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15/12/2016

Les prélèvements obligatoires en France et en Allemagne

François ECALLE

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A la demande du Président de la République, la Cour des comptes a publié en mars 2011 un rapport sur « les prélèvements fiscaux et sociaux en France et en Allemagne ». S’appuyant sur les statistiques fiscales relatives à l’année 2008, elle y mettait en évidence un écart important entre les taux des prélèvements obligatoires (PO) des deux pays, qui s’expliquait surtout par la fiscalité du capital. Les poids des prélèvements sur le travail et sur la consommation ne différaient pas beaucoup entre les deux pays. La structure des prélèvements sur le travail était toutefois différente du fait de l’importance des cotisations sociales dues par les employeurs en France. Le présent billet vise à actualiser ce constat avec les statistiques fiscales publiées récemment par l’OCDE et la Commission européenne.

L’écart entre les taux des prélèvements obligatoires des deux pays s’est accru de 2008 à 2015, passant de 6,8 à 8,6 points de PIB.

Il est imputable pour plus de 4 points de PIB, en 2015 comme en 2008, à la fiscalité du capital, et plus particulièrement (3 points en 2015) aux impôts sur la détention, la cession à titre onéreux et la transmission à titre gratuit (successions et donations) du capital, physique ou financier, des ménages et des entreprises. Ces impôts sur le stock de capital sont sur une tendance croissante en France et quasi-stable en Allemagne.

Les prélèvements sur le travail contribuent pour presque 3 points de PIB à l’écart total des taux de PO en 2015, contre moins de 1 point en 2008. Ils continuent à peser beaucoup plus sur les entreprises en France, l’écart étant d’environ 6 points de PIB pour les cotisations sociales des employeurs et les impôts des entreprises sur les salaires.

Le poids de la TVA est très proche dans les deux pays, en 2015 comme en 2008. Les accises (taxes sur les tabacs, alcools et carburants) ayant augmenté en France et diminué en Allemagne, les impôts sur les biens et services contribuent pour 1 point de PIB à l’écart total entre les taux de PO des deux pays en 2015, contre quasiment zéro en 2008.

Les impôts sur le revenu des ménages sont répartis entre les prélèvements sur le travail et sur le capital. En 2008, leur poids total était nettement plus faible en France qu’en Allemagne, mais leur augmentation dans les années 2011 à 2013 en France les a rapprochés du niveau allemand. En 2015, ils représentaient 8,5 % du PIB en France contre 10 % en Allemagne.

Au total, les systèmes fiscaux et sociaux français et allemands se sont éloignés depuis le constat établi par la Cour des comptes, du fait notamment des impôts sur les revenus qui ont plus augmenté en France, tout en restant inférieurs au niveau allemand. Les impôts sur la consommation s’éloignent un peu mais restent proches ; les prélèvements sur le capital et les cotisations sociales des employeurs sont encore bien plus élevés en France.

Les prélèvements obligatoires en France et en Allemagne en 2008 et 2014-2015

 

% du PIB

France

Allemagne

2008

2014-2015

2008

2014-2015

Total prélèvements obligatoires

42,25

45,5

35,5

37

Prélèvements sur le capital

Dont stock de capital

10,25

3,25

10,5

4

6,25

1

6,25

1

Prélèvements sur le travail

Dont cotisations employeurs

21,75

10,75

24,25

11,25

21

6

21,5

6,5

Impôts sur biens et services

10,5

11

10

10

Impôts sur le revenu (*)

7,25

8,5

9,5

10

Source : les prélèvements sur le travail et le capital sont estimés par la Commission européenne jusqu’à 2014 ; les autres chiffres sont tirés des statistiques de l’OCDE qui vont jusqu’à 2015 ; comme, en outre, la définition des prélèvements obligatoires de la Commission diffère un peu de celle de l’OCDE[1], ces chiffres ne sont pas toujours totalement cohérents ; aussi sont-ils exprimés en quarts de points de PIB ; FIPECO.

(*) À ne pas ajouter aux précédentes lignes car ils sont répartis entre les prélèvements sur le travail et le capital.

A)   L’écart entre les taux des prélèvements obligatoires s’est accru

La définition et les méthodes de mesure des prélèvements obligatoires (PO) sont précisées dans une fiche de l’encyclopédie.

En 2008, l’écart entre les taux des PO en France et en Allemagne était de 6,8 points de PIB. Il s’est accru de 1,8 point entre 2008 et 2015. Ces taux étaient en effet en 2015 de 45,5 % du PIB en France et de 36,9 % en Allemagne.

Source : OCDE ; FIPECO

Cet écart de 8,6 points de PIB en 2015 tient pour partie aux modalités de financement des retraites et des dépenses de santé : elles sont plus souvent financées en Allemagne qu’en France par des contributions facultatives (au moins au niveau de l’entreprise ou de la branche) à des assureurs privés qui se font concurrence. La France privilégie les contributions obligatoires à des assureurs publics, ou quasi-publics comme l’ARRCO et l’AGIRC, en situation de monopole.

Cet écart reflète également l’étendue des services publics et de la redistribution ainsi que la plus ou moins grande efficience des dépenses publiques dans les deux pays.

Bien que les PO aient nettement plus augmenté en France qu’en Allemagne sur cette période, le déficit des administrations publiques de la France s’est accru alors que celui de l’Allemagne s’est transformé en un excédent. En effet, sur cette période, l’Allemagne a fait davantage d’efforts sur ses dépenses publiques que la France.

B)   La fiscalité du capital reste beaucoup plus forte en France

Les PO sur le capital sont constitués de prélèvements sur ses revenus et sur son stock. Leur mesure présente d’importantes difficultés méthodologiques exposées dans une fiche de l’encyclopédie, mais la Commission européenne en publie chaque année une estimation.

En 2008, l’écart entre les niveaux de ces prélèvements en France et en Allemagne (4,0 points de PIB) expliquait plus de la moitié de l’écart total entre les taux des prélèvements obligatoires. En 2014[2], cet écart était quasiment le même (4,3 points) : ces prélèvements représentaient 10,5 % du PIB en France contre 6,2 % en Allemagne.

Source : Commission européenne ; FIPECO

Cet écart ne tient que pour une faible part (0,4 point de PIB en 2015) à l’impôt sur les sociétés, bien que son taux soit nettement plus élevé en France (34,4 % avec ses diverses majorations, contre 30,2 % en Allemagne).

Il résulte pour 3,0 points de PIB des impôts sur la détention, la cession à titre onéreux et la transmission à titre gratuit (successions et donations) du capital, physique (immobilier notamment) ou financier, des ménages et des entreprises. Ces impôts sur le patrimoine sont sur une tendance nettement croissante en France et quasi-stable en Allemagne.

Le solde (1,0 point de PIB) est imputable aux prélèvements fiscaux et sociaux sur les revenus du capital (impôt sur le revenu proprement dit, CSG et prélèvements sociaux, y compris sur les plus-values).

Source : OCDE ; FIPECO

C)    Les prélèvements sur le travail sont devenus plus lourds en France

Les prélèvements sur le travail (impôts et cotisations sociales) étaient plus élevés de 0,7 point de PIB en 2008 en France. Ils se sont alourdis en France tandis qu’ils sont restés au même niveau en Allemagne, d’où un écart de 2,7 points de PIB en 2014.

Les cotisations sociales sont traditionnellement réparties en deux parts égales entre les entreprises et les salariés en Allemagne alors que les entreprises en doivent les deux tiers en France. En dépit des allègements de cotisations patronales sur les bas salaires, le poids des cotisations des employeurs y est donc beaucoup plus élevé, mais l’écart est stabilisé (4,7 points de PIB en 2015 comme en 2008).

La France se distingue aussi par le poids des impôts des entreprises sur les salaires (versement transport, taxe sur les salaires…). Ils contribuent pour 1,6 point de PIB à l’écart total entre les taux de PO et cette contribution a augmenté de 0,5 point de PIB de 2008 à 2015.

La hausse de 2 points de PIB de l’écart entre les prélèvements sur le travail dans les deux pays résulte également des impôts sur le revenu (cf. ci-dessous).

Source : Commission européenne (total des prélèvements) ; OCDE (cotisations employeurs) ; FIPECO

D)   Les poids de la TVA et de la fiscalité environnementale restent proches

Après la hausse de son taux en 2007 en Allemagne, le produit de la TVA est resté très proche dans les deux pays, aux environs de 7 % du PIB. Les légers écarts constatés annuellement pourraient résulter d’évolutions divergentes de la consommation (soumise à TVA) et des exportations (exonérées de TVA).

Source : OCDE ; FIPECO

En revanche, les accises ont augmenté en France et baissé en Allemagne de 2008 à 2015. Elles sont supérieures de 0,4 point de PIB en 2015 en France.

Au total, les impôts sur les achats de biens et services contribuent pour 1,1 point de PIB à l’écart total entre les taux de PO des deux pays, contre 0,2 point en 2008.

La fiscalité environnementale (en partie constituée par les accises sur les produits énergétiques) pèse un même poids dans les deux pays en 2014 (2,0 % du PIB). Elle a été légèrement alourdie en France (1,8 % du PIB en 2008) et elle est restée stable en Allemagne.

E)    Les impôts sur le revenu des ménages restent plus faibles en France

Les impôts sur le revenu des ménages portent sur les revenus du travail et du capital. Ils ne doivent donc pas être ajoutés aux prélèvements sur le travail et le capital pour examiner la répartition des prélèvements obligatoires. Ils constituent néanmoins une catégorie utile pour l’analyse des systèmes fiscaux.

En 2008, leurs poids, en pourcentage du PIB, était nettement plus faible en France (7,3 %) qu’en Allemagne (9,4 %). Leur forte augmentation dans les années 2011 à 2013 en France (impôt sur le revenu au sens strict, CSG, CRDS et prélèvements sociaux sur les revenus du capital) les a rapprochés du niveau allemand. En 2015, ils représentaient 8,6 % du PIB en France contre 9,9 % en Allemagne.

Source : OCDE ; FIPECO

 

[1] Notamment pour ce qui concerne le traitement des crédits d’impôt, mais celui-ci affecte peu la comparaison entre la France et l’Allemagne, quelle que soit la méthode retenue.

[2] La Commission européenne ventile les PO entre ceux qui concernent le travail, le capital et la consommation seulement jusqu’en 2014.

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