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28/06/2016

L'avenir des régimes de retraite

François ECALLE

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Des fiches de l’encyclopédie précisent quelles sont les principales caractéristiques des régimes de retraite et leurs perspectives financières. En s’appuyant sur les dernières projections (juin 2016) du conseil d’orientation des retraites (COR), le présent billet examine les conditions dans lesquelles la croissance économique pourrait redresser leurs comptes avant de formuler des propositions de nouvelles réformes, en restant dans le cadre des régimes par répartition que sont les régimes de retraite français. Il porte sur l’ensemble des régimes de retraite, le cas particulier des régimes des fonctionnaires faisant l’objet d’une note spécifique.

Quel que soit le scénario macroéconomique, à taux de cotisation inchangé et si rien n’est fait pour corriger la dégradation prévisible du taux de dépendance, l’équilibre financier à long terme des régimes de retraite ne peut être obtenu que si le taux de remplacement moyen est ramené de 51,5 % en 2015 à environ 40 % en 2060, soit une baisse de 20 %.

Si la croissance du revenu réel par tête est inférieure à 1,4 % par an, le taux de remplacement baissera spontanément de moins de 20 % et des mesures complémentaires seront donc nécessaires pour rééquilibrer les régimes de retraite.

La dégradation du taux de dépendance peut cependant être fortement atténuée si de nouvelles réformes permettent de reculer l’âge de départ à la retraite. C’est la seule solution pour équilibrer les comptes des régimes sans augmenter les cotisations ni réduire excessivement le niveau de vie des retraités par rapport à celui des actifs.  Ce recul de l’âge de la retraite n’aggravera pas durablement le chômage car, à long terme, l’emploi augmente d’autant plus que la population active s’accroît fortement.

L’économie résultant d’un recul d’un trimestre de l’âge minimal ou d’une hausse d’un trimestre de la durée de validation requise serait d’environ 1,5 Md€, soit 6,0 Md€ si cette mesure est prolongée pendant quatre ans. Les cotisations pourraient également augmenter de 6 Md€ du fait de l’augmentation du nombre de cotisants.

A)   La croissance pourrait permettre de rééquilibrer les régimes de retraite, au prix d’une baisse de 20 % du taux de remplacement

1)    La baisse de 13 % du taux de remplacement qui apparait dans le scénario C’ du COR est insuffisante pour rééquilibrer les régimes de retraite

La fiche de l’encyclopédie sur les perspectives des régimes de retraite présente, à législation constante, l’évolution de leurs principaux paramètres (taux de dépendance[1], taux de remplacement moyen[2]) et de leur solde financier dans le cadre du scénario C’ du COR. Celui-ci est caractérisé par une croissance annuelle des revenus réels d’activité par tête de 1,0 % et un taux de chômage qui se stabilise à 7,0 %. Dans ces conditions, les comptes des régimes de retraite seraient globalement déficitaires à hauteur de 1,4 point de PIB en 2060.

Source : COR, rapport de juin 2016, scénario avec croissance de 1 % par an du revenu réel par tête ; FIPECO.

Dans tous les scénarios du COR, le taux de dépendance s’accroît d’environ 20 % et, dans le scénario C’, le taux de remplacement moyen diminue de 13 % de 2015 à 2060 alors que pour maintenir un régime de retraite par répartition en équilibre, à taux de cotisation inchangé, il faut que la hausse du taux de dépendance soit exactement compensée par la baisse du taux de remplacement.

La condition d’équilibre d’un régime de retraite par répartition

Cette baisse du taux de remplacement résultera, à législation inchangée, de l’écart entre le taux de croissance des revenus d’activité et le taux d’inflation. Celui-ci sert en effet à corriger les salaires des années passées pour calculer la moyenne des 25 meilleures années ainsi que pour revaloriser les pensions. Plus la croissance économique est forte, plus la croissance des revenus d’activité est élevée en termes réels, donc supérieure à l’inflation, et plus le revenu moyen s’éloigne de la pension moyenne.

2)    Une baisse plus forte du taux de remplacement apparaît dans les scénarios conduisant à un équilibre ou un excédent des régimes de retraite

Les autres scénarios présentés par le COR sont plus optimistes s’agissant de la croissance, ce qui peut conduire à un excédent des régimes de retraite à l’horizon de 2060, mais au prix d’une baisse plus forte du taux de remplacement.

Les hypothèses et résultats des scénarios du COR

 

Scénario

A’

A

B

C

C’

Croissance du revenu réel par tête

2,0

1,8

1,5

1,3

1,0

Taux de chômage

4,5

7,0

7,0

7,0

7,0

Taux de remplacement en 2015

51,9

51,9

51,9

51,9

51,9

Taux de remplacement en 2040

40,6

41,5

43,3

44,6

47,0

Solde financier en 2040 (% du PIB)

+ 1,1

+ 0,6

+ 0,1

- 0,2

- 1,0

Taux de remplacement en 2060

35,5

36,9

39,7

41,6

45,2

Solde financier en 2060 (% du PIB)

+ 1,9

+ 1,2

+ 0,3

- 0,2

- 1,4

Source : rapport annuel de juin 2016 du COR ; FIPECO.

Dans le scénario A’, les comptes des régimes de retraite dégagent un excédent de 1,1 point de PIB en 2040 puis de 1,9 point en 2060, mais au prix d’une baisse du taux de remplacement moyen de 51,9 % en 2015 à 40,6 % en 2040 (soit – 22 %) et 35,5 % en 2060 (soit – 32 %).

Ces taux de remplacement doivent être interprétés avec précaution. En effet, le taux de 51,9 % en 2015 ne signifie pas que le niveau de vie des retraités est à peu près égal à la moitié de celui des actifs. Compte-tenu notamment des différences de taux des cotisations sociales sur les pensions et les revenus d’activité, des autres prestations sociales et des revenus du patrimoine, le COR considère que le niveau de vie moyen des retraités est égal à 105 % de celui de l’ensemble de la population en 2015. Selon les scénarios, il serait compris entre 74 et 94 % du niveau de vie moyen de la population en 2060. En outre, si le taux de remplacement baisse, les pensions augmentent néanmoins en euros et leur pouvoir d’achat est maintenu.

3)    Les comptes des régimes de retraite s’équilibrent seulement si le taux de remplacement baisse de 20 %

Il reste que les scénarios plus optimistes du point de vue de la croissance économique et des finances publiques sont caractérisés par des évolutions divergentes des niveaux de vie des actifs et des retraités, ce qui n’est pas totalement satisfaisant.

Cette divergence résulte des modalités d’indexation des salaires « portés au compte », pour faire la moyenne des 25 meilleures années, et des pensions, une fois qu’elles ont été liquidées. Au lieu de les indexer sur les prix à la consommation, comme c’est actuellement le cas, ils pourraient être indexés sur les salaires nominaux ou un indice dont l’évolution est comprise entre l’inflation et la progression des salaires nominaux.

Le taux de remplacement moyen diminuerait alors moins fortement mais, pour que les régimes de retraite ne soient pas déficitaires, il ne pourrait pas être maintenu au-dessus d’environ 40 %.

Quel que soit le scénario macroéconomique retenu et si les évolutions du taux de dépendance résultent seulement de la pyramide des âges et de la législation actuelle, ce qui est le cas dans ces projections, l’équilibre financier à long terme des régimes de retraite ne peut être obtenu que si le taux de remplacement moyen est ramené de 52 % à environ 41 %, soit une baisse de 20 % qui permet de compenser l’aggravation du taux de dépendance.

Si la croissance du revenu réel par tête est supérieure à 1,4 % par an, le taux de remplacement passe spontanément au-dessous de 40 % et des mesures peuvent être prise pour améliorer les pensions jusqu’à cette limite. Si elle est inférieure à 1,4 %, le taux de remplacement ne baisse pas assez et des mesures complémentaires sont nécessaires pour réduire les pensions.

Ces projections tiennent compte de l’accord national interprofessionnel d’octobre 2015 sur les retraites complémentaires, mais pas de la mise en œuvre du « compte pénibilité » dont le coût pour les régimes de retraite pourrait être élevé.

B)   La poursuite du recul de l’âge de départ à la retraite est nécessaire

1)    La poursuite du recul de l’âge de départ en retraite est nécessaire pour améliorer les comptes et/ou le taux de remplacement

Les évolutions du taux de dépendance, c’est-à-dire du rapport entre le nombre de retraités et le nombre de cotisants, ne résultent pas seulement de la pyramide des âges mais aussi de mesures de politique économique.

Une baisse du taux de chômage, si elle résulte d’une hausse de l’emploi, accroît le nombre de cotisants et améliore le taux de dépendance et le résultat financier. Les travaux du COR montrent toutefois que le taux de chômage a un impact relativement limité. Dans le scénario C’, s’il est relevé de 7 % à 10 %, le déficit des régimes de retraite est majoré de seulement 0,3 point de PIB à l’horizon de 2060 (une baisse du taux de chômage aurait un effet symétrique).

Un recul de l’âge de départ à la retraite aurait un impact plus important, en augmentant le nombre de cotisants et en réduisant le nombre de retraités. Après avoir été stabilisé au début des années 2000 puis avoir légèrement diminué à la fin de cette décennie sous l’effet des départs anticipés pour carrière longue, il tend désormais à augmenter, passant de 60,5 à 61,4 ans de 2008 à 2014. Les projections du COR tablent sur une poursuite de ce mouvement sous l’effet du relèvement progressif des bornes d’âge, de 60 et 65 ans à 62 ans et 67 ans, ainsi que de l’augmentation du nombre de trimestres requis pour liquider une retraite au taux plein : l’âge moyen de départ en retraite se stabiliserait, dans tous les scénarios, autour de 64 ans vers 2040, ce qui contribue à ralentir la hausse du taux de dépendance.

Dans le scénario C’, reculer cet âge de départ de 64 à 66,2 ans permettrait de ramener les comptes des régimes de retraite d’un déficit de 1,4 % du PIB à l’équilibre, à l’horizon de 2060, sans modifier les taux de remplacement et de cotisation.

Dans le scénario B, où les régimes de retraite sont à peu près à l’équilibre, un recul d’un an de l’âge de départ permettrait de relever le taux de remplacement de 2 points (soit de 40 à 42 % en 2060) en maintenant l’équilibre financier. Dans le scénario A’, le même excédent pourrait être obtenu en 2060 avec un recul de l’âge de départ d’un an et une hausse du taux de remplacement de presque 2 points (de 35,5 à 37,5 %).

2)    Il existe plusieurs moyens pour faire reculer l’âge effectif de départ

Le moyen le plus sûr de reculer l’âge de départ en retraite est de relever l’âge minimal, qui sera de 62 ans en 2017[3]. Cette mesure est toutefois plus particulièrement pénalisante pour ceux qui sont entrés tôt sur le marché du travail, qui ont eu des carrières longues et qui ont donc validé le nombre de trimestres requis pour obtenir une pension au taux plein.

Pour moins les pénaliser, il est également possible d’augmenter le nombre de trimestres requis pour liquider une pension au taux plein (172 pour les générations nées après 1973) ou encore de relever l’âge jusqu’auquel s’applique une décote lorsque le nombre de trimestres validés est insuffisant (67 ans à partir de 2017). Il n’est toutefois pas certain qu’une augmentation du nombre de trimestres requis entraîne une hausse significative de l’âge de départ, bien que l’étude des départs en retraite montre que les salariés essayent souvent d’obtenir le taux plein. Même si l’âge de départ n’augmente pas, une telle mesure permet néanmoins de réduire le déficit des régimes de retraite, à travers une baisse du taux de remplacement.

Etant donné qu’il y a près de 16 millions de retraités de droit direct et que les générations arrivant aujourd’hui à l’âge de 60 ans comprennent environ 800 000 personnes, le flux des départs en retraite représente environ 5 % du stock de retraités. Reculer l’âge de départ effectif d’un trimestre par an revient à réduire ce flux de 200 000 personnes, soit 1,25 % du stock. En supposant que la pension moyenne ne change pas, l’économie annuelle pour les régimes de retraite serait approximativement de 3 Md€[4].

Toutefois, pour reculer l’âge effectif de départ d’un trimestre par an, il faudrait prendre des mesures beaucoup plus fortes que relever d’un trimestre par an l’âge minimal ou le nombre de trimestres requis pour obtenir le taux plein. Les évolutions constatées depuis 2010 suggèrent que de telles mesures conduisent à un recul de l’âge effectif de départ d’un trimestre tous les deux ans. Dans ces conditions, l’économie résultant d’un recul d’un trimestre par an de l’âge minimal ou d’une hausse d’un trimestre par an de la durée de validation requise serait non pas de 3 Md€ mais d’environ 1,5 Md€ par an, soit 6,0 Md€ en cumul sur une période de quatre ans, ce qui est l’ordre de grandeur du déficit actuel des régimes de retraite.

3)    Un recul de l’âge de départ en retraite augmente l’emploi sur le long terme

Un recul de l’âge de départ en retraite permet de diminuer le nombre de retraités mais aussi d’augmenter le nombre de cotisants et donc les recettes des régimes de sécurité sociale. Une augmentation de 100 000 représente une hausse de 0,4 % du nombre de cotisants tous régimes confondus, soit un montant de cotisations (pour l’ensemble des branches de la protection sociale) d’environ 1,5 Md€. Un recul d’un trimestre par an de l’âge de départ minimal ou de la durée de validation requise permettrait donc de prélever 6,0 Md€ de cotisations supplémentaires si cette mesure était reconduite sur une période de quatre ans.

Encore faut-il que l’emploi augmente et que les retraités ne soient pas remplacés par des chômeurs. A court terme, c’est plutôt la demande qui détermine l’évolution des effectifs des entreprises et une hausse significative de l’emploi est donc peu probable.

A moyen et long terme, c’est l’offre de travail qui est déterminante, comme le montre le graphique suivant qui met en relation les taux de croissance de la population active et de l’emploi dans les pays de l’OCDE de 1995 à 2014. La corrélation est clairement positive : plus la population active augmente, plus l’emploi augmente. La croissance de l’emploi est quasiment égale à celle de la population active pour presque tous les pays, ce qui signifie que le taux de chômage n’a quasiment pas augmenté sur cette période et, surtout, qu’il est indépendant de l’évolution de la population active.

Les politiques malthusiennes visant une réduction de l’offre de travail, par exemple en abaissant l’âge de cessation d’activité, sont donc contre-productives à long terme.

Source : OCDE ; FIPECO. Ensemble des pays de l’OCDE, le point rouge correspondant à la France.

 

[1] Rapport du nombre de retraités au nombre de cotisants.

[2] Rapport de la pension moyenne au revenu d’activité moyen des cotisants.

[3] Le recul d’un trimestre de l’âge minimal n’entraîne cependant pas une hausse d’un trimestre de l’âge effectif moyen de départ car certaines personnes partent déjà plus tard.

[4] La pension moyenne peut augmenter un peu en raison d’un salaire de référence plus élevé et d’un plus grand nombre de trimestres validés, mais ces effets sont limités. En particulier, si on considère que les départs se font au taux plein, les trimestres travaillés en plus ne comptent pas.

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