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FIPECO le 20.12.2023

Les fiches de l’encyclopédie                                            IX) Les autres politiques publiques

9) Les contrats aidés et leur impact sur l’emploi

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Cette fiche présente d’abord la définition des contrats aidés et leur évolution dans le temps. Elle montre ensuite quel est leur impact sur l’emploi, fournit quelques éléments de comparaison internationale et précise certaines caractéristiques de ces emplois permettant d’apprécier leur ciblage.

A) La définition des contrats aidés et leur évolution dans le temps

1) La définition des contrats aidés

Beaucoup d’emplois du secteur marchand bénéficient de subventions (primes à l’embauche…) ou d’un allègement des cotisations sociales. Les emplois dans le secteur non marchand sont, par définition, financés par des prélèvements obligatoires. Sauf à y inclure la majorité des emplois, la définition du périmètre des contrats aidés n’est pas évidente et doit être plus restreinte.

Cette note s’inspire d’une note d’analyse publiée par la DARES en octobre 2021 et retient le même périmètre. Il s’agit de contrats dérogatoires au droit commun, autres que ceux en alternance, dont les bénéficiaires reçoivent un accompagnement ou une formation, pour lesquels l’employeur bénéficie d’une aide de l’Etat sous forme de subvention ou d’allègements de cotisations sociales, qui sont réservés aux personnes rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi et dont le nombre et la répartition sont fixés par l’Etat.

Cette dernière caractéristique est essentielle : les crédits affectés aux contrats aidés et leur nombre sont inscrits dans la loi de finances et répartis d’abord par l’administration centrale entre les secteurs, les publics et les régions puis par les préfets au niveau local, éventuellement en adaptant leurs caractéristiques (taux de subvention…). Il s’agit donc d’un outil très pratique pour les gouvernements qui leur permet de cibler les créations d’emplois, mais pas toujours à bon escient.

2) L’évolution dans le temps

On peut situer l’origine des contrats aidés en 1984 avec la création des « travaux d’utilité collective ». Une vingtaine de dispositifs, chacun comportant de multiples variantes, se sont succédé de 1984 à 2022. Comme le soulignait Bertrand Martinot en 2015[1], il n’y a pas eu de plan de lutte contre le chômage qui n’ait comporté un volet contrats aidés ou stages de formation. Sous des appellations diverses, ces dispositifs ont les mêmes grandes caractéristiques et diffèrent seulement par la valeur de certains paramètres (publics prioritaires, taux de subvention…), constamment modifiés sans toujours une évaluation de leur pertinence.

La dernière réforme, en 2018, a consisté notamment à remplacer les « emplois d’avenir » par des « parcours emploi compétences ».

Le graphique ci-joint met en évidence une forte hausse du nombre de contrats aidés dans les années 1990, jusqu’à un maximum de plus de 800 000 dans les années 1996 à 1999, d’abord en réaction à la récession de 1993 puis, malgré une bonne conjoncture économique, pour satisfaire les promesses de création « d’emplois jeunes ».

Source : DARES ; FIPECO.

Les années 2000 ont été marquées par une forte baisse du nombre de contrats aidés, notamment dans le secteur marchand où ils sont devenus presque résiduels. Malgré une remontée provisoire en 2009-2010 en raison de la crise économique, cette tendance à la baisse, notamment dans le secteur marchand, s’est prolongée jusqu’à 2012 où ils sont revenus à un minimum de 230 000. Le nombre de contrats aidés a ensuite significativement augmenté dans les années 2013-2016, surtout dans le secteur non marchand. Une forte baisse est enfin observée entre fin 2016 et fin 2020 (- 354 000) et le nombre de contrats aidés à la fin de 2020 (69 000) était le plus faible jamais enregistré.

La crise a conduit à une remontée en 2021. Une circulaire de septembre 2020, dans le cadre du plan « un jeune, une solution », a en effet augmenté le nombre de PEC disponibles pour les moins de 26 ans et relevé le taux de prise en charge de leur coût par l’Etat. Les CUI-CIE ont été ouverts aux jeunes en métropole alors qu’ils l’étaient seulement Outre-mer.

Une nouvelle baisse est intervenue en 2022 et on recensait 52 000 parcours emploi compétences (PEC) ainsi que 22 000 contrats uniques d’insertion et d’initiative emploi (CUI-CIE) dans le secteur marchand en décembre.

La diminution du nombre de contrats aidés jusqu’à 2020 doit être relativisée dans la mesure où les contrats passés par les associations et entreprises d’insertion par l’activité économique étaient jusqu’en 2018 compris dans les statistiques d’emplois aidés par la DARES et ne le sont plus. Or le nombre de ces contrats d’insertion, qui ressemblent aux contrats aidés classiques, s’est fortement accru. Ils étaient 75 000 en 2010, 133 000 en 2018 et 145 000 à la fin de 2022.

Les employeurs des bénéficiaires de PEC étaient des associations pour 46 %, des communes et intercommunalités pour 27 %, des établissements sanitaires pour 10 % et des établissements d’enseignement pour 5 % en 2020. Il s’agissait de CDD pour 96 % (de 11 mois en moyenne), surtout à temps partiel (la durée hebdomadaire du travail est de 25 heures) qui étaient subventionnés par l’Etat à hauteur de 30 à 60 % du SMIC brut selon les régions (51 % en moyenne) et exonérés de cotisations sociales patronales et de taxes sur les salaires.

Dans les années 2000, les crédits annuels affectés aux contrats aidés ont été compris entre 2,0 et 2,5 Md€ hors insertion par l’activité économique[2]. En 2022, les crédits de paiement consommés ont été de 0,9 Md€ sur le budget de la mission « travail et emploi ».

B) L’impact des contrats aidés sur l’emploi

1) L’impact sur l’emploi à court terme

Toute aide à l’emploi entraîne : des « effets d’aubaine » (l’employeur aurait créé un emploi sans aide), des « effets de substitution » (un emploi aidé remplace un emploi non aidé) et des « effets d’anticipation » (l’emploi est créé plus tôt que prévu par l’employeur). Une fiche de l’encyclopédie de FIPECO montre comment les méthodes d’évaluation des politiques publiques permettent de mesurer ces effets.

Les évaluations de la DARES de 2017 concluent à la création de 0,15 à 0,25 emploi dans le secteur marchand lorsque 1 contrat y est aidé et de 0,5 emploi dans le secteur non marchand quand un PEC y est aidé (0,67 pour les CUI-CAE et 0,56 pour les emplois d’avenir).

Une étude de la DARES de 2023 montre que les effets d’aubaine sont de 26 % dans le secteur non marchand et de 61 % dans le secteur marchand.

Les effets sur l’emploi sont beaucoup plus forts à court terme lorsque les contrats sont passés avec des organismes publics, en particulier les collectivités locales et les hôpitaux, parce que leurs dépenses sont largement déterminées par les ressources que l’Etat leur apporte. Toute aide supplémentaire de l’Etat entraîne une dépense supplémentaire et, si cette aide est conditionnée par le recrutement de personnes particulières, ces organismes les embauchent.

2) L’impact sur l’emploi à moyen terme

Les enquêtes de la DARES permettent depuis longtemps de suivre le parcours professionnel des personnes qui ont bénéficié d’un contrat aidé, dans le secteur marchand ou non marchand, et de celles qui n’en ont pas bénéficié.

Elles montrent que, six mois après la fin de l’aide de l’Etat, 67 % des personnes ayant bénéficié d’un CUI-CIE (secteur marchand) ont un emploi, contre seulement 41 % pour celles qui ont bénéficié d’un CUI-CAE (secteur non marchand). Les contrats aidés dans le secteur marchand sont donc plus efficaces en termes d’insertion, mais ce résultat pourrait s’expliquer par les caractéristiques différentes de ces deux catégories de bénéficiaires des contrats aidés. En effet, les personnes les plus difficilement employables sont plutôt dirigées vers le secteur non marchand par les agents de Pôle emploi.

S’agissant de l’insertion par l’activité économique, un rapport de 2013 de l’inspection générale des affaires sociales note que les résultats disponibles sont décevants, en deçà des objectifs d’insertion professionnelle visés par le ministère du travail. Six mois après la sortie d’un atelier ou chantier d’insertion, moins de 12 % des personnes aidées ont trouvé un emploi durable. Ce taux n’était encore que de 15 % en 2021 (projet de loi de finances pour 2023).

Pour évaluer plus précisément l’efficacité de ces dispositifs, il faut pouvoir comparer le parcours professionnel des bénéficiaires de ces contrats à celui d’un « groupe témoin » de personnes qui présentent les mêmes caractéristiques mais n’en ont pas bénéficié. Selon la DARES, il en ressort que, deux ans et demi après la fin de l’aide, le bénéficiaire d’un CUI-CIE (secteur marchand) a une probabilité plus élevée de 31 points de pourcentage d’être employé en contrat à durée indéterminée qu’une personne de mêmes caractéristiques du groupe témoin. En revanche, le bénéficiaire d’un CUI-CAE (secteur non marchand) a une probabilité d’être employé en CDI inférieure de 8 points de pourcentage à celle d’une personne de mêmes caractéristiques du groupe témoin. Une nouvelle évaluation publiée en décembre 2021 montre que les bénéficiaires de CUI-CAE ont une probabilité d’avoir un emploi non aidé supérieure de 3 points à celle du groupe témoin au bout de trois ans, mais inférieure de 8 points s’agissant des emplois en CDI et supérieure de 15 points d’agissant d’emplois en CDD, ce qui confirme les résultats de l’étude précédente.

L’introduction à un dossier sur les contrats aidés publié en 2015 dans la revue Economie et Statistiques note que « si les contrats aidés non marchands améliorent les conditions de vie, notamment du fait qu’ils procurent un revenu à court terme, leurs bénéficiaires sont moins souvent en emploi après leur sortie que les demandeurs d’emploi qui n’en ont pas bénéficié. Les bénéficiaires de contrats aidés marchands sont quant à eux plus souvent en emploi à la fin de l’aide de l’Etat que s’ils n’en avaient pas bénéficié, ce qui tient dans la plupart des cas au fait qu’ils sont maintenus chez leur employeur ».

Il est probable que l’expérience acquise dans le secteur non marchand, ou dans celui de l’insertion, soit plus difficilement valorisable dans le secteur privé. Il est aussi vraisemblable que ces emplois donnent des habitudes de travail inadaptées au secteur privé, ou tout au moins que les employeurs privés aient cette opinion.

La question de l’utilité des activités exercées dans le cadre de ces contrats dans le secteur non marchand doit aussi être posée. Ces activités ont une utilité et répondent à un besoin ressenti par les élus locaux, les gestionnaires d’établissements publics et les usagers des services publics. Mais il faut encore que cette utilité soit supérieure au coût de ces services.

Dans le secteur privé, cette condition est vérifiée dans la mesure où une entreprise n’embauche en principe une personne pour rendre des services que si des clients consentent à les payer. Dans le secteur public, il est impossible de vérifier ce consentement à payer, les services rendus étant gratuits. Dans ces conditions, les élus locaux, les gestionnaires d’établissements publics et les ménages demanderont toujours plus d’emplois aidés.

Or, ces services sont payés par les contribuables, ménages et entreprises, avec leurs impôts et la propension des Français à demander toujours plus de services publics nous place au premier rang de l’OCDE pour le niveau des prélèvements obligatoires.

Si le coût des prélèvements obligatoires n’est pas compensé par l’utilité des dépenses qu’ils permettent de financer, leur impact à moyen terme sur l’activité économique et l’emploi est négatif. C’est probablement le cas pour une grande partie des emplois aidés dans le secteur non marchand. En effet, leur volume ne résulte pas d’une évaluation de leur bénéfice socio-économique mais, le plus souvent, d’objectifs fixés par les gouvernements pour « traiter statistiquement » le chômage ou satisfaire des promesses de campagne.

Il reste que les emplois aidés peuvent être utiles dans les périodes de crise économique et de forte hausse du chômage pour donner une activité à des personnes qui ne peuvent pas trouver un travail, mais il faut que l’activation de ces dispositifs reste temporaire.

C) Les éléments de comparaison internationale

Selon la Commission européenne, les dépenses publiques relevant de la « politique du marché du travail » et consacrées à « la création directe d’emplois » représentaient 0,06 % du PIB en France en 2021 contre 0,03 % en Allemagne, 0,01 % en Italie, 0,11 % en Espagne, 0,03 % en Belgique et rien aux Pays-Bas et en Suède.

Une revue d’une centaine d’évaluations dans différents pays[3] montre que ces emplois aidés, au mieux, n’ont aucun effet sur la probabilité de trouver un emploi durable et, au pire, dégradent les chances d’insertion.

D) Les caractéristiques des contrats aidés au regard du ciblage souhaitable

Certaines personnes, non handicapées[4], ne sont pas employables par des entreprises privées dans des conditions de droit commun, c’est-à-dire en étant payées au SMIC avec les allègements de cotisations sociales de droit commun pour l’employeur, parce que leur productivité est insuffisante. Cette situation résulte généralement d’une qualification trop faible, mais des personnes qualifiées peuvent également perdre leur employabilité dans certaines circonstances. Cette situation est souvent provisoire et des formations adéquates doivent permettre en principe d’en sortir.

La solidarité nationale impose de donner des emplois à ceux qui ne sont pas employables dans les conditions de droit commun, à condition qu’ils fassent les efforts nécessaires pour devenir employables, et ces emplois doivent être subventionnés par l’Etat. Il est donc nécessaire de financer un minimum de contrats aidés, ciblés sur les personnes sans qualification et sur celles qui n’arrivent pas à trouver un emploi malgré des efforts de recherche significatifs, donc sur les chômeurs de très longue durée.

Les PEC sont à cet égard un peu mieux ciblés que les contrats précédents. En effet, 48 % des nouveaux bénéficiaires de contrats aidés dans le secteur non marchand en 2016 avaient un niveau de formation correspondant au Bac ou à des études supérieures et ce taux est de 40 % pour les PEC en 2020 ; seuls 28 % d’entre eux n’avaient aucun diplôme en 2016 et ce taux est passé à 34 %. Seuls 35 % des bénéficiaires de contrats aidés dans le secteur non marchand étaient au chômage depuis plus de 24 mois en 2016 et ce taux est passé à 41 % en 2020.

Toutefois, certains indicateurs ne se sont pas améliorés avec les PEC. La DARES retient une définition plus large des personnes en difficulté particulière d’accès à l’emploi : les personnes de 50 ans et plus, celles qui sont inscrites à Pôle emploi depuis plus d’un an, les bénéficiaires de minima sociaux et les personnes de moins de 26 ans qui ont un niveau de formation inférieur au Bac. Selon cette définition, 85 % des nouveaux bénéficiaires de contrats aidés dans le secteur non marchand en 2016 étaient en difficulté d’accès à l’emploi et ce taux était le même en 2019.

 

[1] « Pour en finir avec le chômage », Bertrand Martinot, Pluriel, 2015.

[2] Pour en finir avec le chômage », Bertrand Martinot, Pluriel, 2015.

[3] « The effectiveness of european active labor market programmes » J. Kluve, Labour economics, 2010.

[4] Les personnes handicapées ont droit à d’autres aides.

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