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FIPECO le 02.10.2023                               

Les fiches de l’encyclopédie                                VIII) Assurances sociales et redistribution

9) Les minima sociaux

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Les minima sociaux ont pour objet d’assurer un revenu minimum à leurs bénéficiaires. Il n’existe pas un unique minimum social couvrant toute la population mais douze dispositifs qualifiés de minima sociaux qui couvrent chacun une population particulière : le « revenu de solidarité active » (RSA), le « revenu de solidarité outre-mer » (RSO), « l’allocation de solidarité spécifique » (ASS), « l’allocation aux demandeurs d’asile » (ADA), « l’allocation veuvage » (AV), « l’allocation supplémentaire invalidité » (ASI), « l’allocation aux adultes handicapés » (AAH), l’allocation des travailleurs indépendants (ATI), l’aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants (AVFS) et « l’allocation de solidarité pour les personnes âgées » (ASPA). Deux dispositifs, l’allocation équivalent retraite de remplacement (AER-R) et l’allocation temporaire d’attente (ATA), sont en extinction depuis 2011 et 2017.

Cette fiche décrit les principales caractéristiques de ces dispositifs, l’évolution du nombre de bénéficiaires et du coût des plus importants d’entre eux ainsi que leurs effets sur la redistribution des revenus, la pauvreté et l’emploi.

A) Les principales caractéristiques

Les conditions d’éligibilité et les prestations servies pour chacun de ces dispositifs puis des observations générales sur leur cohérence et leur gestion sont présentées.

1) Les conditions d’éligibilité et les prestations versées

a) Le revenu de solidarité active

Le revenu de solidarité active (RSA) avait autrefois deux composantes : le « RSA socle » (ancien RMI) et le « RSA d’activité ». Ce dernier a été remplacé, ainsi que la « prime pour l’emploi », par la « prime d’activité » depuis le 1er janvier 2016. Il n’est question dans la suite que du RSA socle.

Celui-ci est ouvert aux personnes qui résident en France, sous certaines conditions pour les étrangers, et qui ont plus de 25 ans. Il est versé aux foyers dont les membres n’ont pas de ressources tirées d’une activité professionnelle. Ils doivent effectuer des démarches visant à leur insertion en contrepartie d’un accompagnement destiné à les aider dans ces démarches.

Le RSA est égal à la différence entre un socle minimal de ressources et le montant des ressources non professionnelles du foyer. S’agissant des aides au logement et de l’avantage en nature résultant de l’occupation gratuite ou de la propriété d’un logement, ils sont déduits forfaitairement du RSA en fonction du nombre de personnes dans le foyer (73 € par mois pour une personne).

Le tableau suivant présente le montant du socle de ressources garanti en fonction de la composition du foyer en septembre 2023.

Le socle garanti par le RSA en septembre 2023 (euros par mois)

 

Personne seule

Parent isolé (*)

Couple

0 enfant

608

780

911

1 enfant

912

1041

1094

2 enfants

1094

1301

1276

Par enfant supplémentaire

243

260

243

Source : site service-public.fr ; FIPECO.

(*) Le montant pour parent isolé (femme seule enceinte par exemple) n’est versé que pendant une durée limitée ; au-delà, c’est le montant pour personne seule qui est versé.

Les personnes de 18 à 25 ans ayant une activité professionnelle peuvent bénéficier d’un « RSA jeune actif » qui s’apparente au RSA d’activité.

b) Le revenu de solidarité outre-mer

Le RSO est attribué aux personnes qui résident dans un département d’outre-mer, qui bénéficient du RSA, qui ont entre 55 et 65 ans, ne perçoivent pas une retraite à taux plein et qui s’engagent à ne plus exercer d’activité professionnelle. Le RSO garantit un montant mensuel de ressources de 607 € aux ménages dont les revenus ne dépassent pas 985 € pour une personne seule et 1 548 € pour un couple.

c) L’allocation de solidarité spécifique

L’ASS est attribuée aux demandeurs d’emplois qui n’ont plus droit à « l’allocation de retour à l’emploi » (ARE) versée par l’Unedic, qui ont travaillé au moins 5 ans pendant les 10 années avant la fin du contrat de travail précédant l’attribution de l’ARE et dont les ressources sont inférieures à 1 253 € (personne seule) ou 1 969 € (personne vivant en couple) par mois. Le montant de l’ASS est de 544 € par mois en septembre 2023 et, ajouté aux autres ressources du ménage, il ne doit pas conduire à dépasser les plafonds ci-dessus (1 253 et 1 969 €).

d) L’allocation pour les demandeurs d’asile

L’ADA est attribuée aux demandeurs d’asile dans l’attente de l’examen de leur demande. Son montant est de 6,80 € par jour pour une personne seule et il est majoré de 7,40 € lorsque le demandeur a besoin d’un hébergement. Ses revenus éventuels sont déduits de l’allocation.

e) L’allocation veuvage

Les personnes dont le conjoint est décédé, qui ne vivent pas de nouveau en couple, qui ont moins de 55 ans et ne peuvent pas bénéficier d’une pension de réversion peuvent recevoir une allocation veuvage (AV), dont le montant est de 663 € par mois, si leurs ressources ne dépassent pas 828 € par mois.

f) L’allocation supplémentaire d’invalidité

L’ASI est versée sous conditions de ressources (1 505 € par mois pour un couple) aux personnes invalides, titulaires d’une pension de retraite ou d’invalidité mais qui n’ont pas atteint l’âge légal de départ à la retraite. Son montant permet d’atteindre le plafond de ressources précédent.

g) L’allocation aux adultes handicapés

Le bénéfice de l’AAH est réservé aux personnes qui résident en France dont le taux d’incapacité dépasse 80 % (50 % dans certains cas), qui ont plus de 20 ans (plus de 16 ans dans certaines conditions), qui n’ont pas droit à une pension de retraite ou d’invalidité et dont les ressources sont inférieures à des plafonds (971 € par mois). Ce plafond est majoré de 486 € par enfant à charge. Pour une personne seule sans enfant et sans revenu, le montant de l’AAH est de 971 € par mois. Si elle perçoit d’autres revenus, elle reçoit la différence entre 971 € et le montant de ces revenus.

h) L’allocation de solidarité pour les personnes âgées

L’ASPA remplace le minimum vieillesse depuis 2007. Les bénéficiaires ont plus de 65 ans, résident en France, sont français ou étrangers (sous certaines conditions) et leurs ressources ne dépassent pas 961 € par mois pour une personne seule et 1 492 € pour un couple. Le montant de l’ASPA est égal à la différence entre ces plafonds de ressources et les ressources du foyer. Les sommes versées au titre de l’ASPA sont récupérables sur la succession du bénéficiaire.

2) La cohérence et la gestion des minima sociaux

Dans un référé du 21 septembre 2015, la Cour des comptes a souligné les incohérences de ces dispositifs et la complexité de leur gestion.

Les montants garantis, les ressources prises en compte, les conditions de cumul avec une rémunération d’activité et les modalités de majoration des allocations en fonction de la configuration familiale diffèrent d’un dispositif à l’autre sans que les justifications en soient toujours claires. En particulier, la prise en compte des prestations familiales et des allocations de logement, dont les montants sont souvent importants pour les populations concernées, diffère d’un dispositif à l’autre. L’articulation de ces minima, une personne pouvant être éligible à deux d’entre eux, n’est pas non plus toujours cohérente.

Les minima sociaux sont financés et gérés par des organismes différents. Si les prestations sont le plus souvent payées par les caisses d’allocation familiales, les dossiers peuvent devoir être déposés auprès d’autres services qui les instruisent et prennent la décision, le financeur étant encore une autre administration. Par exemple, l’AAH doit être demandée à la maison départementale des personnes handicapées, mise en place et animée par le conseil général, la décision relève de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées et le financement est assuré par l’Etat.

En conséquence, les bénéficiaires potentiels ne demandent pas toujours les allocations auxquelles ils ont droit. Selon un rapport parlementaire, le taux de non-recours au RSA socle est de 36 %. Il est à noter que 11 % des non-recourant éligibles (socle et activité) ne connaissent pas le RSA et que beaucoup évaluent mal leur éligibilité. Le contrôle de l’éligibilité des demandeurs est aussi rendu plus difficile pour les organismes gestionnaires de ces dispositifs.

Une concertation a été engagée en 2018 sur la création d’un « revenu universel d’activité » regroupant certains minima sociaux et les aides personnelles au logement en harmonisant leurs montants et conditions d’attribution. Il n’y a pas eu de suites officielles à cette démarche.

B) Le coût et le nombre de bénéficiaires

1) Le nombre de bénéficiaires

La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des affaires sociales recense les bénéficiaires des minima sociaux qui étaient au nombre de 4 156 000 à la fin de 2021 (- 3,1 % par rapport à 2020). Le tableau suivant indique le nombre d’allocataires pour chaque dispositif ayant plus de 1 000 bénéficiaires.

Le nombre de bénéficiaires des minima sociaux à la fin de 2021

RSA

RSO

ASS

ASI

AAH

ASPA

ADA

1 931 000

7 000

322 000

67 000

1 252 000

664 000

79 000

Source : DREES ; France entière ; FIPECO.

Le graphique suivant montre une tendance à la hausse des bénéficiaires des minima sociaux avec des fluctuations qui suivent avec un peu de retard celles de l’activité économique.

La crise de 1993 a entrainé une hausse de ce nombre de 1992 à 1996 ; la forte croissance du tournant des années 2000 a entraîné une baisse de 1999 à 2002, le ralentissement de 2002 une hausse de 2002 à 2005, la reprise d’une croissance soutenue une baisse de 2005 à 2008. La crise de 2009 a fait sentir ses effets jusqu’en 2015. Ensuite, une quasi-stabilisation est observée de 2015 à 2019, suivie d’une nouvelle hausse en 2020 du fait de la crise économique et sanitaire avec un contre-coup de 2021.

Les fluctuations de la croissance ne sont toutefois que l’un des facteurs qui déterminent les évolutions du nombre de bénéficiaires, les modifications des paramètres de ces dispositifs ayant également un impact important.

Source : DREES ; FIPECO.

2) Le coût des dispositifs

Les dépenses consacrées aux minima sociaux se sont élevées à 29,9 Md€, soit environ 1,1 % du PIB en 2021 selon la DREES (après 30,8 Md€ en 2020). Elles sont partagées entre l’Etat, les organismes de sécurité sociale et les départements. Le RSA et l’AAH font 78 % du total.

Les dépenses publiques consacrées aux minima sociaux en 2021 (Md€)

RSA

RSO

ASS

ATA

AV

ASI

AAH

ASPA

ADA

AER

12,3

< 0,1

2,1

< 0,1

< 0,1

0,3

11,3

3,6

0,4

< 0,1

Source : DREES ; FIPECO.

 

Certains de ces minima sociaux ont pour objet non seulement de lutter contre la pauvreté mais aussi de compenser les coûts supportés par les bénéficiaires et associés à certains « risques » au sens de la sécurité sociale comme le handicap. Les comptes de la protection sociale distinguent un « risque pauvreté exclusion sociale » au titre duquel les dépenses engagées correspondent à une partie des minima sociaux (le RSA notamment), mais pas tous (l’AAH relève du risque invalidité par exemple). En revanche, les prestations du risque pauvreté exclusion sociale comprennent, par exemple, la prime d’activité (9,9 Md€ en 2021) et les dépenses qui y sont consacrées par les centres communaux d’action sociale (2,2 Md€). Au total, elles représentent une dépense de 30,5 Md€ en 2021 pour les administrations publiques.

C) Les effets sur les revenus et l’emploi

1) Les effets sur les revenus

Les inégalités et la redistribution des revenus font l’objet d’une fiche particulière qui explique comment elles sont mesurées.

Selon les estimations de l’Insee, les minima sociaux et la prime d’activité contribuent à hauteur de 27,5 % à la redistribution des revenus et à la réduction des inégalités en 2021.

Selon la DREES, les minima sociaux ont contribué à diminuer le « taux de pauvreté » de 1,7 point en 2019 (ce taux était de 14,6 %), pour un impact total de 7,6 points de l’ensemble des impôts et prestations sociales pris en compte. Ils ont contribué à diminuer « l’intensité de la pauvreté »[1] de 6,6 points pour un impact total de 18,8 points de l’ensemble des impôts et prestations sociales.

2) Les effets sur l’emploi

Les minima sociaux peuvent être à l’origine de ce que les économistes appellent des « trappes à chômage » ou des « trappes à pauvreté ».

Si, par exemple, un dispositif garantit un revenu mensuel de 1 000 € et conduit à verser à ses bénéficiaires une allocation égale à la différence entre 1 000 € et leurs revenus, une personne sans emploi et sans ressources qui prend un emploi payé 1 300 € ne gagne que 300 €, ce qui incite peu à prendre un emploi.

Cet effet de trappe peut être atténué si, dans l’exemple précédent, le montant de l’allocation est égal à 1 000 € moins la moitié des revenus (jusqu’à ce que ceux-ci atteignent 2 000 €). La personne qui reprend un emploi payé 1 300 € perçoit alors ce montant et une allocation de 350 €, soit au total 650 € de plus que si elle ne travaillait pas.

De tels mécanismes, qui limitent les effets de trappes à pauvreté, ont été systématisés avec notamment la création du RSA et de sa composante « activité », qui s’est ainsi différencié du revenu minimum d’insertion (RMI), puis de la prime d’activité qui l’a remplacé, mais ils ont un coût budgétaire élevé, d’autant plus élevé que le taux de dégressivité de l’allocation est faible. Un arbitrage est donc inévitable entre les objectifs d’incitation à la reprise d’un emploi et de limitation du coût budgétaire.

Il y aurait moins d’effets de trappe si les bénéficiaires des minima sociaux étaient astreints à une recherche active d’un emploi et s’ils étaient efficacement accompagnés dans leurs recherches. Depuis la création du RMI, qui comportait un volet insertion, les bénéficiaires de minima sociaux qui sont aptes à travailler y sont astreints et sont accompagnés dans leurs efforts, du moins en principe car le contrôle de la recherche active d’emploi est difficile à exercer en pratique et l’accompagnement du service public de l’emploi n’est pas toujours suffisant.

 

[1] Ecart relatif entre le niveau de vie médian de la population pauvre et le seuil de pauvreté.

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