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FIPECO le 31.05.2023                    

Les fiches de l’encyclopédie           III) Programmation et pilotage des finances publiques

12) L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM)

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Depuis leur mise en place, à partir de 1997, les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) comprennent un « objectif national de dépenses d’assurance maladie » (ONDAM), qui est ainsi voté chaque année par le Parlement. Depuis 2009, les lois de programmation pluriannuelles des finances publiques fixent l’ONDAM pour au moins les trois premières années qu’elles couvrent.

Il ne s’agit pas de crédits limitatifs mis à disposition des caisses d’assurance maladie mais d’une évaluation des dépenses qu’elles auront à engager pour rembourser les dépenses de santé des ménages ou pour payer directement les services rendus par les prestataires de soins.

Cette fiche explique comment est construit et présenté l’ONDAM inscrit dans les LFSS et les lois de programmation. Ensuite sont présentés les instruments de pilotage utilisés en cours d’exercice pour respecter cet objectif. Enfin, sont examinés les objectifs fixés et les dépenses constatées a posteriori jusqu’à 2022 ainsi que les limites de cet instrument.

A) La présentation et la construction de l’ONDAM

1) La présentation de l’ONDAM dans la LFSS et la loi de programmation

Chaque LFSS comprend un article qui révise, ou confirme, l’ONDAM pour l’exercice en cours et un autre article qui le fixe pour l’exercice à venir, en milliards d’euros. Cet objectif est décomposé en sept sous-objectifs qui correspondent à des catégories de dépenses particulières, du fait notamment de leurs modalités d’engagement et de régulation.

L’ONDAM pour 2022 et 2023 dans la LFSS pour 2023 (Md€)

Sous-objectifs

2022

2023

Dépenses de soins de ville

107,2

103,9

Dépenses relatives aux établissements de santé

98,2

100,7

Dépenses en établissements et services pour personnes âgées

14,6

15,3

Dépenses en établissements et services pour personnes handicapées

13,8

14,6

Dépenses relatives au fonds d’action régionale et au soutien à l’investissement

6,3

6,1

Autres prises en charge

6,8

3,4

Total

247,0

244,1

Source : LFSS pour 2023 ; FIPECO

L’ONDAM (244,1 Md€ en LFSS pour 2023) et ses sous-objectifs couvrent les dépenses d’assurance maladie de tous les « régimes obligatoires de base de sécurité sociale » (régime général, non-salariés, régimes spéciaux…). Il ne couvre donc pas celles des assurances complémentaires.

2) La construction de l’ONDAM

L’ONDAM proposé au Parlement dans le projet de LFSS pour l’année N est construit en partant d’une prévision de dépenses d’assurance maladie pour l’année N-1[1], en appliquant à cette base un « taux de croissance tendanciel » des dépenses et enfin en ajoutant l’impact des « mesures nouvelles » prévues par la LFSS au résultat ainsi obtenu[2]. Cette décomposition de la construction de l’ONDAM en trois étapes est effectuée séparément pour chacun des sept sous-objectifs.

Un autre facteur d’évolution est ajouté pour les exercices 2021 à 2023 : la variation du coût des mesures exceptionnelles prises en réponse à la crise sanitaire de 2020. La diminution de l’ONDAM en 2023 (- 1,2 %) résulte d’une baisse du coût de ces mesures exceptionnelles et d’une hausse de 3,7 % des autres dépenses.

Les périmètres retenus pour chacun des sous-objectifs varient assez fréquemment et sensiblement, ce qui fragilise l’analyse des déterminants des dépenses concernées. Or l’estimation de la croissance tendancielle de ces dépenses, qui est à la fois difficile et essentielle, repose sur cette analyse de leurs déterminants.

a) La croissance tendancielle

Les trois principaux sous-objectifs, relatifs aux soins de ville et aux établissements de santé, tarifés ou non à l’activité, n’ont pas les mêmes déterminants, ce qui conduit à des méthodes différentes d’estimation de la croissance tendancielle des dépenses concernées.

S’agissant des hôpitaux et des établissements médico-sociaux, la croissance tendancielle retenue par le ministère en charge de la santé correspond à l’évolution de leurs charges (masse salariale, achats de biens et services…) à politique de santé inchangée. Cette évolution est estimée par la direction générale de l’offre de soins en suivant des méthodes insuffisamment documentées et variables dans le temps.

S’agissant des soins de ville, la croissance tendancielle est estimée par la direction de la sécurité sociale sur la base de travaux qu’elle réalise avec plusieurs autres administrations (caisses d’assurance maladie, direction générale du trésor, direction du budget). En général, ces analyses conduisent à déterminer la tendance des dépenses de soins de ville, hors effet des mesures tarifaires, sur une période passée relativement longue en utilisant des méthodes statistiques de « filtrage » des fluctuations conjoncturelles. Le résultat obtenu est très dépendant de la période de référence retenue. Pour quelques dépenses, comme les indemnités journalières, certaines administrations essayent d’estimer leurs déterminants par des méthodes économétriques plus sophistiquées.

La croissance tendancielle de l’ensemble des dépenses d’assurance maladie est obtenue par agrégation des évolutions tendancielles par sous-objectif. Son estimation, supérieure à 5 % par an au milieu des années deux mille, était d’un peu plus de 4,0 % à la fin des années 2010. Pour 2023, elle est estimée à 3,3 % dont 0,9 point pour tenir compte de l’impact de l’inflation sur les achats des établissements de santé et la revalorisation du point d’indice de la fonction publique.

b) Les mesures nouvelles

Les dépenses qui résultent de l’application du taux de croissance tendanciel à la base N-1 sont corrigées pour tenir compte des mesures nouvelles décidées dans le champ de la politique de la santé[3] et établir l’ONDAM.

La croissance de l’ONDAM hors dépenses exceptionnelles retenue pour 2023 (3,7 %) résulte d’une progression tendancielle de 3,3 % et de mesures nouvelles dont la contribution est de 0,4 %, soit près de 1,0 Md€ : d’un côté la poursuite de la montée en charge des mesures prises dans le cadre du Ségur de la santé (0,8 Md€) et de nouvelles dépenses liées aux conventions avec les professions de santé ou à l’amélioration des soins dans les hôpitaux (2,1 Md€) ; d’un autre côté des économies pour 2,1 Md€. Ces dernières sont attendues d’une amélioration de la pertinence des prescriptions (0,7 Md€), d’efforts sur les prix des médicaments et dispositifs médicaux (1,1 Md€) et des gains de productivité de secteurs comme la biologie et l’imagerie médicales (0,4 Md€).

B) Les outils de pilotage en cours d’exercice

Les dépenses d’assurance maladie dépendent de trois principaux paramètres : le taux de remboursement, le prix des soins remboursés et leur volume.

Outre le comportement des patients et les facteurs de type épidémie, le volume des soins résulte de décisions prises par des dizaines de milliers de médecins, dans un cadre libéral ou hospitalier, à travers leurs propres actes ou les prescriptions qu’ils délivrent. Ces décisions sont prises essentiellement sur la base de critères médicaux et il n’est donc pas du tout certain qu’elles soient conformes aux prévisions de l’administration et compatibles avec l’ONDAM. La croissance du volume des soins ne peut être infléchie que par des réformes structurelles dont les effets ne se manifestent généralement qu’à moyen ou long terme.

Des outils de pilotage des dépenses d’assurance maladie en cours d’exercice, agissant sur les deux premiers paramètres, ont été progressivement mis en place de sorte à limiter les risques de dépassement de l’ONDAM associés à une croissance trop forte du volume de soins.

Un « comité d’alerte » sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie a été créé par une loi de 2004 pour alerter le Gouvernement, le Parlement et les caisses d’assurance maladie en cas d’évolution des dépenses d’assurance maladie incompatible avec le respect de l’ONDAM, en pratique si celui-ci risque d’être dépassé de plus de 0,5 %. Il rend un avis au plus tard le 1er juin, et en tant que de besoin, sur les dépenses de l’année en cours. Il formule également un avis, avant le 15 octobre, sur l’ONDAM retenu pour l’année à venir dans la LFSS.

Les caisses d’assurance maladie financent les établissements de santé pour l’essentiel sur la base de leur activité (nombre de séjours), sur laquelle elles n’ont pas de prise à court terme, et sur la base des tarifs associés à chaque séjour (ce qui est désigné par l’appellation « tarification à l’activité »). Ces tarifs sont fixés en début d’année de sorte que les remboursements demandés par les hôpitaux à l’assurance maladie soient cohérents avec l’ONDAM compte-tenu des prévisions de croissance de leur activité. Si l’activité prévue a été sous-estimée, il arrive que ces tarifs soient réduits en cours d’exercice ou que les hausses prévues ne soient pas appliquées.

Certains versements des caisses aux établissements publics de santé sont indépendants de leur activité et ont la nature de dotations budgétaires (pour le financement des missions d’intérêt général comme la recherche, par exemple). Une partie de ces dotations est « mise en réserve » en début d’année et n’est versée en fin d’année aux hôpitaux que si l’ONDAM semble pouvoir être atteint.

S’agissant des soins de ville, les tarifs des prestataires de soins ou les prix des médicaments peuvent en théorie être ajustés en cours d’année, mais les procédures légales de concertation avec les représentants des professions concernées sont en pratique souvent trop longues pour que de telles mesures soient efficaces. Les mesures de réduction des taux de remboursement des ménages présentent la même difficulté. Il est en revanche possible de conditionner les revalorisations de tarifs des prestataires de soins à une évolution des dépenses compatible avec le respect de l’objectif jusqu’à un certain stade de l’année. Dans le cadre des conventions passées avec les laboratoires, il est également parfois possible de baisser en cours d’année le prix de médicaments dont les ventes croissent à un rythme non cohérent avec l’ONDAM.

C) Les objectifs votés et les dépenses constatées

Après avoir été relativement modéré au cours des trois premières années, le taux de croissance de l’ONDAM voté, par rapport aux dépenses de l’année précédente prévues à la même date, a été fortement relevé dans la période 2000-2004, jusqu’à plus de 5 % en 2003, pour être ramené entre 2,5 et 3,5 % dans les années 2005 à 2009 puis progressivement abaissé jusqu’à 1,8 % en 2016 et pour remonter jusqu’à 2,6 % en 2020.

A l’exception de 1997, la croissance constatée des dépenses d’assurance maladie a toujours été supérieure à celle votée jusqu’à 2010, et plus particulièrement dans les années 2000 à 2003. Bien que l’objectif voté ait été plus exigeant, il a toujours été respecté en exécution de 2010 à 2019.

La crise sanitaire de 2020 a entraîné un très important dépassement des dépenses entrant dans le champ de l’ONDAM, dont la croissance s’est élevée à 9,5 % en exécution. L’ONDAM pour 2021 a été construit en supposant que la pandémie prendrait fin et que les dépenses exceptionnelles afférentes pourraient être supprimées, mais la poursuite de la crise sanitaire a entraîné de nouveau un fort dépassement de l’objectif. Bien que les conditions sanitaires se soient nettement améliorées en 2022, le dépassement de l’objectif est resté important, seulement pour un cinquième en raison de la reprise de l’inflation.

Source : Haut conseil de l’assurance maladie jusqu’à 2012 et commission des comptes de la sécurité sociale depuis 2012 ; FIPECO.

D) Les limites de l’ONDAM

Du strict point de vue des finances publiques, le respect de l’ONDAM est insuffisant car il peut s’accompagner d’un déficit et d’un endettement des hôpitaux qui contribuent au déficit et à la dette publics.

En effet, si la régulation en cours d’exercice des dotations de l’assurance maladie aux établissements publics de santé peut permettre de respecter l’ONDAM, les dépenses de ces établissements peuvent s’avérer supérieures au montant retenu au moment de la construction de l’ONDAM. Le cas échéant, le résultat comptable des établissements de santé est plus dégradé que prévu et leur recours à l’emprunt plus important. Or ces établissements sont des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale, leurs dépenses sont des dépenses publiques, leur résultat comptable contribue, s’il est négatif, au déficit public et leurs emprunts concourent à accroître la dette publique.

La construction de l’ONDAM et son pilotage infra-annuel sont toutefois surtout critiqués parce qu’ils procèdent d’une approche de court terme qui ne tient pas compte des besoins de la population et des réformes structurelles permettant d’améliorer à long terme l’efficacité du système de santé. Le tendanciel repose trop largement sur une prolongation des dépenses passées, elles-mêmes contraintes par des économies dont la justification n’est pas toujours suffisante.

Un rapport de 2021 du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie décrit plus précisément les méthodes employées, en montre les faiblesses et présente des pistes de réforme en insistant sur l’utilité d’une trajectoire pluriannuelle des activités et ressources visant des objectifs de santé.

 

[1] Qui peut conduire à réviser l’objectif fixé dans la LFSS pour N-1.

[2] Il faut parfois y ajouter l’impact d’un changement du périmètre de l’ONDAM.

[3] Les mesures nouvelles relevant d’autres politiques publiques, notamment la politique salariale dans la fonction publique, sont prises en compte dans le tendanciel. La croissance tendancielle des dépenses hospitalières dépend ainsi des mesures salariales prévues.

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