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FIPECO le 07.04.2024 

Les fiches de l’encyclopédie           III) Programmation et pilotage des finances publiques

                 

 

1) Les programmes de stabilité

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En application de l’un des deux règlements de 1997 qui forment, avec une résolution du Conseil européen, le « pacte de stabilité et de croissance » (PSC), les Etats de la zone euro doivent transmettre chaque année à la Commission européenne un « programme de stabilité »[1]. Celui-ci est au centre du « semestre européen » et des procédures communautaires de surveillance et de coordination des finances publiques.

Dans le cadre du semestre européen, le Conseil européen, sur la base d’un rapport annuel de la Commission sur les perspectives de croissance établi à la fin de l’année précédente, adopte d’abord des priorités de politique économique en mars ; puis les Etats adressent leurs programmes de stabilité à la Commission avant le 30 avril ; la Commission les examine et publie ses propres prévisions en mai ; sur la base de son analyse des programmes de stabilité, elle présente ensuite au Conseil, début juin, des propositions de recommandations à l’intention de chaque Etat membre ; le Conseil adresse enfin ses propres recommandations à chaque Etat membre fin juin ou début juillet[2].

Les programmes de stabilité sont transmis à la Commission européenne en même temps que les « programmes de réformes nationaux » qui présentent les réformes structurelles engagées et prévues dans les domaines autres que les finances publiques. Ces programmes de réformes nationaux sont au centre des procédures communautaires de surveillance et de coordination des politiques structurelles non budgétaires, notamment la « procédure pour déséquilibres macroéconomiques excessifs » établie par des règlements de 2011 inclus dans le « paquet de six » règlements et directive. Les propositions de recommandations de la Commission sur les finances publiques et sur les réformes structurelles sont souvent présentées dans un même texte, comme les recommandations du Conseil.

La clause dérogatoire générale du PSC a été mise en œuvre en mars 2020 jusqu’à 2024, ce qui permettait aux états européens d’enregistrer des « déficits excessifs » sans avoir à redresser leurs comptes publics. La transmission d’un programme de stabilité est néanmoins restée nécessaire pour coordonner les politiques budgétaires.

Le Conseil de l’Union européenne a approuvé en décembre 2023 une réforme des règles budgétaires européennes, présentée dans une autre fiche sur ce site, qui prévoit le remplacement des programmes de stabilité et de réforme par des « plans budgétaires et structurels nationaux à moyen terme ». Ces nouvelles règles n’ayant pas encore été formellement adoptées par le Conseil et le Parlement européens, la France présentera probablement en avril 2024 un programme de stabilité de même nature que les années précédentes.

A) Les obligations européennes

1) Le contenu des programmes de stabilité

Les programmes de stabilité présentent l’évolution des finances publiques pour l’année passée, l’année en cours et, au moins, les trois années suivantes.

Cette trajectoire des finances publiques s’appuie sur des prévisions macroéconomiques « les plus plausibles ou les plus prudentes » qui sont présentées avec un niveau de détail minimal prescrit par la Commission européenne.

En outre, les programmes de stabilité comportent notamment les informations suivantes[3] :

  • l’objectif à moyen terme (OMT) retenu pour le solde structurel et la trajectoire de convergence du solde structurel vers cet objectif ;
  • l’évolution des recettes, des dépenses, du solde et de l’endettement publics avec un niveau de détail minimal prescrit par la Commission européenne ;
  • la « croissance des dépenses publiques nette des mesures nouvelles de hausse des prélèvements obligatoires », concept proche de celui d’effort structurel ;
  • un chiffrage des mesures budgétaires nouvelles, notamment les mesures fiscales ;
  • des analyses de sensibilité des résultats par rapport aux principales hypothèses macroéconomiques ;
  • le cas échéant, la justification d’écarts importants par rapport à la trajectoire requise pour atteindre l’OMT conformément aux recommandations du Conseil.

2) L’articulation avec les autres documents de programmation

La directive du 8 novembre 2011 sur « les exigences applicables aux cadres budgétaires des Etats membres » prévoit que les Etats de l’Union européenne se dotent d’un « cadre budgétaire à moyen terme crédible et efficace avec adoption d’une programmation budgétaire à trois ans au moins, afin de garantir que la programmation budgétaire nationale s’inscrit dans une perspective de programmation budgétaire pluriannuelle ». En France, cette exigence est satisfaite par l’adoption de « lois de programmation pluriannuelles des finances publiques ». Leurs objectifs et prévisions doivent être cohérents avec ceux qui figurent dans les programmes de stabilité.

Le traité de 2012 sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l’Union économique et monétaire a imposé que la règle d’or et le mécanisme de correction automatique qu’il a instaurés « prennent effet dans le droit national des parties contractantes ». Ces dispositions ont été mises en œuvre par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques qui a notamment créé le Haut Conseil des finances publiques et précisé le contenu des lois de programmation.

Un des deux règlements du « paquet de deux » de 2013 « établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plan budgétaire et pour la correction des déficits excessifs dans les Etats membres de la zone euro » prévoit, dans le cadre budgétaire à moyen terme de la directive de 2011, que les Etats membres rendent public chaque année avant le 30 avril leur « plan budgétaire national à moyen terme ». Ces plans budgétaires à moyen terme et les programmes de stabilité peuvent être un seul et même document.

Ce règlement prévoit également des « projets de plan budgétaire national pour l’année suivante », rendus publics avant le 15 octobre et adoptés avant la fin de l’année, qui doivent être cohérents avec les plans budgétaires à moyen terme. En France, il s’agit du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances.

B) Les programmes de stabilité français

Les premiers programmes de stabilité, transmis à la Commission européenne sans être présentés au Parlement, n’étaient pas articulés avec un « cadre budgétaire national à moyen terme ». En 2008, plusieurs rapports avaient ainsi mis en évidence la faible portée des programmes de stabilité, qui tenait à plusieurs facteurs : manque de réalisme des prévisions macroéconomiques ; prééminence constitutionnelle du vote annuel des lois de finances de l’Etat et de financement de la sécurité sociale qui rend juridiquement non contraignante une programmation pluriannuelle ; absence de coordination entre l’Etat et une partie des administrations publiques, notamment les collectivités locales, pourtant incluses dans les objectifs des programmes de stabilité.

Depuis lors, la portée des programmes de stabilité a été renforcée et des lois de programmation pluriannuelles des finances publiques ont été instituées. La cohérence de ces textes reste néanmoins sujette à questionnement.

1) L’élaboration des programmes de stabilité et leurs suites

Le programme de stabilité constitue désormais, selon le Gouvernement français, le plan budgétaire national à moyen terme au sens du règlement de 2013[4]. Il est adressé au Parlement au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne, qui doit elle-même avoir lieu avant la fin d’avril. Le programme de stabilité comprend les informations requises par le règlement de 1997 et mentionnées plus haut.

Le gouvernement lui joint un rapport « sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques ». Avant 2023, un rapport semblable était remis par le Gouvernement au Parlement fin juin ou début juillet en vue d’un « débat d’orientation des finances publiques ». Ce débat et ce rapport ont été supprimés par la loi organique de décembre 2021 relative aux finances publiques. Il ne reste donc désormais que le programme de stabilité et le rapport joint, qui seront probablement très semblables. Ils peuvent donner lieu à un débat au Parlement mais ce n’est pas obligatoire. Les débats sur le programme de stabilité ont souvent été conclus par un vote, mais ce n’est pas non plus une obligation.

Le Haut Conseil des finances publiques exprime un avis sur les prévisions macroéconomiques du programme de stabilité (mais pas sur les prévisions de finances publiques).

Dans son rapport annuel de juin sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes examine les risques pesant sur la trajectoire d’évolution des finances publiques présentée dans le programme de stabilité.

2) Les lois de programmation des finances publiques

La réforme constitutionnelle de 2008 a créé des lois de programmation pluriannuelle des finances publiques et les lois organiques du 17 décembre 2012 et du 28 décembre 2021 en ont fixé les principales caractéristiques, qui sont présentées dans une fiche distincte. Dans les limites précisées dans cette fiche, les lois de programmation permettent d’inscrire dans le droit national les obligations communautaires relatives à l’évolution à moyen terme des comptes de l’ensemble des administrations publiques.

Dans la terminologie des règlements européens, le programme de stabilité peut être considéré comme un projet de plan budgétaire national à moyen terme qui est soumis en avril aux autorités européennes, donne lieu en juin à des recommandations du Conseil et, compte-tenu de ces recommandations, est traduit dans le droit national sous la forme d’une loi de programmation en décembre qui constitue le cadre budgétaire national à moyen terme[5].

Cette articulation est cependant impossible les années où il n’est pas voté de nouvelles lois de programmation : la loi organique ne fixe pas la périodicité des lois de programmation et, en pratique, il y en avait une tous les deux ans jusqu’à 2016, où la suivante a été reportée à 2017 en raison du calendrier électoral. Il n’y en a pas eu en 2020 et 2021 en raison des incertitudes inhérentes à la crise. En 2022, le gouvernement a déposé un projet de loi de programmation pour 2023-2027 qui n’a pas été voté par le Parlement. Avec quelques corrections, il a finalement été voté en décembre 2023.

Au moins une année sur deux, le programme de stabilité peut ainsi fixer une trajectoire des finances publiques différente de celle de la loi de programmation votée en décembre de l’année précédente, sans qu’elle soit transcrite dans une nouvelle loi de programmation. En 2023, aucune loi de programmation n’était en vigueur.

Or, si les conditions d’élaboration des programmes de stabilité leur donnent désormais une plus grande portée nationale, ce sont les lois de programmation qui constituent la référence juridique nationale, notamment pour les instances européennes et le Haut Conseil des finances publiques.

C) La crédibilité des programmes de stabilité français

Le graphique suivant illustre le manque de crédibilité des programmes de stabilité présentés jusqu’à présent par la France en rapprochant les soldes des administrations publiques tels que prévus dans les programmes de stabilité et constatés a posteriori par l’Insee[6].

Les programmes de stabilité ont toujours prévu une amélioration rapide du solde public. La courbe des soldes constatés est toutefois presque toujours au-dessous des courbes qui correspondent aux soldes prévus dans les programmes de stabilité, ce qui signifie que ceux-ci n’ont pas été atteints. La trajectoire du programme suivant est généralement parallèle mais partant d’un point plus bas.

Les programmes de stabilité présentés pendant les crises (2010-2013 et 2021-2027) ont toutefois été trop pessimistes pour ce qui concerne la première année.

En outre, les programmes présentés depuis 2011 sont plus proches des soldes constatés par l’Insee sur les deux premières années de la période de programmation.

Source : programmes de stabilité pour les soldes prévus ; Insee pour les soldes constatés ; FIPECO

 

[1] Un « programme de convergence » pour les Etats de l’Union européenne qui ne participent pas à la zone euro.

[2] Il peut y avoir des variations par rapport à ce calendrier normal. En 2015, par exemple, le Conseil a émis des recommandations à l’adresse de la France dès le mois de mars.

[3] Voir la fiche sur le traité de Maastricht et le PSC pour plus de précisions sur les termes employés.

[4] Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l’année suivante présente le « projet de plan budgétaire pour l’année suivante » au sens du même règlement.

[5] C’est l’interprétation qui peut en être faite par les instances européennes. Vu de France, on peut considérer que la loi de programmation est la référence principale et que le programme de stabilité ne fait que l’actualiser.

[6] Certains programmes de stabilité présentaient une hypothèse haute et une hypothèse basse de croissance. Les soldes publics retenus dans ce graphique correspondent aux hypothèses basses.

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