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14/03/2018

La répartition des emplois publics sur le territoire

François ECALLE

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Ce billet examine d’abord si la répartition des emplois publics sur le territoire correspond aux besoins de la population, mesurés par le nombre d’habitants. Il examine ensuite si cette répartition correspond à l’activité économique des régions, mesurée par l’emploi total dans ces régions.

Le « taux d’administration », rapport entre le nombre de fonctionnaires et le nombre d’habitants, est en moyenne de 72 agents publics pour 1 000 habitants en métropole en 2015. Il est très différent d’une région à l’autre et, encore plus, d’un département à l’autre. Il est particulièrement élevé Outre-mer (85 pour 1 000), en Ile-de-France (82) et en Corse (80) malgré une relative faiblesse des emplois hospitaliers dans ces régions.

Si on met à part les régions présentant des taux élevés atypiques, l’écart est de presque 25 % entre la région la plus pourvue en fonctionnaires civils de l’Etat (PACA) et la moins pourvue (Pays-de-la-Loire) ; il est de 50 % entre la région la plus dotée en fonctionnaires publics locaux (PACA) et la moins dotée (Grand-Est) ; il est de 75 % entre la région la plus pourvue en fonctionnaires hospitaliers (Bourgogne-France-Comté) et la moins pourvue (La Réunion).

L’écart entre le taux d’administration le plus fort et le plus faible dans les départements, hors Paris, est d’environ 1 à 2 (pour l’ensemble des trois fonctions publiques et les fonctions publiques d’Etat et locale) ou d’environ 1 à 3 (pour les hôpitaux).

Les besoins de la population peuvent être mesurés avec d’autres critères que le nombre d’habitants et les services publics ne se ramènent pas au nombre de fonctionnaires. Il semble néanmoins, au vu de ces données, que la répartition des emplois publics ne corresponde pas aux besoins et que le principe d’égalité devant le service public soit loin d’être respecté. Hors Ile-de-France, la répartition des fonctionnaires civils de l’Etat répond toutefois un peu mieux aux besoins que celle des fonctionnaires locaux et hospitaliers. Ces statistiques montrent également que les départements ruraux sont loin d’être systématiquement défavorisés.

Il y a en moyenne 19 fonctionnaires pour 100 emplois en métropole et 28 pour 100 en Outre-Mer. Hors DOM et Corse (22 pour 100), l’écart est de 22 % entre la région où ce ratio est le plus élevé (les Hauts-de-France) et celle où il est le plus faible (les Pays-de-la-Loire). Ces écarts traduisent une forte solidarité, notamment entre les régions Pays-de-la-Loire, Ile-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, d’un côté, et les régions d’Outre-Mer et la Corse mais aussi Les Hauts-de-France et l’Occitanie, d’un autre côté.

Pour mieux répartir les fonctionnaires, il faudrait renforcer leur mobilité. A défaut, les projets du Gouvernement d’un plan de départs volontaires et de recrutements de contractuels constituent une solution intéressante sous certaines réserves (cf. note).

A)Les critères permettant d’apprécier la répartition géographique des emplois publics

Dans sa conception la plus simple, le principe d’égalité des citoyens devant le service public voudrait que les services publics soient répartis entre les zones géographiques en fonction de leur population, chacun ayant alors un accès égal à ces services.

L’accès aux services publics est toutefois une notion complexe dont la mesure est difficile. Il peut, par exemple, être mesuré en considérant la distance moyenne parcourue par la population pour se rendre dans les locaux de l’administration ou encore le temps moyen de traitement des dossiers. Le nombre de fonctionnaire dans la zone concernée, qui peut être ventilé entre les trois fonctions publiques, en est toutefois un indicateur synthétique dont l’avantage est d’être mesuré avec précision à un niveau géographique fin.

Dans une conception plus ambitieuse du principe d’égalité, la quantité de services publics ne doit pas seulement dépendre du nombre d’habitants de la zone géographique considérée mais aussi de besoins spécifiques liés par exemple aux caractéristiques physiques du territoire (zone de montagne…) ou aux caractéristiques sociales de la population (pyramide des âges, niveau de qualification etc.). La définition des besoins à prendre en compte est spécifique à chaque catégorie de service public (éducation, santé…). Le nombre d’habitants est néanmoins, comme le nombre d’agents publics, un indicateur synthétique simple qui a le mérite d’être connu avec précision à un niveau géographique fin.

Le « taux d’administration », qui rapporte l’emploi public au nombre d’habitants, est finalement un critère simple et fiable qui a une certaine pertinence, même s’il fait l’impasse sur les différences de productivité des emplois publics d’une région à l’autre. Il est donc retenu dans ce billet, qui appelle des travaux plus approfondis sur la base de critères plus sophistiqués. Ce taux d’administration doit être décomposé entre les trois fonctions publiques car la localisation des fonctionnaires de l’Etat, qui rendent pour beaucoup des services de portée nationale, pourrait être plus concentrée dans certaines zones.

Il est également intéressant d’examiner si la répartition des services publics reflète l’activité économique des zones géographiques considérées. En effet, si les services publics ont un poids très important au regard de la production d’un territoire, cela signifie que soit cette production est très fortement taxée, au détriment de sa compétitivité, soit que ce territoire bénéficie de transferts monétaires en provenance des autres zones géographiques. Ces transferts résultent surtout du paiement des salaires des fonctionnaires d’Etat et hospitaliers et des dotations de l’Etat aux collectivités locales. Ils peuvent prendre des formes plus complexes : par exemple, le versement des pensions de retraite dans des zones où la population est plus âgée favorise la construction de logements, ce qui accroît le produit des taxes foncières.

Comme les impôts dont les collectivités locales maîtrisent le taux ne représentent qu’une faible part des prélèvements obligatoires, les écarts entre les volumes des services publics et de l’activité économiques des différentes régions reflètent surtout la solidarité entre elles.

L’activité économique des régions devrait en principe être mesurée par leur PIB, mais les PIB régionaux sont souvent anciens et d’une fiabilité relative. C’est donc l’emploi total dans la région, pour lequel les données sont plus fiables et plus récentes (2015), qui est pris en compte ici pour apprécier la production (et non le seul emploi marchand car les fonctionnaires ont une activité économique).

B)La répartition géographique des emplois publics ne correspond pas aux besoins de la population

1)L’ensemble des trois fonctions publiques

Le taux d’administration pour l’ensemble des trois fonctions publiques est en moyenne de 71,9 agents (civils) pour 1 000 habitants en métropole en 2015. Il est nettement plus élevé dans les régions d’Outre-mer (85,0). Deux régions métropolitaines se distinguent : l’Ile-de-France (81,6), en raison de la forte concentration de services de l’Etat en région parisienne, et la Corse (79,6), pour des raisons moins évidentes.

Hors DOM, Ile-de-France et Corse, il reste un écart de 17 % entre la région la plus pourvue en agents publics, Provence-Alpes-Côte d’Azur (74,2 agents pour 1 000 habitants), et la région la moins pourvue, les Pays-de-la-Loire (63,6).

Source : direction générale de l’administration et de la fonction publique, Insee, FIPECO.

Au niveau départemental, les écarts sont bien plus forts. Hors DOM, Paris et Corse, l’éventail des taux d’administration va de 45,9 agents pour 1 000 habitants dans l’Ain à 91,3 dans la Haute-Vienne, soit un rapport de presque un à deux.

Les taux d’administration les plus forts (hors Paris) et les plus faibles

 

Les plus forts

Les plus faibles

Départements

Taux

Départements

Taux

Martinique

96,6

Ain

45,9

Corse du sud

93,7

Haute-Saône

48,6

Haute-Vienne

91,3

Vendée

54,6

Vienne

89,6

Eure

55,6

Guadeloupe

87,9

Oise

56,7

Source : direction générale de l’administration et de la fonction publique, Insee, FIPECO.

2)La fonction publique civile d’Etat

Le taux d’administration par les fonctionnaires civils de l’Etat est en moyenne de 29,9 agents pour 1 000 habitants en métropole et de 35,3 dans les DOM. En métropole, l’Ile-de-France se distingue avec un ratio de 39,9 ; hors Ile-de-France, l’écart est de 23 % entre la Corse (30,6 ; juste devant la région PACA avec 29,4) et les Pays-de-la-Loire (24,8).

Source : direction générale de l’administration et de la fonction publique, Insee, FIPECO.

Au niveau départemental, hors Paris où le taux d’administration est de 81,8, l’écart est de 1 à 2,39 entre celui où ce taux est le plus élevé, la Guyane (42,0) et celui où il est le plus faible, la Vendée (17,6). Si on met de côté la Guyane, le taux le plus élevé est en Ille-et-Vilaine (37,8) et le rapport entre les extrêmes est d’un peu plus qu’un à deux.

Les taux d’administration civile par l’Etat les plus forts (hors Paris) et les plus faibles

 

Les plus forts

Les plus faibles

Départements

Taux

Départements

Taux

Guyane

42,0

Vendée

17,6

Ille-et-Vilaine

37,8

Ardèche

19,4

Haute-Garonne

37,7

Ain

19,6

Meurthe-et-Moselle

36,7

Haute-Savoie

19,9

Guadeloupe

36,4

Deux-Sèvres

20,1

Source : direction générale de l’administration et de la fonction publique, Insee, FIPECO.

3)La fonction publique territoriale

Le taux d’administration de la fonction publique territoriale est en moyenne de 25,6 agents pour 1 000 habitants en métropole. Il est considérablement plus élevé dans les DOM (35,2), notamment en Martinique (39,5). En métropole, la Corse se distingue de nouveau avec un taux de 34,2. Hors Corse, l’écart est de 50 % entre la région la plus pourvue, PACA (30,5) et la région la moins pourvue, Grand-Est (20,3).

Source : direction générale de l’administration et de la fonction publique, Insee, FIPECO.

Les écarts entre départements sont bien plus importants. Hors DOM et Corse, le rapport est en particulier de plus qu’un à deux entre les Alpes-Maritimes (34,0) et l’Ain (16,2).

 

Les taux d’administration par la fonction publique locale les plus forts

(hors DOM et Corse) et les plus faibles

 

Les plus forts

Les plus faibles

Départements

Taux

Départements

Taux

Alpes-Maritimes

34,0

Ain

16,2

Landes

33,4

Haute-Saône

16,4

Paris

32,3

Haut-Rhin

17,4

Hautes-Alpes

31,7

Oise

18,9

Vienne

31,4

Meuse

19,4

Source : direction générale de l’administration et de la fonction publique, Insee, FIPECO.

4)La fonction publique hospitalière

Le taux d’administration de la fonction publique hospitalière est en moyenne de 16,3 agents pour 1 000 habitants en métropole et il est plus faible dans les DOM (14,5). La Réunion est la région où le taux d’administration hospitalière est le plus faible de France (11,4) et la Martinique celle où il est le plus élevé (21,3).

Hors DOM, c’est en Ile-de-France que le taux d’administration est le plus faible (14,0) et il est parmi les plus faibles en Corse (14,8). Le rapport est de 1 à 1,43 entre la région où le taux est le plus élevé, Bourgogne-Franche-Comté (20,0) et l’Ile-de-France où il est le plus faible (de 1 à 1,75 si on retient La Réunion tout en excluant la Martinique).

Source : direction générale de l’administration et de la fonction publique, Insee, FIPECO.

Au niveau départemental, hors DOM, l’écart est d’environ 1 à 3 entre le département où le taux d’administration est le plus faible, la Seine-et-Marne (9,6 agents pour 1 000 habitants) et celui où il est le plus fort, la Haute-Vienne (29,1).

Les taux d’administration hospitalière les plus forts et les plus faibles (hors DOM)

 

Les plus forts

Les plus faibles

Départements

Taux

Départements

Taux

Haute-Vienne

29,1

Seine-et-Marne

9,6

Creuse

27,4

Ain

10,0

Allier

26,1

Hauts-de-Seine

10,0

Paris

24,8

Seine-Saint-Denis

10,3

Cantal

23,9

Yvelines

10,5

Source : direction générale de l’administration et de la fonction publique, Insee, FIPECO.

Les départements de la région parisienne autres que la capitale sont parmi ceux qui ont le plus faible taux d’administration hospitalière mais le taux de Paris (24,8) n’est pas le plus élevé de France. Hors Paris, les taux les plus élevés se trouvent plutôt dans des départements ruraux.

5)Eléments de synthèse

Au total, les taux d’administration sont très différents d’une région à l’autre et, encore plus, d’un département à l’autre. Ils sont particulièrement élevés Outre-mer et en Corse, sauf pour les établissements hospitaliers. Hors « territoires atypiques », l’écart est de l’ordre de 25 % entre le taux de la région la plus pourvue et celui de la région la moins pourvue pour la fonction publique d’Etat et de 40 à 50 % pour les fonctions publiques locales et hospitalières (75 % si on retient La Réunion pour les hôpitaux). Entre départements, cet écart est de 1 à 2 (fonctions publiques d’Etat et locale) ou de 1 à 3 (hôpitaux).

Il apparait ainsi que la répartition des emplois publics ne correspond pas aux besoins. Hors Ile-de-France, la répartition des fonctionnaires civils de l’Etat y répond toutefois un peu mieux. Ces statistiques montrent également que les départements ruraux sont loin d’être systématiquement défavorisés.

C)La répartition géographique des emplois publics est déconnectée de l’activité économique des régions

En 2015, il y a en moyenne 18,6 fonctionnaires civils pour 100 emplois en métropole et 28,1 pour 100 dans les régions d’Outre-Mer avec un record en Guyane (39,8 %). La Corse se distingue également avec un taux de 22,5 %. Hors DOM et Corse, l’écart est de 22 % entre la région où ce ratio est le plus élevé, les Hauts-de-France (20,5 %) et celle où il est le plus faible, les Pays-de-la-Loire (16,8 %).

S’agissant des fonctionnaires civils de l’Etat, le ratio moyen est de 7,6 % en métropole et de 11,7 % dans les régions d’Outre-Mer (19,8 % en Guyane). Hors DOM, l’écart est de 34 % entre la région où il est le plus fort, la Corse (8,6 %) et celle où il est le plus faible, les Pays-de-la-Loire (6,4 %).

Source : direction générale de l’administration et de la fonction publique, Insee, FIPECO.

Source : direction générale de l’administration et de la fonction publique, Insee, FIPECO.

S’agissant de la fonction publique territoriale, le ratio moyen est de 6,8 agents pour 100 emplois en métropole et de 11,7 pour 100 dans les régions d’Outre-Mer (14,3 % en Guyane). En métropole hors Corse (9,7 %), l’écart est de 37 % entre la région où ce ratio est le plus fort, l’Occitanie (8,1 %) et celle où il est le plus faible, l’Ile-de-France (5,9 %).

Source : direction générale de l’administration et de la fonction publique, Insee, FIPECO.

Source : direction générale de l’administration et de la fonction publique, Insee, FIPECO.

S’agissant de la fonction publique hospitalière, le ratio moyen est de 4,2 agents pour 100 emplois en métropole et de 4,7 pour 100 dans les régions d’Outre-mer. Il est le plus faible en Ile-de-France (3,0 %) et à La Réunion (3,6 %). Hors DOM, l’écart est de 90 % entre la région où le ratio est le plus fort, la Bourgogne-Franche-Comté (5,7 %), et celle où il est le plus faible, l’Ile-de-France (3,0 %).

Ces écarts entre les nombres de fonctionnaires pour 100 emplois selon les régions traduisent une forte solidarité, notamment entre les régions Pays-de-la Loire, Ile-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, d’un côté, les régions d’Outre-Mer et la Corse mais aussi Les Hauts-de-France et l’Occitanie, d’un autre côté. Cette solidarité apparaîtrait probablement encore plus forte si l’activité économique des régions était mesurée par le PIB au lieu de l’emploi.

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