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FIPECO le 15.12.2023                    

Les fiches de l’encyclopédie           III) Programmation et pilotage des finances publiques

10) Les outils de pilotage des dépenses de l’Etat

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Les principaux outils de pilotage des dépenses de l’Etat en cours d’exercice sont la « réserve de précaution », les visas des « contrôleurs budgétaires et comptables ministériels », des instruments spécifiques au pilotage de la masse salariale et les dispositions prévues par la loi organique relative aux lois de finances pour réallouer, accroître ou annuler des crédits en cours d’exercice.

Ils ont surtout été utilisés pour respecter la « norme budgétaire » en valeur dite « de gestion » jusqu’à 2017, puis la « norme de dépenses pilotables de l’Etat » à partir de 2018 et enfin la nouvelle norme définie dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023 à 2027. La définition et les limites de ces normes de dépenses font l’objet d’une autre fiche.

A) La réserve de précaution

La « mise en réserve » de crédits en début d’exercice est prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui précise, depuis une modification apportée en 2005, que le taux de mise en réserve doit être annexé au projet de loi de finances.

La loi de programmation des finances publiques de décembre 2014 prévoyait que, chaque année et pour les programmes dotés de crédits limitatifs, soient mis en réserve au moins 0,5 % des crédits de paiement ouverts sur le titre II (dépenses de personnel) et 6 % des crédits de paiement et autorisations d’engagement ouverts sur les autres titres.

En 2017, le taux de mise en réserve, ou « taux de gel », prévu par le projet de loi de finances initial était de 8 % sur les crédits autres que de personnel, soit 9,8 Md€, puis il a été relevé en cours d’année pour atteindre 14,3 Md€ (on parle parfois d’un « surgel » de 4,5 Md€). Il n’a jamais été aussi important qu’en 2016 (14,5 Md€) et 2017 (en 2015, il avait atteint 10,5 Md€, ce qui était déjà un record).

Le taux de gel était quasiment le même pour tous les programmes et les crédits gelés portaient souvent sur des dépenses obligatoires ou inéluctables (prestations sociales, règlement de marchés engagés l’année précédente…). Une part importante des crédits gelés était donc débloquée ou « dégelée » en cours d’année pour que ces dépenses puissent être payées.

En 2017, sur 14,3 Md€ gelés (hors dépenses de personnel), les crédits débloqués se sont élevés à 10,2 Md€. Les crédits gelés et finalement annulés ont représenté 4,1 Md€. En effet, tous les crédits budgétaires peuvent être annulés en cours d’année grâce à certains « mouvements réglementaires de crédits » définis ci-après ou grâce à des lois de finances rectificatives qui ont la même portée que les lois de finances initiales.

La loi de programmation des finances publiques de janvier 2018 pour 2018-2022 n’a pas prévu de taux minimal de mise en réserve des crédits et la loi de finances pour 2018 a ramené ce taux hors titre II à 3 %, soit 3,9 Md€. Le taux de mise en réserve des crédits du titre II a été maintenu à 0,5 % (0,6 Md€). Les surgels en cours d’exercice ont été très limités (0,9 Md€). En fin d’année, les dégels représentaient 2,8 Md€ et les annulations de crédits gelés 2,0 Md€. Les crédits gelés non débloqués et non annulés (réserve résiduelle) ont représenté 0,7 Md€. Ces dispositions ont été maintenues dans la loi de finances initiale pour 2019.

Dans un souci d’amélioration de la sincérité des textes budgétaires, le taux de mise en réserve de crédit, hors titre II, à partir de 2020 a été différencié : pour cet exercice, il était de 0,5 % pour trois programmes dont les dépenses, surtout des prestations sociales, sont difficilement régulables et de 4,0 % pour les autres programmes (hors crédits du Grand Plan d’Investissement, qui ne donnent pas lieu à mise en réserve). Enfin, chaque ministère peut désormais modifier les taux de mise en réserve appliqués à chacun de ses programmes à condition que le taux global n’augmente pas.

Le gel initial a porté sur 4,5 Md€ (y compris titre II) et les surgels sur 1,7 Md€ soit un total de 6,2 Md€ en 2020. En fin d’année les dégels représentaient 3,3 Md€, les annulations de crédits 2,7 Md€ et la réserve résiduelle 0,2 Md€. L’exercice 2020 a aussi été marqué par une forte augmentation des crédits en cours d’année, pour financer notamment le plan d’urgence, à travers plusieurs lois de finances rectificatives.

Pour 2022, le taux de gel a été fixé initialement à 4,0 % hors masse salariale (0,5 %) et programmes portant surtout des prestations sociales (0,5 %). Certains programmes en ont été exonérés (plans d’urgence et de relance, France 2030…). Le montant gelé s’est élevé à 5,5 Md€ (y compris titre II) et un surgel de 0,2 Md€ s’y est ajouté. Sur ce total, 4,1 Md€ ont été dégelés et 1,6 Md€ ont été annulés.

Pour 2024, le taux de gel a été fixé initialement à 4,0 % hors masse salariale (0,5 %) et programmes portant surtout des prestations sociales (0,5 %). Les programmes plan de relance et France 2030 en ont été exonérés. Le montant gelé s’élève à 9,4 Md€ (y compris titre II).

B) Le contrôle budgétaire et comptable

Les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM) sont des agents du ministère des finances qui, dans les ministères, exercent les fonctions comptables et des fonctions de contrôle de l’exécution du budget (on parlait autrefois du « contrôle financier ») précisées dans un décret de 2012 sur la gestion budgétaire et comptable publique.

Dès que la loi de finances initiale est votée, les directions financières des ministères leur présentent pour visa un « document de répartition initiale des crédits et des emplois » entre les programmes et les « budgets opérationnels de programme » (subdivision des programmes budgétaires). Les CBCM vérifient notamment la cohérence de la répartition des crédits et emplois ainsi que la mise en réserve de crédits, devenus alors indisponibles, conformément au taux en vigueur.

Les CBCM doivent donner un avis sur la « soutenabilité budgétaire » de chaque programme, c’est-à-dire la capacité de son responsable, avec les crédits mis à sa disposition, de payer les dépenses engagées et celles dont l’engagement est obligatoire ou inéluctable. La soutenabilité budgétaire s’apprécie à l’horizon de l’exercice en cours ou à celui du budget triennal.

Les CBCM sont aussi chargés de suivre l’exécution du budget. Ils disposent à cette fin de l’accès aux systèmes informatiques de gestion des crédits et de comptabilisation des dépenses ainsi que des informations que les directeurs financiers et les responsables de programme doivent lui transmettre. Ils adressent eux-mêmes périodiquement à la direction du budget des notes sur la consommation des crédits du ministère où ils sont en poste et sur les risques de dépassement.

Au-delà d’un certain montant, spécifique à chaque ministère et dépendant notamment de la qualité de son contrôle interne, les actes d’engagement des dépenses sont soumis au visa ou à un avis préalable des CBCM, qui doivent s’assurer de leur cohérence avec la soutenabilité budgétaire du programme concerné. Ce contrôle a priori des dépenses est progressivement allégé depuis plusieurs années.

Les CBCM procèdent au déblocage des crédits mis en réserve sur instruction de la direction du budget.

Enfin, les CBCM, au titre de leurs fonctions comptables et pour ce qui concerne les services centraux des ministères, ainsi que les agents comptables de la direction générale des finances publiques, pour ce qui concerne les services déconcentrés, sont tenus de procéder à certains contrôles avant de payer les dépenses. Ils doivent en particulier vérifier que des crédits sont encore disponibles s’agissant des programmes pour lesquels ces crédits sont « limitatifs » et ne doivent donc pas être dépassés.

C) Le pilotage de la masse salariale

Les CBCM doivent viser en début d’année un « document prévisionnel de gestion des emplois et des crédits de personnel » établi par les ministères qui indique notamment leurs prévisions mensuelles d’entrées et de sorties d’agents ainsi que leurs prévisions d’évolution des dépenses, en tenant compte en particulier de l’impact des mesures catégorielles. Les CBCM doivent notamment vérifier la compatibilité des recrutements envisagés avec les plafonds d’emplois autorisés et les crédits de personnel.

Ensuite, au-delà de certains seuils spécifiques à chaque ministère et dépendant notamment de la qualité de leur contrôle interne, les CBCM visent les autorisations et actes de recrutement (par exemple l’ouverture de postes aux concours) ainsi que les principaux actes de gestion du personnel. Ils doivent notamment s’assurer de la disponibilité des crédits nécessaires. Comme pour les autres dépenses, ce contrôle a priori est progressivement allégé.

Par ailleurs, les mesures catégorielles nouvelles, celles qui concernent le statut ou les indemnités spécifiques à un corps ou un ministère particulier, sont soumises pour validation à la direction du budget et à la direction générale de l’administration et de la fonction publique. Elles vérifient en particulier la légalité de ces mesures, au regard notamment du statut général des fonctionnaires, et leur compatibilité avec les budgets alloués aux responsables de programme pour financer ces mesures (les « enveloppes catégorielles »).

D) Les procédures de réallocation des crédits

Il apparait fréquemment en cours d’exécution du budget que les crédits sont trop élevés pour certains programmes et insuffisants pour d’autres. La loi organique relative aux lois de finances (la LOLF) autorise les mesures suivantes de redéploiement :

  • des « virements » peuvent modifier la répartition des crédits au sein d’un même ministère dans la limite de 2 % des crédits ouverts par la loi de finances initiale pour chaque programme ;
  • des « transferts » peuvent modifier la répartition des crédits entre ministères à condition que ces crédits restent affectés à des actions de même nature (par exemple, des crédits affectés à la sécurité routière peuvent être transférés d’un ministère à l’autre).

Les virements et transferts sont effectués par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances et après information des commissions concernées du Parlement. Aucun virement ou transfert n’est possible vers des crédits de rémunération.

En cas d’urgence, des « décrets d’avance », pris par décret en Conseil d’Etat après avis des commissions concernées du Parlement, peuvent ouvrir des crédits supplémentaires sur des programmes, dans la limite de 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale et à condition d’annuler des crédits d’autres programmes ou de constater des recettes supplémentaires pour un montant global identique [1].

Afin de prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances, des crédits peuvent faire l’objet d’un « décret d’annulation » sur le rapport du ministre des finances, après information des commissions concernées du Parlement, dans la limite de 1,5 % des crédits ouverts.

La ratification des mouvements de crédits opérés par décret d’avance ou d’annulation doit être proposée par le Gouvernement au Parlement dans le plus prochain projet de loi de finances. La Cour des comptes remet un rapport au Parlement sur ces mouvements.

Outre cette ratification des décrets d’avance et d’annulation, les « lois de finances rectificatives » permettent notamment d’opérer des redéploiements de plus grande ampleur, de tenir compte de nouvelles prévisions de recettes et, éventuellement, de modifier le solde budgétaire prévisionnel.

Leur nombre et leur date d’adoption varie d’une année à l’autre, mais il y a quasiment toujours une loi de finances rectificative de fin d’année, proposée fin novembre et votée en décembre, qui permet de réaliser les derniers redéploiements de crédits sur la base des dernières prévisions d’exécution de la direction du budget.

En 2020 un montant inédit de 76 Md€ de crédits supplémentaires a été ouvert au total par plusieurs lois de finances rectificatives pour financer les mesures d’urgence.

Les crédits (hors dépenses de personnel) non consommés au cours d’un exercice sur un programme peuvent faire l’objet d’un « report » sur l’exercice suivant dans la limite de 3 % des crédits votés en loi de finances initiale pour ce programme. Ces crédits reportés s’ajoutent alors en cours d’année aux crédits de ce programme votés dans la loi de finances initiale pour l’exercice suivant. Ils doivent faire l’objet d’arrêtés conjoints du ministre du budget et du ministre intéressé avant le 31 mars de l’exercice suivant. L’exercice 2020 s’est achevé avec un montant inédit de reports (29 Md€) sur l’exercice suivant. Ces reports sont restés importants à l’issue des exercices 2021 et 2022 (6 Md€ pour chacun d’eux).

E) Le rôle de la direction du budget

La direction du budget est responsable du pilotage des dépenses de l’Etat en cours d’exécution. Elle s’appuie sur le réseau des CBCM, sur les informations demandées par ses bureaux sectoriels à leurs correspondants dans les ministères et sur ses propres analyses des « menaces budgétaires ».

Elle informe et conseille le ministre chargé du budget, à travers des notes périodiques sur ses prévisions d’exécution, et prépare, sous son autorité, les décrets opérant des mouvements de crédits ainsi que les projets de lois de finances rectificatives.

A partir du mois de septembre, elle établit des « schémas de fin de gestion » décrivant les mouvements qui devront être réalisés en novembre et décembre en utilisant les divers vecteurs juridiques que sont les décrets d’avance et d’annulation et la loi de finances rectificative de fin d’année. Les ministères y sont associés plus formellement depuis 2014 à travers des « conférences de fin de gestion ».

 

[1] En cas d’urgence et de nécessité impérieuse d’intérêt national, des crédits peuvent être ouverts sans annulations ou recettes supplémentaires en contrepartie.

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