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08/03/2018

Le coût des politiques publiques en France et en Europe de 2006 à 2016

François ECALLE

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Les instituts statistiques nationaux de l’Union européenne ventilent les dépenses publiques par grandes « fonctions ». Celles-ci correspondent à des politiques publiques dont le coût peut ainsi être mesuré. La récente publication par Eurostat de cette ventilation pour l’ensemble des pays de l’Union européenne en 2016 permet de comparer le niveau en 2016 et l’évolution de 2006 à 2016 du coût des politiques publiques en France et en Europe.

Le niveau des dépenses publiques est, en moyenne, assez proche dans la zone euro (47,6 % du PIB) et dans l’Union européenne (46,3 %), ainsi que son évolution de 2006 à 2016 (respectivement + 1,6 et + 1,1 point de PIB), du moins par comparaison avec la France. Par souci de simplification, seule la zone euro est ici retenue comme référence.

De 2006 à 2016, le coût des politiques publiques a plus augmenté en France (+ 3,9 points de PIB) que dans la zone euro (+ 1,6 point). Il se situe en France 8,8 points de PIB au-dessus de la moyenne européenne en 2016. Le CICE, qui est une dépense publique en comptabilité nationale, explique ces écarts à hauteur de 0,8 point de PIB.

La protection sociale est le principal déterminant de l’écart entre les dépenses publiques en 2016 et de son évolution de 2006 à 2016. Son coût est en France supérieur de 4,8 points de PIB à la moyenne européenne en 2016 alors que l’écart était de 3,8 points en 2005. Les dépenses liées à la retraite et à la dépendance contribuent pour 2,5 points à l’écart entre les coûts de la protection sociale en 2016, contre 1,9 point en 2006. Les dépenses de santé y contribuent pour 1 point de PIB, en 2016 comme en 2006.

Les coûts de la sécurité intérieure et des « services généraux » sont plus faibles en France que dans la zone euro en 2016. Les services généraux comprennent la charge d’intérêt de la dette publique, inférieure en France, et les « frais généraux » des administrations, qui ont le même poids en France et dans la zone euro et qui ont plus diminué en France depuis 2006.

Le coût de toutes les autres politiques publiques est plus élevé en France et l’écart est particulièrement important pour la politique du logement (1,1 point de PIB en 2016), l’enseignement (0,8 point) et les aides aux entreprises hors CICE (0,6 point).

A)Le coût des politiques publiques est plus élevé de 8,8 points de PIB en France en 2016 et cet écart s’est accru depuis 2006

Le tableau suivant présente la ventilation des dépenses publiques par fonctions, ou politiques publiques, établie par Eurostat pour la France et la zone euro en 2006 et 2016.

Les dépenses publiques par fonction en % du PIB

 

 

2006

2016

 

France

Zone euro

France

Zone euro

Protection sociale

Dont : retraites et dépendance

Santé et invalidité

Famille

Chômage

Exclusion sociale

Autres

28,2

         13,0

10,1

2,4

1,8

0,8

0,1

24,4

11,1

9,1

1,4

1,8

0,5

0,5

31,5

      15,0

10,9

2,4

2,0

1,1

0,2

26,7

12,5

9,8

1,7

1,6

0,7

0,3

Logements et équipements collectifs

2,0

1,1

2,1

1,0

Enseignement

5,5

4,6

5,4

4,6

Loisirs, culture et culte

1,3

1,1

1,2

1,1

Protection de l’environnement

0,9

0,8

0,9

0,8

Affaires économique

4,5

4,4

5,6

4,2

Services généraux

6,9

6,8

6,1

6,3

Ordre et sécurité publics

1,5

1,6

1,6

1,7

Défense

1,8

1,3

1,8

1,2

Total des dépenses publiques

52,5

46,0

56,4

47,6

Source : Eurostat, FIPECO.

Le total des dépenses publiques, qui correspond au coût de l’ensemble des politiques mises en œuvre par les « administrations publiques », s’est élevé à 56,4 % du PIB en France en 2016 contre 47,6 % en moyenne dans la zone euro, soit un écart de 8,8 points. Cet écart était de 6,5 points en 2006 et le coût des politiques publiques a donc plus augmenté en France (+ 3,9 points) que dans la zone euro (+ 1,6 points) au cours de ces dix années.

B)La protection sociale est la principale cause de l’écart global

Les dépenses publiques consacrées à la protection sociale (y compris l’assurance maladie mais hors logement[1]) s’élèvent à 31,5 points de PIB en France en 2016, contre 26,7 points dans la zone euro[2]. L’écart est passé de 3,8 points de PIB en 2006 à 4,8 points en 2016.

Les dépenses liées à la retraite et à la dépendance sont celles pour lesquelles l’écart entre la France et la zone euro est le plus important (2,5 points de PIB en 2016). Il résulte pour partie du caractère obligatoire et monopolistique des régimes complémentaires, ARRCO et AGIRC pour les salariés du secteur privé, qui sont classés parmi les administrations publiques en raison de ces caractéristiques. Dans les autres pays, ces régimes complémentaires font souvent l’objet d’un choix, au niveau de la branche ou de l’entreprise, et ils sont donc classés en dehors du champ des administrations publiques.

Malgré les mesures mises en œuvre en France au cours de ces dix années, et notamment parce que des réformes ont également été réalisées dans les autres pays, le coût des retraites a plus augmenté en France et l’écart est passé de 1,9 à 2,5 points de PIB.

Ces choix collectifs entre assurances obligatoires en monopole, d’un côté, et assurances facultatives en concurrence, de l’autre, expliquent également une partie de l’écart entre les dépenses publiques de santé de la France et de la zone euro (environ 1,0 point de PIB en 2016 comme en 2006). Le poids de ces dépenses, en points de PIB, a augmenté pareillement en France et dans la zone euro.

Les dépenses affectées aux familles, aux chômeurs et à la lutte contre l’exclusion sociale sont plus élevées en France que dans la zone euro.

C)Presque toutes les politiques publiques ont un coût plus élevé en France

Les dépenses publiques de la France ne sont inférieures à celles de la zone euro que pour deux fonctions : l’ordre et la sécurité publics et les services généraux.

La fonction « ordre et sécurité publics » regroupe les dépenses affectées aux forces de l’ordre (police et gendarmerie), à la justice et à l’administration pénitentiaire. Les dépenses de la France sont inférieures de 0,1 point de PIB à celles de la zone euro en 2016 comme en 2006. Cet écart tient surtout au coût des services judiciaires.

Les « services généraux » comprennent notamment le service de la dette dont le coût est inférieur en France (2,1 % du PIB contre 2,3 % dans la zone euro) grâce à des taux d’intérêt plus faibles. Le reste de ces dépenses correspond à ce qui pourrait être considéré comme les « frais généraux » des administrations (dépenses des administrations centrales, du Parlement, des services fiscaux, des ambassades…). Elles s’élèvent à 4,0 % du PIB en France comme dans la zone euro et elles ont diminué de 0,2 point de PIB en France depuis 2006 alors qu’elles ont augmenté de 0,1 point dans la zone euro. Les frais généraux de la « maison France » sont relativement bien tenus.

L’écart entre les coûts en France et dans la zone euro est particulièrement important pour ce qui concerne les « affaires économiques » en 2016 (1,4 point de PIB), alors qu’il était quasiment nul en 2006. Il s’agit d’une fonction assez hétéroclite où on trouve aussi bien les dépenses publiques, de fonctionnement et d’investissement, en faveur des transports que les aides à l’agriculture ou au développement des énergies renouvelables ou encore les crédits d’impôt pour la recherche ou pour la compétitivité et l’emploi (le CICE)[3]. L’écart en 2016 et son augmentation depuis 2006 tiennent pour 0,8 point de PIB à la montée en charge du CICE.

S’il est stable, l’écart entre les coûts de la politique du logement[4] en France (2,1 % du PIB en 2016) et dans la zone euro (1,1 %) est particulièrement notable puisqu’il est du simple au double. Ce coût inclue le montant des crédits d’impôts (le prêt à taux zéro essentiellement) mais pas celui des autres avantages fiscaux (réduction d’impôt en faveur de l’investissement locatifs, exonérations de taxes foncières…).

Les dépenses militaires de la France (pensions comprises) sont supérieures de 0,6 point de PIB à celle de la zone euro, ce qui s’explique par ses responsabilités particulières en ce domaine (présence permanente au Conseil de sécurité de l’ONU, dissuasion nucléaire, opérations extérieures). La France ne respecte pas la cible fixée par l’OTAN pour ses membres (2,0 % du PIB) mais les autres pays de la zone euro devront accroître beaucoup plus leurs dépenses pour l’atteindre.

Enfin, la France dépense nettement plus que les autres pays de la zone euro pour l’enseignement (écart de 0,8 point de PIB, stable depuis 2006) et un peu plus pour les loisirs, la culture et les cultes (0,1 point, quasiment stable) ainsi que pour la protection de l’environnement (0,1 point, stable).

Source : Eurostat ; FIPECO. La forte hausse du ratio dépenses publiques / PIB en 2009 résulte surtout de la diminution de son dénominateur (le PIB)

 

[1] Dans cette classification d’Eurostat, les dépenses de protection sociale excluent l’assurance maladie et incluent les aides au logement.

[2] Ces dépenses affectées à la fonction « protection sociale » sont différentes, sans en être très éloignées, des dépenses correspondant aux « prestations sociales » et des dépenses des « administrations de sécurité sociale ».

[3] Les crédits d’impôts sont enregistrés comme des dépenses publiques en comptabilité nationale. Remplacer le CICE par un allègement de cotisations sociales entraînera une baisse des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires, au prix d’une hausse du déficit de l’année de transition (cf. commentaire sur cette proposition).

[4] Y compris les allocations personnelles et les équipements collectifs (réseaux de distribution d’eau…).

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