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FIPECO, le 17.03.2024                                                                          

Les fiches de l’encyclopédie                                                          V) Les dépenses publiques

1) La définition, le niveau et la répartition des dépenses publiques

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L’expression « dépenses publiques » désigne généralement, et notamment sur ce site, les dépenses de l’ensemble des administrations publiques (APU). Elles ne doivent pas être confondues avec les « dépenses budgétaires » de l’Etat.

Cette fiche explique d’abord comment les dépenses publiques sont définies et mesurées, des précisions supplémentaires pouvant être trouvées dans les manuels méthodologiques publiés par Eurostat. Elle montre ensuite quel est leur niveau et comment elles sont réparties, par catégories d’administrations publiques et par fonctions, en France et dans les autres pays.

A) La définition et la mesure des dépenses publiques

1) La définition des dépenses publiques

Les comptes des APU distinguent les dépenses publiques proprement dites (rémunération des fonctionnaires, prestations sociales, achats de biens et services etc.) et les « opérations financières » : dotation en capital à des entreprises publiques ; achats de titres financiers ; prêts de l’Etat à des entreprises, à des ménages ou à d’autres Etats etc.

En comptabilité nationale, ces opérations financières (qui comprennent également, de manière symétrique, les ressources tirées de la cessions de titres financiers, des remboursements de prêts…) sont enregistrées dans des « comptes d’opérations financières », alors que les dépenses et recettes publiques sont enregistrées dans des comptes d’opérations non financières, dont le solde est appelé « capacité de financement des administrations publiques » s’il s’agit d’un « surplus » ou « besoin de financement » s’il s’agit d’un « déficit » (alors communément désigné par l’expression « déficit public »).

Les dépenses publiques comprennent les investissements non financiers des APU, les « investissements publics ». Ceux-ci incluent, depuis une réforme de 2010 du système européen de comptes nationaux qui a été appliquée à partir de 2014, les achats de matériels militaires et les dépenses de recherche et développement.

En revanche, les dépenses publiques ne comprennent pas de dotations aux amortissements et aux provisions. Les comptables nationaux procèdent à une estimation de l’amortissement du capital physique des administrations publiques, comme des entreprises, qu’ils appellent la « consommation de capital fixe », mais elle n’est pas incluse dans les dépenses publiques.

Les dépenses publiques comprennent des cotisations sociales non versées, dites « imputées » ou « fictives », correspondant au financement de prestations sociales obligatoires fournies directement par des employeurs publics à leurs agents sans passer par des caisses de sécurité sociale. Le montant de ces prestations est enregistré à la fois en dépenses et en recettes de l’organisme employeur sur une ligne intitulée « cotisations imputées »[1]. Les prestations effectivement versées aux ménages sont également comprises dans les dépenses publiques sur une autre ligne, donc en plus des « cotisations imputées », et le solde des administrations publiques n’est donc affecté que par le montant de ces prestations. Il y a toutefois une double comptabilisation de ces montants qui sont enregistrés en dépenses publiques à la fois en tant que prestations et en tant que « cotisations imputées »[2].

Le traitement des « crédits d’impôts » en comptabilité nationale a été modifié lors du passage, en 2014, du système européen de comptes de 1995 à celui de 2010. Les crédits d’impôts sont déduits par les contribuables des impôts dus, principalement l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, et leur sont remboursés par les services fiscaux si leur montant est supérieur à celui de l’impôt dû avant leur déduction. L’avantage obtenu par le contribuable est donc indépendant des impôts qu’il doit payer et les crédits d’impôts sont en fait économiquement équivalents à des subventions.

En conséquence, ils sont désormais considérés comme des dépenses des administrations publiques en comptabilité nationale alors qu’ils étaient autrefois déduits du montant des recettes publiques. Toutefois, le gouvernement français continue de présenter les dépenses publiques hors crédits d’impôts dans les documents budgétaires.

2) La consolidation des dépenses

Les dépenses publiques sont consolidées, ce qui signifie que les transferts entre les diverses administrations sont soustraits de leur montant total. Par exemple, la dotation globale de fonctionnement (DGF) des collectivités locales, qui est une dépense pour l’Etat et une recette pour les collectivités locales, n’est pas incluse dans les dépenses publiques. Sa diminution n’a donc pas d’impact sur le montant des dépenses publiques. En revanche, les dépenses des collectivités locales sont des dépenses publiques et elles peuvent diminuer en conséquence de la réduction des transferts de l’Etat si les élus locaux en décident ainsi[3].

Cette consolidation des dépenses publiques n’est cependant pas complète. En particulier, les impôts et cotisations sociales versés par une administration à une autre (par exemple les cotisations sociales employeurs versées par les collectivités locales à la caisse de retraite de leurs agents) sont inclus à la fois dans les dépenses publiques (au titre des collectivités locales dans cet exemple) et dans les recettes publiques (au titre des administrations de sécurité sociales dans ce même exemple).

3)  La date d’enregistrement des dépenses publiques

En principe, la comptabilité nationale est tenue en « droits constatés » et les dépenses publiques sont donc enregistrées lorsqu’elles donnent lieu à une dette certaine des administrations envers leurs créanciers, et non au moment de leur paiement. En pratique, les comptables nationaux s’appuient, pour ce qui concerne l’Etat, surtout sur la comptabilité budgétaire qui est une comptabilité de caisse en procédant à des corrections limitées pour passer en droits constatés (surtout sur la charge d’intérêt et les achats de matériels militaires). Pour ce qui concerne les autres administrations publiques, les comptables nationaux s’appuient sur leurs comptes, qui sont, pour la plupart, tenus en droits constatés et les corrections nécessaires sont donc limitées.

B) Le niveau des dépenses publiques

En 2022, les dépenses publiques s’élèvent en France à 1 536 Md€, soit l’équivalent de 58,2 points de PIB, après 1 478 Md€ et 59,1 points de PIB en 2021. Hors crédits d’impôts, cotisations sociales imputées et autres « doubles comptes »[4], leur montant était de 1 400 Md€, soit 56,0 points de PIB, en 2021.

Les dépenses publiques sont souvent exprimées en points ou % du PIB (le PIB de 2022 étant estimé à 2 639 Md€) car elles doivent être financées par des prélèvements obligatoires dont l’assiette peut approximativement être mesurée par le PIB (l’élasticité des prélèvements obligatoires au PIB est d’ailleurs unitaire en moyenne sur plusieurs années). Rapporter les dépenses publiques au PIB permet de les comparer dans le temps et dans l’espace en tenant compte de la capacité de chaque pays à lever l’impôt pour les financer (voir note sur ce sujet).

Les dépenses publiques étant définies comme les dépenses des administrations publiques (APU), leur montant dépend du périmètre de celles-ci, dont la définition présente parfois des difficultés d’application[5]. Les divergences d’interprétation des règles de la comptabilité nationale entre les instituts statistiques nationaux ne conduisent cependant pas à remettre en cause significativement les écarts qui apparaissent entre les niveaux de dépenses publiques des différents pays, notamment dans l’Union européenne où les comptes des administrations publiques établis par les instituts statistiques nationaux font l’objet d’un contrôle d’Eurostat.

Les écarts entre les niveaux des dépenses publiques, rapportés au PIB, d’un pays à l’autre tiennent pour partie à des périmètres différents de leurs administrations publiques. Ces différences résultent beaucoup moins d’interprétations différentes des règles comptables que de choix nationaux en faveur de systèmes économiques et sociaux faisant plus ou moins de place au marché et à l’intervention publique pour satisfaire les besoins des ménages et des entreprises. Dans un rapport de décembre 2020, le conseil d’orientation des retraites a estimé que l’écart de 4,5 points de PIB entre les dépenses publiques de retraite de la France et des dix principaux pays de l’OCDE est ramené à 2,0 points si on ajoute les pensions versées par des fonds de pension privée.

Les écarts entre les niveaux des dépenses publiques tiennent aussi, pour une part significative, à des écarts entre les coûts unitaires de production des services rendus par les APU dans chaque pays. Des travaux de France Stratégie ont ainsi montré que la France est moins efficiente que les autres pays de la zone euro[6] dans des domaines tels que l’enseignement secondaire, la santé et les retraites (elle dépense plus pour une même qualité de service ou elle dépense autant pour une qualité de service inférieure).

Pour modifier les comportements des agents économiques dans un sens favorable à l’intérêt général, par exemple pour protéger l’environnement, l’Etat peut recourir à la réglementation, à la taxation ou à la dépense budgétaire. Le poids des dépenses publiques peut ainsi refléter une préférence pour la dépense par rapport aux autres formes d’intervention publique. Il n’est toutefois pas sûr que le poids des dépenses publiques en France soit compensé par un moindre coût des réglementations.

La France est restée au premier rang de l’Union européenne et très probablement de l’OCDE pour le niveau de ses dépenses publiques en 2022 (58,2 points de PIB), devant l’Italie (56,1 points). Les dépenses publiques des pays européens, publiées par Eurostat, s’élèvent en moyenne en 2022 à 50,5 % du PIB dans la zone euro et à 49,6 % du PIB dans l’Union européenne. Celles de l’Allemagne représentent 49,5 % de son PIB, soit un écart de 8,6 points avec la France (227 Md€ en prenant le PIB français).

Source : Eurostat ; FIPECO

L’OCDE publie les dépenses publiques des pays membres de cette organisation. Celles des pays non européens sont souvent plus faibles que celles des pays européens et la moyenne pour l’ensemble de l’OCDE ressortait à 42,9 % du PIB en 2022 (prévisions de novembre 2022). Les dépenses publiques étaient égales à 38,4 % du PIB aux Etats-Unis, à 46,1 % au Royaume-Uni, à 44,8 % au Japon et à 40,8 % au Canada.

C) La répartition des dépenses publiques

1) La répartition par catégories d’administrations publiques

La définition de ces catégories est donnée dans la fiche sur les administrations publiques. En 2021, les dépenses de l’Etat et des « organismes divers d’administration centrale » en ont représenté 35 %, les « administrations de sécurité sociale » 46 % et les « administrations publiques locales » 19 %.

Les comparaisons internationales montrent que cette répartition est très différente d’un pays à l’autre, en fonction notamment de son caractère fédéral ou non. Les pays organisés sur un mode fédéral distinguent d’ailleurs une cinquième catégorie d’administrations publiques constituée des Etats fédérés. En additionnant les dépenses des administrations locales et des Etats fédérés, les dépenses des collectivités territoriales se situent entre moins de 30 % des dépenses publiques totales (Italie, France, Pays-Bas) et plus de 40 % (Belgique, Allemagne, Espagne) en 2019. Cette part est particulièrement faible en France (20 %).

La répartition des dépenses sociales entre l’Etat et les administrations de sécurité sociale est également très variable, suivant notamment que la protection sociale relève d’une logique « bismarckienne » d’assurance par des caisses sur une base sectorielle ou d’une logique « beveridgienne » de protection sociale universelle par l’Etat. Alors que les dépenses des administrations sociales dépassent 20 % du PIB en France et en Italie, la catégorie « administrations sociales » n’existe pas dans certains pays (Royaume-Uni, Irlande, Malte) et ses dépenses représentent moins de 5 % du PIB au Danemark.

2) La répartition par fonctions

Les dépenses publiques peuvent être ventilées par grandes fonctions (défense, enseignement, santé…) et cette ventilation est opérée dans l’ensemble des pays européens, ce qui permet de comparer les poids de ces diverses fonctions en pourcentage du PIB. Dans cette nomenclature, les « services généraux » désignent les fonctions supports (finances…).

Il en ressort que, dans presque tous les pays, la part de la protection sociale (retraites, santé, famille, minima sociaux…) dépasse la moitié du total des dépenses publiques. La part de certaines fonctions (défense, loisirs et culture, protection de l’environnement…) est relativement faible mais très variable d’un pays à l’autre.

Le poids des dépenses publiques, en points de PIB, est plus important en France que la  moyenne européenne pour toutes les fonctions à l’exception des transports, de la sécurité intérieure et de la justice. Le poids de la recherche fondamentale est plus faible en France mais, si on y ajoute la recherché appliquée incluse dans les autres postes (santé…), le poids de l’ensemble est plus important en France.

L’écart total en points de PIB en 2022 entre la France et la moyenne de l’Union européenne ou de la zone euro (de l’ordre de 8 à 9 points) résulte pour une grande part des retraites (2,0 à 2,5 points) et de la santé (environ 1,5 point).

L’écart total en points de PIB par rapport à l’Allemagne (environ 8 points) tient surtout aux retraites (2,5 points), au logement (plus de 1 point en ajoutant les aides à la personne et à la pierre), aux intérêts de la dette (plus de 1 point) et aux affaires économiques (poste hétérogène recouvrant notamment les dépenses liées aux transports et des aides aux ménages et subventions aux entreprises relevant de politiques publiques très diverses à finalité économique ; 1,5 point). En revanche, le poids des services généraux et de la recherche est plus élevé en Allemagne.

Les dépenses publiques par fonction en % du PIB en 2022

 

France

Allemagne

Union européenne

Zone euro

Protection sociale

Dont : retraites

Santé et maternité

Famille

Chômage

Exclusion sociale

Aides personnelles au logement

32,9

14,4

12,2

2,2

1,7

1,3

0,8

28,9

11,9

11,9

1,8

1,5

0,9

0,3

27,2

11,9

10,5

1,9

1,2

1,1

0,3

28,0

12,3

10,8

1,7

1,3

1,2

0,3

Aides à pierre, équipements collectifs

1,2

0,5

1,0

1,0

Enseignement

5,2

4,5

4,7

4,6

Loisirs, culture et culte

1,4

1,0

1,1

1,1

Protection de l’environnement

1,1

0,6

0,8

0,9

Affaires économiques

Dont : transports

Energie

6,7

2,0

1,4

5,2

1,9

0,9

5,9

2,2

1,1

5,8

2,1

1,1

Sécurité intérieure et justice

1,7

1,7

1,7

1,7

Défense

1,8

1,0

1,3

1,2

Recherche fondamentale

0,3

1,0

0,6

0,6

Services généraux

3,9

4,5

3,7

3,7

Intérêts de la dette publique

2,0

0,7

1,7

1,8

Total des dépenses publiques

58,3

49,5

49,6

50,5

Source : Eurostat ; FIPECO.

3) La répartition par nature de dépenses

Les dépenses publiques peuvent également être ventilées par nature et cette ventilation peut être comparée à celle des autres pays européens.

Les prestations sociales, la masse salariale, les investissements et les subventions sont nettement plus élevés en France. Les achats de biens et services y sont plus faibles que dans la moyenne de l’Union européenne ou de la zone euro, ce qui résulte pour partie du fait que certains pays substituent souvent des achats de services à la rémunération d’agents publics.

En Allemagne, par exemple, les hôpitaux sont hors des administrations publiques et celles-ci ne comprennent donc pas leurs rémunérations, mais les caisses de sécurité sociales leur achètent les services rendus aux patients, si bien que le total des dépenses publiques et les dépenses de la fonction santé ne sont pas affectées par ce classement[7].

Il reste que le total des dépenses de personnel et des achats de biens et services est plus important en France que dans les autres pays, Allemagne comprise. Les charges d’intérêts y sont voisines de la moyenne européenne mais plus élevées qu’en Allemagne.

Les dépenses publiques par nature en % du PIB en 2022

 

France

Allemagne

Union européenne

Zone euro

Rémunérations

12,4

7,9

10,1

9,9

Achats de biens et services

5,2

6,1

6,0

5,9

Investissements (hors subventions)

3,7

2,6

3,2

3,0

Subventions

4,3

3,3

3,5

3,7

Charges d’intérêts

1,9

0,7

1,6

1,7

Prestations sociales

25,7

25,2

21,8

23,0

Autres dépenses

4,9

3,9

3,6

3,6

Total des dépenses publiques

58,1

49,7

49,8

50,8

Source : Eurostat, FIPECO.

 

[1] Il s’agit surtout des contributions de l’Etat au financement des pensions de ses agents. Ces contributions sont versées par le « budget général » à un « compte d’affectation spéciale », qui sont des comptes de l’Etat.

[2] Cette méthode de comptabilisation permet de faire apparaître, d’une part, les prestations versées aux ménages et, d’autre part, la contrepartie en dépenses des cotisations fictives affectées à ces régimes d’employeurs, pour ne pas modifier le solde. Ces cotisations fictives sont elles-mêmes justifiées par le besoin de faire apparaître la totalité des ressources affectées au financement des prestations sociales et le coût total du travail, indépendamment du fait que les Etats, ou d’autres organismes publics, financent parfois eux-mêmes les prestations attribuées à leurs agents sans verser de cotisations à une caisse de sécurité sociale.

[3] De même, les dépenses publiques ne comprennent pas les versements de l’assurance maladie aux hôpitaux mais les dépenses des hôpitaux eux-mêmes.

[4] Par exemple, les dépenses de recherche et développement (R et D) effectuées en interne aux administrations figurent à la fois en dépenses de personnel (rémunérations des chercheurs) et en dépenses d’investissement (total des dépenses de R et D). Pour éviter que ce « double compte » affecte le solde, une « production pour emploi final propre » est enregistrée, pour ordre, dans les recettes publiques.

[5] Cf. fiche sur les administrations publiques.

[6] L’efficience y est définie comme le rapport entre un indicateur synthétique de qualité des services produits et les dépenses réalisées pour produire ces services.

[7] Sous réserve que les versements des caisses soient exactement égaux aux dépenses des hôpitaux.

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