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28/09/2022

Le patrimoine des collectivités locales à la fin de 2021

François ECALLE

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Les administrations publiques locales (APUL), dont le champ est un peu plus étendu que celui des collectivités locales, sont endettées mais elles détiennent, en contrepartie de leurs dettes, des actifs financiers et surtout non financiers très importants qui doivent être pris en compte pour analyser leur situation financière. L’endettement public peut en effet être justifié quand il permet d’accroître les actifs publics. Les comptes de patrimoine publiés par l’Insee permettent d’établir le bilan des APUL à la fin de 2021.

Les actifs et passifs des administrations publiques en comptabilité nationale ne sont pas consolidés[1] et sont exprimés en valeur de marché[2] alors que la dette publique au sens du traité de Maastricht est consolidée, est exprimée en valeur faciale et correspond à seulement une partie des passifs (les charges à payer en sont par exemple exclues). Les fiches de l’encyclopédie de FIPECO sur la dette publique et les actifs des administrations publiques présentent plus précisément leur définition et les méthodes utilisées pour les estimer.

Si la dette des APUL au sens du traité de Maastricht était de 245 Md€ fin 2021, leur passif en comptabilité nationale s’élevait à 306 Md€, en hausse de 14 Md€ par rapport à fin 2020. Il était constitué pour 63 % par des emprunts bancaires.

La valeur des actifs financiers des APUL était de 236 Md€ fin 2021. Elle a augmenté de 16 Md€ par rapport à fin 2020 surtout en raison d’une hausse de 14 Md€ de leurs liquidités. Celles-ci ont atteint le montant considérable de 90 Md€ à la fin de 2021, ce qui devrait permettre aux APUL de moins emprunter en 2022 et au-delà.

Les actifs non financiers des APUL étaient estimés à 1 901 Md€ fin 2021, soit 76 % du PIB. Ils étaient notamment constitués de terrains, pour 51 %, et d’ouvrages de génie civil, pour 31 %. Leur valeur a augmenté de 115 Md€ de fin 2020 à fin 2021, surtout du fait de la hausse des prix des terrains (36 Md€) et constructions (40 Md€) et bien moins du fait des investissements si on en déduit l’amortissement de ces immobilisations.

Sous cette réserve, la valeur du patrimoine net des APUL (actifs – passifs) s’est élevée à 1 832 Md€ (73 % du PIB) à la fin de 2021, en hausse de 117 Md€ par rapport à fin 2020, presque entièrement du fait de la revalorisation des terrains.

De 1995 à 2021, la valeur nette du patrimoine des APUL a augmenté d’un peu plus de 40 points de PIB, presque entièrement du fait de leurs actifs non financiers (+ 34 points pour les terrains et + 6 points pour les autres actifs non financiers).

Cette bonne situation financière des APUL doit être relativisée en notant qu’elles ont bénéficié en 2021 de 52 Md€ de subventions de l’Etat ainsi que 53 Md€ de dégrèvements d’impôts locaux pris en charge par l’Etat et d’impôts d’Etat transférés. En outre, la valorisation à des prix de marché des actifs physiques des APUL est souvent théorique dans la mesure où ils sont inaliénables. Les dettes des APUL peuvent très difficilement être remboursées par la vente de ces actifs.

A) Le compte des administrations publiques locales

Les administrations publiques locales (APUL) forment l’une des catégories des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale. Elles comprennent les collectivités territoriales, les groupements de communes à fiscalité propre et les « organismes divers d’administration locale » (ODAL). Ces derniers sont constitués des établissements publics locaux tels que les centres communaux d’action sociale, les services départementaux d’incendie et de secours, les collèges et les lycées, ainsi que de certains établissements publics nationaux dont l’activité s’exerce sur une partie du territoire (parcs nationaux, chambres consulaires, agences de l’eau, Société du Grand Paris etc.).

Le compte des administrations publiques locales en comptabilité nationale est établi par la direction générale des finances publiques, sous l’autorité de l’Insee, pour l’essentiel en agrégeant et en retraitant les comptes des collectivités locales et de leurs groupements, établis selon leurs règles comptables particulières (instruction M14 pour les communes, M52 pour les départements…). Ces retraitements ont pour objet d’appliquer les règles de la comptabilité nationale à ces comptes agrégés.

L’Insee ne distingue pas les collectivités territoriales et les ODAL dans les comptes de patrimoine mis en ligne mais donne des indications sur la répartition de la dette au sens du traité de Maastricht.

B) Les passifs

Si la dette des administrations publiques locales (APUL) au sens du traité de Maastricht s’élevait à 245 Md€, soit 9,8 % du PIB, à la fin de 2021, le total de leurs passifs était égal à 306 Md€, soit 12,2 % du PIB.

Ces passifs étaient constitués d’emprunts bancaires (63 % du total), d’obligations (19 %) et de charges à payer aux fournisseurs ou aux bénéficiaires de prestations sociales (18 %).

Ils ont augmenté de 14 Md€ par rapport à fin 2020 mais sont passés de 12,6 % du PIB fin 2020 à 12,2 % fin 2021 du fait de l’augmentation du PIB. Les emprunts bancaires ont augmenté de 2 Md€ et les obligations de 11 Md€. Le montant des charges à payer a peu varié.

La hausse de la dette au sens du traité de Maastricht a été de 16 Md€ dont 8 Md€ sont imputables à la Société du Grand Paris et 6 Md€ aux régions et à Ile-de-France Mobilités.

L’augmentation des passifs des APUL en comptabilité nationale (14 Md€) est un peu plus faible que celle de la dette au sens du traité de Maastricht (16 Md€) parce qu’ils sont exprimés en valeur de marché et que la hausse des taux d’intérêt à réduit cette valeur de marché d’environ 3 Md€ (la dette maastrichtienne est exprimé en valeur faciale ce qui signifie qu’une obligation de 100 € reste comptabilisée à 100 € quelle que soit l’évolution des taux d’intérêt).

C) Les actifs financiers

Les actifs financiers des APUL étaient estimés à 236 Md€ à la fin de 2021. Ils étaient composés notamment d’actions et titres de participations à hauteur de 24 %, de liquidités pour 38 % et de produits à recevoir pour 28 %.

Ces actifs financiers se sont accrus de 16 Md€ par rapport à fin 2020. Le montant des liquidités détenues par les APUL a en particulier augmenté de 14 Md€, probablement parce qu’elles ont emprunté plus que nécessaire pour profiter de taux d’intérêt faibles et placé le produit de ces emprunts sur des comptes de dépôts, notamment sur leur compte courant au Trésor. La trésorerie de la Société du Grand Paris a augmenté de 5 Md€, comme celle des communes.

La trésorerie accumulée par les APUL fin 2021 (90 Md€) est considérable et devrait leur permettre de moins emprunter en 2022 et au-delà.

D) Les actifs non financiers

Les actifs non financiers des administrations publiques étaient estimés à 1 901 Md€ à la fin de 2021, soit 76 % du PIB. Ils représentaient 72 % de ceux de l’ensemble des administrations publiques.

Ils étaient principalement composés de terrains (51 % de la valeur totale), généralement bâtis (les espaces naturels sont valorisés à un prix égal à zéro), d’ouvrages de génie civil comme les routes (31 %) et de bâtiments non résidentiels (bureaux notamment ; 13 %). Certains de ces actifs sont immatériels, mais les droits de propriété intellectuelle (logiciels, œuvres artistiques…) n’en constituent que 1 %. L’estimation de ces actifs présente souvent d’importantes difficultés en pratique comme le montre une autre fiche sur ce site. Le patrimoine historique est ainsi souvent enregistré pour une valeur conventionnellement nulle.

Ces actifs non financiers ont augmenté de 115 Md€ par rapport à fin 2020, mais sont passés de 77 % du PIB fin 2020 à 76 % fin 2021 du fait de l’augmentation du PIB.

La variation de la valeur des actifs non financiers du début à la fin d’un exercice résulte notamment des investissements réalisés au cours de cet exercice, dont il faut déduire la dépréciation de ces actifs (la « consommation de capital fixe » en comptabilité nationale, qui correspond aux dotations aux amortissements de la comptabilité d’entreprise), des acquisitions et cessions d’actifs, enfin de l’évolution des prix de ces actifs.

En 2021, les investissements dans des actifs « fixes » (ouvrages de génie civil et bâtiments) se sont élevés à 53 Md€ mais ces actifs ont été dépréciés de 45 Md€ du fait de leur usure notamment, ce qui conduit à une contribution nette de seulement 9 Md€ à la hausse de la valeur des actifs non financiers des APUL.

Celle-ci résulte surtout de la hausse des prix des terrains (56 Md€), des ouvrages (34 Md€) et des bâtiments (6 Md€). Ces actifs non financiers sont en effet valorisés en comptabilité nationale à des « prix de marché » qui correspondent à ceux des biens de même nature vendus dans le secteur privé et évoluent comme eux mais qui sont assez théoriques dans le secteur public dans la mesure où ces biens sont souvent inaliénables.

Source : Insee ; FIPECO.

E) La valeur du patrimoine net

1) Le patrimoine net à la fin de 2021

Le patrimoine net des administrations publiques locale, différence entre le total des actifs et le total des passifs, s’élevait à 1 832 Md€, soit 73 % du PIB, à la fin de 2021, alors que celui des administrations publiques centrales (L’Etat et les organismes publics non marchands qu’il contrôle) était fortement négative (- 1 562 Md€).

Il faut toutefois noter que les collectivités locales reçoivent des transferts financiers de l’Etat qui représentaient en 2021 de 52 Md€ (concours financiers au sens strict) à 105 Md€ par an (en y ajoutant les dégrèvements d’impôts locaux pris en charges par l’Etat et les impôts d’Etat transférés, comme une partie de la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques).

Le patrimoine net des APUL a augmenté de 117 Md€ entre fin 2020 et fin 2021, ce qui résulte quasi-totalement de la revalorisation, c’est-à-dire de la hausse des prix, des terrains et constructions. Du fait de la hausse du PIB, il est néanmoins passé de 74 à 73 % du PIB.

2) Le patrimoine net de 1995 à 2021

De 1995 à 2021, les passifs des administrations publiques locales (APUL) sont restés compris entre 9 et 13 % du PIB et leurs actifs financiers sont restés compris entre 6 et 10 % du PIB.

La valeur des actifs non financiers est passée d’environ 36 % du PIB dans la deuxième moitié des années 1990 à environ 65 % du PIB dans les années 2005 à 2019 puis à 76 % en 2020-2021. La valeur nette du patrimoine des APUL a suivi quasiment la même évolution.

Source : Insee ; FIPECO

Les « actifs produits »[3] des APUL sont passés d’environ 30 % du PIB dans les années 1995 à 2003 à une valeur comprise entre 35 et 38 % du PIB dans les années 2008 à 2021.

La valeur des terrains a connu une très forte hausse dans les années 1998 (6 % du PIB) à 2006 (28 % du PIB) puis est restée comprise entre 25 et 30 % du PIB de 2007 à 2018 avant de croître de nouveau pour atteindre 39 % du PIB en 2021. Cet accroissement est lié à l’augmentation des prix du foncier en France sur ces mêmes années.

Source : Insee, FIPECO

Au total, de 1995 à 2021, la valeur nette du patrimoine des APUL a augmenté d’un peu plus de 40 points de PIB dont la presque totalité est imputable à leurs actifs non financiers (34 points pour les terrains et 6 points pour les autres actifs non financiers).

Les médias suivants ont mentionné ce texte :

La gazette des communes

[1] La consolidation consiste à éliminer les créances et dettes réciproques entre administrations publiques.

[2] La valeur à laquelle les titres sont échangés sur le marché et non le montant qui sera remboursé (valeur faciale).

[3] Ceux qui ont été construits et ne sont pas naturels comme les terrains.

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