taux de dépendance.

Si la croissance du revenu réel par tête est supérieure à 1,5 % par an, le taux de remplacement passe spontanément au-dessous de 37 % et des mesures peuvent être prise pour améliorer les pensions jusqu’à cette limite. Si elle est inférieure à 1,5 %, le taux de remplacement ne baisse pas assez et des mesures complémentaires sont nécessaires pour réduire les pensions.

Ces taux de remplacement doivent être interprétés avec précaution. En effet, le taux de 51,6 % en 2016 ne signifie pas que le niveau de vie des retraités est à peu près égal à la moitié de celui des actifs. Compte-tenu notamment des différences de taux des cotisations sociales sur les pensions et les revenus d’activité, des autres prestations sociales et des revenus du patrimoine, le COR considère que le niveau de vie moyen des retraités est égal à 106 % de celui de l’ensemble de la population en 2015. Selon les scénarios, il serait compris entre 82 et 94 % du niveau de vie moyen de la population en 2070.

Il reste qu’une telle baisse du taux de remplacement, d’autant plus forte que la croissance des revenus réels des actifs sera forte, est peu crédible. La règle d’indexation des pensions sera probablement modifiée dans un sens plus favorable aux retraités. Dans ces conditions, il faudra utiliser d’autres leviers pour assurer la soutenabilité financière des régimes de retraite.

B)   La poursuite du recul de l’âge de départ pourrait permettre d’améliorer les comptes sans dégrader le taux de remplacement et surtout de relever la croissance potentielle

1)    La poursuite du recul de l’âge de départ en retraite pourrait permettre d’améliorer les comptes sans dégrader le taux de remplacement

Les évolutions du taux de dépendance ne résultent pas seulement de la démographie mais aussi de mesures de politique économique.

Un recul de l’âge de départ à la retraite permettrait d’augmenter le nombre de cotisants et de diminuer le nombre de retraités. Après avoir été stabilisé au début des années 2000 puis avoir légèrement diminué à la fin de cette décennie sous l’effet des départs anticipés pour carrière longue, il tend désormais à reculer, passant de 60,5 à 61,6 ans de 2008 à 2016. Les projections du COR tablent sur une poursuite de ce mouvement sous l’effet du relèvement progressif des bornes d’âge, de 60 et 65 ans à 62 ans et 67 ans, ainsi que de l’augmentation du nombre de trimestres requis pour liquider une retraite au taux plein : l’âge moyen de départ en retraite se stabiliserait, dans tous les scénarios, autour de 64 ans vers 2040, ce qui contribue à ralentir la hausse du taux de dépendance.

Dans le scénario où les gains de productivité sont de 1,3 % par an, reculer cet âge de départ d’un an permet de ramener les comptes des régimes de retraite d’un déficit de 0,7 % du PIB à l’équilibre, à l’horizon de 2070, sans modifier les taux de remplacement et de cotisation.

Dans le scénario où les gains de productivité sont de 1,8 % par an, un recul d’un an et demi de l’âge de départ permettrait de relever le taux de remplacement de 2,5 points (soit de 34 à 36 % en 2070) en maintenant le même solde financier en 2070.

2)    Il existe plusieurs moyens pour faire reculer l’âge effectif de départ

Le moyen le plus sûr de reculer l’âge de départ en retraite est de relever l’âge minimal, qui sera de 62 ans en 2017. Cette mesure est toutefois plus particulièrement pénalisante pour ceux qui sont entrés tôt sur le marché du travail, qui ont eu des carrières longues et qui ont donc validé le nombre de trimestres requis pour obtenir une pension au taux plein.

Pour moins les pénaliser, il est également possible d’augmenter le nombre de trimestres requis pour liquider une pension au taux plein (172 pour les générations nées après 1973) ou encore de relever l’âge jusqu’auquel s’applique une décote lorsque le nombre de trimestres validés est insuffisant (67 ans à partir de 2017). Il n’est toutefois pas certain qu’une augmentation du nombre de trimestres requis entraîne une hausse significative de l’âge de départ, bien que l’étude des départs en retraite montre que les salariés essayent souvent d’obtenir le taux plein. Même si l’âge de départ n’augmente pas, une telle mesure permet néanmoins de réduire le déficit des régimes de retraite, à travers une baisse plus forte du taux de remplacement.

Etant donné qu’il y a près de 16 millions de retraités de droit direct et que les générations arrivant aujourd’hui à l’âge de 60 ans comprennent environ 800 000 personnes, le flux des départs en retraite représente environ 5 % du stock de retraités. Reculer l’âge de départ effectif d’un trimestre par an revient à réduire ce flux de 200 000 personnes, soit 1,25 % du stock. En supposant que la pension moyenne ne change pas, l’économie annuelle pour les régimes de retraite serait approximativement de 3 Md€.

Toutefois, pour reculer l’âge effectif de départ d’un trimestre par an, il faudrait prendre des mesures beaucoup plus fortes que relever d’un trimestre par an l’âge minimal ou le nombre de trimestres requis pour obtenir le taux plein. Les évolutions constatées depuis 2010 suggèrent que de telles mesures conduisent à un recul de l’âge effectif de départ d’un demi-trimestre par an. Dans ces conditions, l’économie résultant d’un recul d’un trimestre par an de l’âge minimal ou d’une hausse d’un trimestre par an de la durée de validation requise serait non pas de 3 Md€ mais d’environ 1,5 Md€ par an, soit 6,0 Md€ en cumul sur quatre ans.

En intégrant l’ensemble de ses effets, la direction générale du trésor estime l’impact d’un recul d’un an de l’âge minimal d’ouverture des droits sur le montant des pensions à environ 5 Md€ dans un document examiné le 19 octobre 2016 par le COR.

3)    Un recul de l’âge de départ en retraite augmente l’emploi sur le long terme et la croissance potentielle

Un recul de l’âge de départ en retraite permet de diminuer le nombre de retraités mais aussi d’augmenter le nombre de cotisants et donc les recettes des régimes de sécurité sociale. Une augmentation de 100 000 cotisants représente une hausse de 0,4 % de leur nombre tous régimes confondus, soit un montant de cotisations (pour l’ensemble des branches de la protection sociale) d’environ 1,5 Md€. Un recul d’un trimestre par an de l’âge de départ minimal ou de la durée de validation requise permettrait de prélever 6,0 Md€ de cotisations supplémentaires si cette mesure était reconduite pendant quatre ans.

Encore faut-il que 100 000 retraités de moins correspondent à 100 000 emplois de plus et que les séniors concernés ne soient pas obligés de s’inscrire au chômage ou dans un régime d’invalidité. Bien que l’évolution des effectifs des entreprises soit plutôt déterminée par la demande à court terme, une étude de l’Insee montre que la réforme de l’âge d’ouverture des droits de 2010 a entraîné une hausse de 17 points de la probabilité d’être en emploi et de 7 points de la probabilité d’être au chômage à 60 ans.

A moyen et long terme, c’est l’offre de travail qui est déterminante, comme le montre le graphique suivant qui met en relation les taux de croissance de la population active et de l’emploi dans les pays de l’OCDE de 1995 à 2015. La corrélation est clairement positive : plus la population active augmente, plus l’emploi augmente. La croissance de l’emploi est quasiment égale à celle de la population active pour presque tous les pays, ce qui signifie que le taux de chômage n’a quasiment pas varié sur cette période et, surtout, qu’il est indépendant de l’évolution de la population active. C’est également ce que montrent les études examinées par le COR dans la séance du 19 octobre 2016.

L’étude précitée de la direction générale du trésor fait apparaître que le recul d’un an de l’âge d’ouverture des droits entraînerait une hausse de 0,7 % de la population active et du PIB potentiel. Il permet donc de relever la croissance potentielle. Du fait de la hausse des recettes publiques en résultant et de la baisse des dépenses due à la diminution du nombre de retraités, le solde des administrations publiques s’améliorerait d’environ 11Md€.

Source : OCDE ; FIPECO. Ensemble des pays de l’OCDE, le point rouge correspondant à la France.

C)    Un recul de l’âge de départ en retraite est compatible avec la création d’un régime de retraite universel

La fragmentation du système de retraite entraîne des coûts de gestion inutiles et constitue un obstacle à la mobilité professionnelle et un facteur d’injustice sociale dans la mesure où un même montant de cotisations ne donne pas droit à la même pension selon l’activité professionnelle. En outre, il est difficile de caractériser les régimes selon leur degré de générosité, ce qui entretient des polémiques récurrentes.

Il est donc souhaitable, comme proposé dans le programme d’En-Marche, de créer un régime universel, par points ou en « comptes notionnels », dans lequel les cotisations payées tout au long de la vie professionnelle donneraient droit à une pension calculée sur la base de ces cotisations. Son montant devrait également dépendre de l’âge de départ en retraite de la personne et de l’espérance de vie moyenne, pour l’ensemble des Français, à cet âge. Ce régime obligatoire devrait être à la fois de base et complémentaire, cette distinction n’ayant aucun intérêt.

Les pensions ne peuvent cependant pas être ainsi calculées aujourd’hui et ne le pourront pas avant très longtemps dans les régimes spéciaux du secteur public car les revenus et les cotisations n’étaient pas enregistrées jusqu’à ces dernières années. C’était en effet inutile puisque la pension est calculée sur la rémunération, hors primes, des six derniers mois. Les données enregistrées par le régime de retraite additionnelle de la fonction publique peuvent sans doute être utilisées pour reconstituer la rémunération globale et les cotisations des agents du secteur public, mais elles n’existent que depuis 2005.

Or la création d’un régime universel n’aurait aucun intérêt si elle ne concernait pas les régimes spéciaux. Ce système universel ne peut donc concerner que les générations entrées à partir de 2005 sur le marché du travail. Leurs cotisations devraient continuer à être versées aux régimes actuels, mais être enregistrées, avec les cotisations déjà payées, sur un compte qui servira de base au calcul de leur pension lorsqu’elles prendront leur retraite. Les premières pensions calculées dans le cadre de ce régime universel pourraient seulement être liquidées lorsque la génération entrée dans la vie active en 2005 prendra sa retraite, soit dans environ 30 ans. Comme cela conduirait à modifier les droits acquis au titre des cotisations versées depuis 2005, le rapport entre cotisations et pension n’étant plus le même dans le futur régime universel, il est même plutôt probable que seules les générations entrant dans la vie professionnelle à partir de 2018 seront concernées. Les premières pensions versées dans le cadre du régime universel ne le seront que vers 2047 voire 2060.

Le mode de fonctionnement de ce régime universel permettrait peut-être alors d’équilibrer plus facilement les comptes publics mais, à un horizon moins éloigné, la question de l’équilibre financier des régimes actuels reste posée. Même si ce n’est pas l’intention du Gouvernement, une modification de leurs paramètres pour les générations actives d’aujourd’hui, notamment pour reculer l’âge de départ minimal, serait nécessaire et compatible avec la création d’un régime universel pour les jeunes générations.

 

[1] Rapport du nombre de retraités au nombre de cotisants.

[2] Rapport de la pension moyenne au revenu d’activité moyen des cotisants.

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