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FIPECO le 09.10.2023

Les fiches de l’encyclopédie                                        IV) Les prélèvements obligatoires

                                                 

11) Les dépenses fiscales

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Les « dépenses fiscales », ou « niches fiscales »[1], sont constituées de dispositions législatives ou réglementaires dérogatoires par rapport à une « norme fiscale » et qui entraînent des pertes de recettes budgétaires pour l’Etat. Dans le champ de la sécurité sociale, elles ont leur pendant avec les « niches sociales » qui dérogent aux règles relatives aux prélèvements sociaux.

Cette définition pose d’importantes difficultés d’application et le chiffrage du coût des niches fiscales est souvent incertain. Il n’en demeure pas moins que leur coût total est manifestement très élevé. Après des développements sur leur définition et leur coût, cette fiche expose les particularités de la gestion des dépenses fiscales.

A) La définition

1) La norme fiscale de référence

Pour déterminer si une disposition législative ou réglementaire constitue ou non une niche fiscale, il faut connaître la norme fiscale applicable à laquelle elle pourrait déroger. Il faut donc d’abord définir cette norme fiscale.

Dans son rapport sur les finances publiques de juin 2010, la Cour des comptes avait constaté que cette définition de la norme fiscale était inexistante. Le rapport annexé au projet de loi de finances (PLF) qui est consacré aux dépenses fiscales, le « tome II des voies et moyens », présente désormais une définition de la norme retenue pour chaque impôt d’État.

La Cour a toutefois relevé que cette définition et l’utilisation qui en était faite pour établir la liste des niches fiscales figurant dans ce tome II des voies et moyens restait discutable. Les procédures suivies pour dresser cette liste, entièrement internes au ministère des finances, devraient être améliorées pour que sa pertinence soit garantie.

On peut ainsi s’interroger, par exemple, sur les raisons pour lesquelles l’application du taux réduit de TVA de 10 % aux cantines d’entreprise, aux campings ou aux expositions culturelles constitue une dépense fiscale alors que l’application du taux de 5,5 % aux cantines scolaires, aux transports de voyageurs et aux livres n’en constituent pas. On peut aussi noter que l’exonération du kérosène consommé par l’aviation commerciale au titre des accises sur l’énergie ou encore le régime particulier de l’assurance-vie au regard des droits de succession ne figurent pas sur la liste des dépenses fiscales.

La définition de la norme de référence est toutefois très difficile car elle renvoie à des conceptions de la fiscalité parfois divergentes. La question de savoir, par exemple, si le « quotient familial », utilisé pour moduler l’impôt sur le revenu en fonction de la taille du ménage, est ou non une niche peut être longuement débattue sans qu’aucune conclusion en soit tirée (le quotient familial n’est pas sur la liste actuelle des dépenses fiscales, mais il y figurait dans le passé).

2) La liste des dépenses fiscales

Sont considérées en pratique comme des niches fiscales les dispositifs figurant sur la liste du tome II du rapport sur les voies et moyens annexé au projet de loi de finances (PLF).

Le rapport annexé au PLF pour 2024 recense 467 niches (465 dans le PLF précédent) dont 60 sont en cours d’extinction mais continuent à avoir un impact budgétaire. Leur nombre était d’environ 400 au début des années 2000 puis a dépassé 500 à la fin de la décennie pour revenir ensuite vers 450 et remonter récemment (le PLF pour 2017 listait 451 niches).

3) Les diverses formes de dépenses fiscales

Les dépenses fiscales peuvent prendre diverses formes dont les principales sont les suivantes.

Certains revenus, certaines activités, certains actifs ou certains contribuables font l’objet d’une « exonération » au titre d’un impôt. Ils peuvent bénéficier d’un « taux réduit ». Une « franchise » exonère les activités ou les revenus dont le montant est inférieur à un seuil. Certains revenus ou éléments d’actifs peuvent donner lieu à un « abattement », en pourcentage de leur montant ou en euros.

La « déduction » de dépenses particulières du revenu imposable peut être autorisée, souvent dans une limite fixée en euros ou en pourcentage du revenu imposable avant cette déduction.

Le quotient familial n’est pas une niche fiscale, mais certaines « demi-parts supplémentaires » constituent des dépenses fiscales.

Une « réduction d’impôt », en euros ou en pourcentage d’une dépense particulière, celle-ci étant elle-même plafonnée en euros ou en fonction du revenu du contribuable, peut être attribuée. Une réduction d’impôt ne peut pas être supérieure au montant de l’impôt dû avant imputation de cette réduction. Si elle est supérieure, elle est elle-même réduite de sorte que son montant soit exactement égal à l’impôt dû avant réduction.

Un « crédit d’impôt » se distingue d’une réduction d’impôt par le fait que son montant peut être supérieur à celui de l’impôt dû. Le cas échéant, la part du crédit d’impôt qui dépasse le montant de l’impôt dû est remboursée par le trésor public au contribuable. Un crédit d’impôt est donc indépendant de l’impôt auquel il s’applique. En comptabilité nationale, un crédit d’impôt ainsi « restituable » est une dépense publique, contrairement à une réduction d’impôt (dite « non restituable » en comptabilité nationale).

B) Le coût budgétaire

Le tome II du rapport sur les voies et moyens du PLF 2024 présente le coût budgétaire individuel de 403 niches fiscales (sur 467) et la somme de ces coûts. Ce total est fortement dépendant de la pertinence de la liste et du partage entre les dépenses fiscales qui peuvent être estimées et celles qui ne le peuvent pas. La fragilité des méthodes de chiffrage s’ajoute à ces éléments d’incertitude.

1) Les méthodes de chiffrage

La possibilité de chiffrer une dépense fiscale et la précision de ce chiffrage dépendent beaucoup de la forme qu’elle prend.

Le coût des crédits d’impôts est facile à évaluer. Il suffit en effet de prendre les déclarations des contribuables et de totaliser les crédits d’impôts qu’ils réclament et qui leur sont accordés.

Le chiffrage du coût des réductions d’impôt est plus difficile car, pour chaque contribuable, son montant est plafonné par celui de l’impôt dû avant réduction. L’administration doit donc, pour chaque contribuable figurant dans le fichier exhaustif des déclarations ou dans un échantillon représentatif, procéder à une « simulation » consistant à calculer l’impôt dû avant la réduction d’impôt puis l’impôt dû après la réduction, dont le montant est éventuellement plafonné. Le coût de la réduction pour chaque contribuable est la différence entre les résultats de ces deux calculs et le coût pour l’État est la somme des coûts par contribuable.

Le coût d’un abattement, d’une déduction ou d’une demi-part supplémentaire pour un contribuable donné dépend du taux d’imposition auquel il est soumis, donc de la tranche du barème dans laquelle se situe son revenu fiscal. Pour le chiffrer, il faut de nouveau simuler l’impôt dû avant et après application de la disposition fiscale visée, pour chaque contribuable, puis totaliser les coûts par contribuable.

Les revenus, activités ou actifs exonérés, ou se situant sous les franchises, sont rarement renseignés dans les déclarations fiscales et le chiffrage du coût de ces exonérations et franchises est souvent très difficile, voire impossible. Il faut estimer le montant exonéré sur la base d’autres données fiscales ou de statistiques telles que les comptes nationaux, puis lui appliquer le taux d’imposition auquel il aurait été soumis s’il n’avait pas été exonéré. Dans le cas d’un barème, il est souvent recouru en pratique à un taux moyen qui ne peut pas toujours être représentatif du taux auquel ces revenus ou activités auraient été soumis.

Le chiffrage du coût d’un taux réduit de TVA appliqué à une activité particulière n’est pas facile car, d’une part, les entreprises ont souvent plusieurs activités et ne sont tenues que de déclarer le chiffre d’affaires global soumis à un même taux, sans le ventiler par activité ; d’autre part, les ventes soumises à un taux réduit peuvent être destinées à d’autres entreprises, qui elles-mêmes se font rembourser cette TVA, alors qu’il faudrait connaître les seules ventes à destination des ménages. Le coût des taux réduits par activité n’est donc pas estimé sur la base des déclarations fiscales mais sur celle des statistiques de consommation (ou d’achats de logements). Celles-ci ne permettent cependant pas de mesurer avec une précision suffisante le montant de certains achats très particuliers mais bénéficiant d’un taux réduit.

Ces estimations sont toujours faites en supposant que les comportements des contribuables ne changent pas du fait de la modification d’une dépense fiscale (la justification de cette convention est donnée dans la fiche sur les prévisions de recettes).

Sur les 403 niches fiscales faisant l’objet d’un chiffrage dans le PLF pour 2024, il s’agit seulement d’un ordre de grandeur pour 129 d’entre elles. Ces chiffrages sont réalisés par la direction de la législation fiscale, qui en délègue certains à d’autres services du ministère des finances, sans contre-expertise externe.

2) Le changement de méthode du PLF pour 2024

Le coût des dépenses fiscales relatives à la TVA a été ramené d’environ 20 Md€ dans les PLF précédents à environ 10 Md€ dans celui pour 2024 au motif que l’Etat reverse la moitié du produit de la TVA à des administrations sociales et locales et que le coût des dépenses fiscales correspond seulement à celui qui est supporté par l’Etat.

Ce changement de méthode est très contestable. En effet, le coût de ces dispositifs est bien supporté par l’Etat. En outre, le coût pour l’ensemble des administrations publiques est bien d’environ 20 Md€ et c’est ce montant qui est le plus intéressant. De plus, cette nouvelle méthode n’est pas appliquée aux autres impôts partiellement rétrocédés à des collectivités locales, ce qui n’est pas cohérent. Enfin, le ministère des finances ne publiant pas de série des dépenses fiscales pour les années passées estimées avec cette nouvelle méthode, les coûts des dépenses fiscales apparaissant dans le PLF pour 2024 et dans les PLF précédents ne sont pas comparables. Une note publiée sur ce site expose plus précisément ce changement de méthode et les critiques dont il peut faire l’objet.

Dans la suite de cette fiche, le coût des dépenses fiscales relatives à la TVA pour l’ensemble des administrations publiques est retenu. Les montants donnés pour ces dispositifs et pour le coût total des dépenses fiscales diffèrent donc de ceux qui figurent dans le PLF pour 2024.

3) Le coût en 2022

En 2022, le coût des dépenses fiscales s’élève à 95,5 Md€ (contre 85,6 Md€ dans le PLF avec la nouvelle méthode de calcul des dépenses fiscales relatives à la TVA). Hors CICE, il est de 90,0 Md€.

Les principaux impôts concernés sont l’impôt sur le revenu pour 36,6 Md€, les impôts portant à la fois sur le revenu des ménages et sur les bénéfices des sociétés (bénéfices industriels et commerciaux, agricoles et non commerciaux) pour 13,1 Md€, l’impôt sur les sociétés pour 7,4 Md€, la TVA pour 20,2 Md€ et les accises sur les produits énergétiques pour 7,5 Md€.

Les dépenses fiscales les plus coûteuses en 2022 sont : le crédit d’impôt en faveur de la recherche (7,2 Md€), le crédit d’impôt en faveur de l’emploi de salariés à domicile (5,7 Md€), le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (5,5 Md€)[2], l’abattement de 10 % sur le montant des pensions et retraites (4,4 Md€), le taux réduit de TVA appliqué aux travaux d’entretien du logement hors rénovation énergétique (4,4 Md€), le remplacement de l’impôt sur les sociétés par un prélèvement forfaitaire en fonction du tonnage des navires dont bénéficient 57 entreprises de transport maritime (3,8 Md€), le taux réduit de TVA appliqué à la restauration sur place (3,1 Md€) et les taux réduits appliqués dans les DOM (3,4 Md€), l’exonération des aides attribuées aux entreprises par le fonds de solidarité pendant la crise (3,0 Md€) et des sommes versées au titre de l’intéressement, de la participation ou de l’épargne salariale (2,6 Md€).

4) Les prévisions pour 2023

Les prévisions du coût des dépenses fiscales sont fragiles et celles du ministère des finances ont souvent sous-estimé leur dynamisme. Sous cette réserve, ce coût diminuerait de 2,8 Md€ en 2023 pour revenir à 92,7 Md€ (81,3 Md€ dans le PLF avec la nouvelle méthode concernant la TVA). Hors CICE, il augmenterait toutefois de 1,5 Md€ pour atteindre 91,5 Md€.

Le coût de l’exonération des aides attribuées par le fonds de solidarité devrait fortement diminuer (- 3,0 Md€), de même que celui du CICE (- 4,3 Md€), tandis que celui du régime spécial des entreprises de transport maritime devrait fortement augmenter (+ 1,8 Md€).

5) L’évolution sur longue période

Il arrive que des mesures soient retirées de la liste des dépenses fiscales, alors qu’elles existent toujours, et que d’autres y soient ajoutées, alors qu’elles existaient déjà auparavant. En outre, les méthodes de chiffrage ont parfois changé. L’évolution des coûts figurant dans les rapports annexés aux lois de finances successives n’a donc guère de signification et doit être corrigée pour présenter une évolution du coût des dépenses fiscales à format (périmètre et méthodes) constant, ce qui a été fait ici pour obtenir une série cohérente avec la liste du projet de loi de finances pour 2024 (format PLF 2024), à l’exception des mesures relatives à la TVA (cf. ci-dessus).

Les évolutions qui en résultent doivent néanmoins être considérées avec précaution car, outre la fragilité intrinsèque des chiffrages, elles sont affectées dans des proportions indéterminées par des changements de méthode de chiffrage de certaines mesures particulières (utilisation de nouvelles sources par exemple).

Sources : rapports annexés aux projets de loi de finances (le coût figurant dans le PLF 2024 pour 2022 et 2023 a été corrigé pour intégrer le coût total des dépenses fiscales relatives à la TVA) ; FIPECO.

Sous ces réserves, il en ressort un doublement du coût des niches fiscales entre 2003 et 2009, qui tient surtout aux crédits d’impôt, et qui correspond à la mise en place de normes contraignantes sur les dépenses budgétaires. Ensuite, les dépenses fiscales ont été encadrées par des règles (cf. plus loin) et on observe une quasi-stabilisation jusqu’à 2013. Une nouvelle hausse est constatée à partir de 2014. Elle est surtout due à la mise en œuvre du CICE mais pas seulement car le coût des dépenses fiscales hors CICE s’accroît aussi à partir de 2016.

Les dépenses fiscales ont représenté 3,0 % du PIB en 2000, puis 3,6 % en 2010, 3,3 % en 2017 et 3,4 % en 2022.

6) Les comparaisons internationales

La notion de « tax expenditures » est apparue aux États-Unis et en Allemagne à la fin des années soixante dans la documentation budgétaire et beaucoup de pays présentent désormais des rapports sur les dépenses fiscales. Elles sont partout définies comme des dérogations à des normes fiscales qui elles-mêmes ne sont pas toujours précisément définies et, lorsqu’elles le sont, il apparait qu’elles sont parfois très différentes selon les pays. En outre, le champ des impôts concernés est variable. Les comparaisons internationales sont donc très délicates.

Dans l’Union européenne, une directive de 2011 avait obligé les États membres à communiquer des informations sur leurs dépenses fiscales à la Commission européenne. Le rapport rendu en 2014 par celle-ci rappelle les difficultés méthodologiques exposées ci-dessus. Il en ressort que deux ensembles de pays se distinguent s’agissant des dépenses fiscales relatives aux impôts sur le revenu et les bénéfices des sociétés : dans le premier, qui comprend notamment l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni, elles représentaient de 5 à 8 % du PIB ; dans le deuxième, qui comprend notamment la France, l’Allemagne ou les Pays-Bas, elles ne représentaient que de 1 à 3 % du PIB. Ce rapport ne précisait cependant pas dans quelle mesure les écarts entre ces deux groupes tenaient à la définition de la norme de référence, ce qui limite beaucoup la pertinence de ces comparaisons.

Le FMI a publié en novembre 2022 une note sur l’évaluation des dépenses fiscales. Il en ressort que, d’après les estimations nationales et avec toutes les réserves précédentes, elles représentaient en moyenne à peu près 4 % du PIB des pays, avancés ou non, qui publient cette information. Si la France se situe aux environs de la moyenne au regard de cet indicateur, elle est au deuxième rang pour le nombre de dépenses fiscales identifiées dans les années 2016 à 2018 (derrière la Grèce).

Un « tax expenditures lab » basé en Suisse publie désormais une base de données sur les dépenses fiscales dans un grand nombre de pays du monde avec leurs principales caractéristiques telles qu’elles figurent dans les rapports nationaux et de premiers éléments d’analyse critique. Un indicateur synthétique de la qualité des informations fournies dans ces rapports est construit et il situe la France au cinquième rang, derrière la Corée du sud, le Canada, les Pays-Bas et l’Allemagne.

C) La gestion

1) La gestion budgétaire des dépenses fiscales

Les dépenses fiscales sont rattachées à des « programmes » au sens de la comptabilité budgétaire, parfois de manière assez artificielle. Les responsables des programmes ont toutefois peu de prise sur les dépenses fiscales qui leur sont rattachées. Leur coût, en prévision ou en exécution, est estimé par la direction de la législation fiscale du ministère des finances qui dispose des bases de données fiscales et des outils de simulation nécessaires, qui peut éventuellement utiliser les statistiques publiques disponibles et qui coopère relativement peu avec les autres services administratifs. Il n’y a aucun suivi possible et aucune possibilité de régulation en cours d’année de leur montant, qui est seulement constaté l’année suivante après que les contribuables ont déposé leurs déclarations. Le coût des dépenses fiscales associées représente pourtant parfois plus de la moitié des crédits budgétaires des missions budgétaires, voire plus que 100 % de ces crédits (jusqu’à 163 % pour la mission Economie et 215 % pour la mission Outre-mer dans le PLF 2024).

Il existe des « conférences fiscales », analogues aux « conférences budgétaires », qui rassemblent la direction de la législation fiscale, la direction du budget et les responsables de missions ou programmes pour examiner l’évolution des dépenses fiscales et proposer des suppressions, modifications ou créations dans la prochaine loi de finances. Les résultats de ces conférences sont toutefois assez limités, les décisions fiscales résultant beaucoup plus des négociations entre les ministres, ou leurs cabinets, le Parlement et les groupes de pression.

2) Les règles budgétaires encadrant l’évolution des dépenses fiscales

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 a instauré une « règle de gage » selon laquelle le coût des créations et extensions de niches fiscales devait être compensé par le gain tiré de la réduction ou de la suppression d’autres niches. La loi de programmation pour la période 2011-2014 l’a transformée en une « règle de gel » en valeur du coût total des dépenses fiscales. Une telle stabilisation en valeur imposait que la « croissance spontanée », c’est-à-dire à législation constante, du coût des dépenses fiscales fusse compensée par la diminution ou la suppression de certaines niches.

Les dispositions législatives nouvelles peuvent être ajustées pour respecter ces plafonds en loi de finance initiale (LFI), mais il n’existe aucun moyen d’empêcher leur dépassement en exécution si la croissance spontanée des dépenses fiscales ou le coût des mesures nouvelles est supérieur aux prévisions de la LFI. En dépit de cette faiblesse des règles encadrant l’évolution des dépenses fiscales, elles ont eu une certaine efficacité dans la période 2009-2013, la forte croissance des années 2000 ayant fait place à une quasi-stabilisation en valeur.

La loi de programmation pour la période 2014-2019, a fixé un plafond en euros au montant des dépenses fiscales de chaque année qui augmentait pour tenir compte de la montée en charge du CICE et qui a été dépassé en 2017.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a fixé un plafond au coût des niches fiscales qui est exprimé non plus en euros mais en pourcentage du montant des recettes fiscales nettes de l’Etat majoré du coût des dépenses fiscales (28 % pour 2018 et 2019, puis 27 % en 2020, 26 % en 2021 et 25 % en 2022). Ces plafonds annuels ont été fixés à un niveau élevé et facile à respecter.

La loi de programmation pour les années 2022 à 2027 prévoit en son article 6 que les mesures législatives nouvelles ne pourront pas contribuer à augmenter le coût total des dépenses fiscales de plus de 0,5 Md€ par an à partir de 2024, ce qui n’est pas vraiment contraignant. En outre, il fixe la durée de vie des nouvelles niches fiscales à quatre ans au plus, mais rien n’empêche le Parlement de voter une nouvelle dépense fiscale identique à la précédente à l’expiration de ces quatre années, ce qui arrive souvent.

3) L’évaluation des dépenses fiscales

Un rapport d’information de la commission des finances de l’Assemblée nationale, en 2008, et un rapport du conseil des prélèvements obligatoires, en 2010, ont souligné le caractère embryonnaire de l’évaluation des dépenses fiscales, souvent reconduites sans la moindre analyse de leur efficience. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 a prévu leur évaluation systématique.

Celle-ci a été réalisée sous l’autorité de l’inspection générale des finances qui a rendu en 2011 un rapport couvrant 315 niches. Leur efficience a été notée sur une échelle allant de 0 (mesure inefficiente) à 3 (mesure très efficiente). Le coût des mesures notées 0 ou 1 représentait plus des deux tiers du coût total de l’ensemble mesures évaluées. Ces dispositifs inefficients ou peu efficients ont presque tous été maintenus jusqu’à présent.

Les lois de programmation suivantes ont prescrit des évaluations périodiques de toutes les dépenses fiscales, mais elles n’ont porté en pratique que sur quelques-unes d’entre elles.

 

[1] L’expression « niches fiscales » est souvent employée pour désigner les dépenses fiscales relatives aux seuls impôts sur le revenu des ménages et sur les bénéfices des sociétés. Les deux expressions sont utilisées indifféremment dans cette fiche.

[2] Le CICE a été supprimé en 2019 mais continue à être remboursé aux sociétés sur les salaires d’avant 2019.

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