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FIPECO, le 27.07.2023                                                                          

Les fiches de l’encyclopédie                                                          V) Les dépenses publiques

2) La croissance des dépenses publiques

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La définition, le montant et la répartition des dépenses publiques, en France et dans les autres pays européens, sont présentés dans une autre fiche. La présente fiche explique comment la croissance des dépenses est mesurée et quelle a été leur évolution au cours des dernières années en France et dans les autres pays de l’Union européenne. Conformément aux règles de la comptabilité nationale, les crédits d’impôts sont inclus dans les dépenses publiques.

A) La mesure de la croissance des dépenses publiques

La croissance des dépenses publiques est généralement mesurée en « valeur »[1], en « volume »[2] ou en pourcentage du PIB.

1) La croissance en valeur

La croissance en valeur (ou « en euros courants ») des dépenses est la mesure la plus simple, car elle dérive directement des données comptables, mais un taux de croissance élevé en valeur n’est pas nécessairement le signe d’une politique budgétaire plus accommodante et n’entraîne pas forcément une aggravation du déficit public.

Il peut en effet résulter d’une inflation plus forte. Or certaines dépenses publiques dépendent mécaniquement de l’évolution des prix, de droit (prestations sociales indexées) ou de fait (achat de biens et services). Un taux de croissance élevé des dépenses publiques peut donc être la conséquence automatique de ces mécanismes, à politique et réglementation inchangées, et ne pas traduire une politique budgétaire particulièrement accommodante.

Une forte croissance des dépenses publiques n’a pas nécessairement d’effets défavorables sur le déficit public si elle résulte d’une forte inflation car la croissance des recettes est elle-même d’autant plus forte que l’inflation est élevée.

Pour comparer la progression des dépenses d’une année à l’autre ou d’un pays à l’autre, il est donc souvent préférable de la corriger de l’impact de l’inflation, donc de la mesurer en volume. Il est également intéressant de la rapprocher de la croissance du PIB en valeur, car celle-ci détermine l’évolution des recettes, ce qui conduit à examiner l’évolution du rapport des dépenses publiques au PIB.

2) La croissance des dépenses en volume

En première approximation, le taux de croissance en volume des dépenses est égal à leur taux de croissance en valeur moins le taux de croissance des prix. Pour mesurer la croissance des dépenses publiques en volume, il faut donc utiliser un indice d’évolution des prix (un « déflateur » pour les statisticiens), dont le choix n’est pas évident.

Il n’existe en effet pas d’indice des prix des dépenses publiques, mais seulement des indices partiels du prix de certaines dépenses par nature (consommations intermédiaires ou investissements des administrations publiques, par exemple) ou par fonction (santé, éducation, par exemple).      

L’indice du prix du PIB, qui permet de passer de la croissance en valeur à la croissance en volume du PIB, présente théoriquement des avantages importants. En effet les taux de croissance du PIB et des dépenses en valeur étant alors déflatées avec le même indice de prix, leurs taux de croissance en volume sont directement comparables. Or la croissance du PIB est beaucoup plus souvent commentée en volume qu’en valeur.

En pratique, cet indice du prix du PIB a toutefois pour inconvénient d’être difficile à comprendre et de faire souvent l’objet d’importantes corrections lors des révisions des comptes nationaux qui peuvent être faites deux ou trois ans après la fin de l’année considérée.

C’est pourquoi le ministère des finances français privilégie depuis très longtemps l’indice des prix à la consommation (hors tabac), qui a l’avantage d’être bien connu et de ne pas être corrigé après sa publication, au début de l’année qui suit l’année considérée. Sauf mention contraire, la croissance en volume des dépenses publiques est mesurée ici en utilisant l’indice des prix à la consommation (tabac inclus car il n’y a pas de raison de l’exclure). Elle correspond alors à une croissance « en euros constants ».

3) La croissance des dépenses en pourcentage du PIB

Une croissance des dépenses publiques durablement supérieure à celle du PIB, en valeur, oblige à relever le taux des prélèvements obligatoires, au risque de dégrader la compétitivité du pays, pour limiter l’aggravation du déficit public. L’évolution du rapport des dépenses publiques au PIB est donc un indicateur important.

Cependant, la croissance des dépenses publiques est plus stable que celle du PIB, dont les fluctuations sont parfois très fortes. Le rapport des dépenses publiques au PIB tend donc mécaniquement à augmenter dans les périodes de faible croissance de l’activité, voire de récession, du fait de son dénominateur et, symétriquement, à diminuer lorsque l’activité économique est soutenue.

Le suivi année par année du ratio dépenses publiques / PIB est donc parfois trompeur et ne permet pas de caractériser correctement la politique budgétaire. En revanche, son évolution à moyen ou long terme, ou sa comparaison entre pays se trouvant dans une phase voisine du cycle économique, est pertinente[3].

B) La croissance des dépenses en France au cours des dernières années

1) La croissance globale

Le premier graphique montre une forte hausse les années de récession ou de croissance très faible qui n’est pas compensée par une baisse de même ampleur pendant les années de croissance plus soutenue. Inférieures à 40 % du PIB avant 1975, les dépenses publiques en ont représenté environ 45 % dans la seconde moitié des années soixante-dix puis ont oscillé autour de 50 % dans les années quatre-vingt, entre 50 et 55 % de 1991 à 2008 pour s’établir aux environs de 55 à 57 % du PIB de 2009 à 2019.

Le rapport des dépenses publiques au PIB est passé de 55,4 % en 2019 à 61,4 % en 2020 en raison de la hausse de son numérateur et de la baisse de son dénominateur. Il est revenu à 59,1 % en 2021 puis 58,1 % en 2022 surtout du fait de l’augmentation du PIB.

Source : Insee, FIPECO

En valeur, le taux de croissance des dépenses publiques était légèrement supérieur à 4,0 % dans les années deux mille et a nettement ralenti à partir de 2010[4]. Sur la période 2011-2019, il a été nettement plus faible (en moyenne 1,9 % par an). Il a atteint 5,1 % en 2020 et 4,0 % en 2021 et 2022.

Le taux de croissance en volume des dépenses a fortement varié certaines années parce que l’inflation a été beaucoup plus forte (en 2008, 2011 et 2018) ou plus faible (en 2009) que prévu. Comme les administrations exécutent des budgets votés en valeur, une inflation plus forte que prévu se traduit par une croissance des dépenses en valeur conforme à l’objectif et une croissance en volume plus faible (et inversement si l’inflation est plus faible que prévu).

En lissant ces fluctuations dues aux « surprises d’inflation », la croissance en volume des dépenses publiques était comprise entre 2 et 3 % dans les années deux mille et a été ramenée à 0,9 % dans les années 2011 à 2019. Elle est remontée à 2,0 % dans les années 2020-2022.

 Source : Insee, FIPECO. La croissance en volume est mesurée en déflatant la croissance en valeur par l’indice des prix à la consommation (tabac inclus).

L’inflexion des dépenses au cours des années 2010 résulte pour partie de la baisse des charges d’intérêt constatée depuis 2008 malgré l’augmentation de la dette. La croissance des dépenses publiques primaires (hors intérêt) est passée, en volume et en moyenne annuelle, de plus de 2,0 % dans les années 2000 à 1,1 % dans les années 2011-2019. Elle est remontée à 1,8 % en moyenne dans les années 2020-2022.

2) La croissance en valeur par catégorie d’administration

La croissance des dépenses des administrations publiques locales (APUL) depuis 2000 est en partie imputable au transfert de nouvelles compétences et de nouvelles charges par l’Etat aux collectivités locales. Pour en tenir compte, dans le graphique suivant, ont été déduites des dépenses des APUL les dépenses correspondant au RMI et au RSA, à l’allocation personnelle d’autonomie, aux collèges et lycées (fonctionnement et investissement), à la formation professionnelle, aux services d’incendie et de secours et aux transports ferroviaires régionaux.

Le graphique suivant présente l’évolution en valeur des dépenses des administrations publiques centrales (APUC : Etat et organismes divers d’administration centrale), locales (APUL) et sociales (ASSO). Les dépenses transférées par l’Etat aux APUL et citées ci-dessus ont été déduites des dépenses des APUL et ajoutées à celles des administrations publiques centrales pour tracer les courbes intitulées « APUL hors dépenses transférées » et « APUC + dépenses transférées ».

Les dépenses en valeur des administrations publiques locales ont longtemps été très dynamiques, mais elles ont enregistré une nette inflexion à partir de 2014, sous l’effet de la baisse des dotations de l’Etat. Les dépenses des administrations publiques centrales (Etat et organismes divers d’administration centrale) sont marquées par un ralentissement de 2011 à 2018. Sur l’ensemble de la période 2000-2022, les dépenses des ASSO sont les plus dynamiques.

Source : Insee, FIPECO ; dépenses en valeur. La variation ponctuelle en 2010 de la série relative aux administrations centrales résulte de la transformation de la taxe professionnelle en contributions économique territoriale, qui s’est traduite cette année-là par un très important transferts de l’Etat aux collectivités locales.

3) La croissance en valeur par nature de dépenses

Les dépenses qui ont le plus augmenté et dont la part dans les dépenses totales s’est donc accrue, sont les prestations sociales en espèces et les subventions aux ménages et entreprises, plus particulièrement celles qui prennent la forme de crédits d’impôts (dont le CICE de 2014 à 2019). En 2020-2021, les subventions incluent les aides du fonds de solidarité aux entreprises.

Celles qui ont le moins augmenté et dont la part a diminué sont les dépenses de personnel, la « formation brute de capital fixe » (investissements) ainsi que la charge d’intérêts.

Les dépenses publiques par nature (% du total)

 

2006

2010

2014

2018

2022

Masse salariale

23,8

23,0

22,7

22,4

21,3

Consommations intermédiaires

9,1

9,1

8,9

8,6

8,8

Prestations sociales en espèces

33,3

33,9

35,0

34,9

44,3

Prestations sociales en nature

10,3

10,3

10,4

10,7

Formation brute de capital fixe

7,5

7,4

6,5

6,1

6,4

Intérêts

4,9

4,2

3,8

3,4

3,5

Subventions

2,6

3,2

3,8

4,7

14,6

Autres

8,5

8,9

8,9

9,1

Total

100

100

100

100

100

Source : Insee, FIPECO

C) Comparaisons internationales

Source : Eurostat, FIPECO.

De 1997 à 2022, en pourcentage du PIB, les dépenses publiques ont diminué en Suède (de plus de 10 points), en Pologne et aux Pays-Bas. Elles ont augmenté de moins de 3 points en Allemagne et en Belgique. Elles se sont plus fortement accrues en France, en Italie et en Espagne.

 

[1] Les économistes utilisent aussi l’expression « croissance nominale ».

[2] Les économistes utilisent aussi l’expression « croissance réelle ».

[3] Il est également possible de comparer des ratios Dépenses / PIB corrigés de l’impact du cycle économique en retenant le « PIB potentiel » au lieu du PIB effectif, sous réserve des difficultés de mesure de ce PIB potentiel.

[4] Ou 2011 si on tient compte du plan de relance de fin 2008 qui a conduit à réaliser en 2009 des dépenses non reconduites en 2010, ce qui a contribué à réduire le taux de croissance des dépenses publiques en 2010.

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