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FIPECO le 23.10.2023                                                                       

Les fiches de l’encyclopédie                                                          I) Les comptes publics

9) Les comptes combinés des participations de l’Etat

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Les « entreprises publiques » sont, pour l’Insee, des entreprises sur lesquelles l’Etat peut exercer, directement ou indirectement, une influence dominante en disposant de la majorité du capital ou de la majorité des voix dans les instances de direction, quel que soit le statut juridique de ces entreprises (sociétés ou établissement public notamment)[1]. L’Insee recensait 2 000 sociétés contrôlées par l’Etat, directement ou indirectement, en 2019. Celles-ci employaient 783 000 personnes, soit 3,1 % de l’emploi salarié (public et privé) en France (contre près de 15 % en 1985). Ce ratio situait la France au 5ème rang des 40 pays retenus par l’OCDE dans sa dernière étude (en 2017) sur les entreprises publiques.

Il n’existe pas de comptes agrégeant les comptes individuels de ces entreprises publiques ou les consolidant avec ceux de l’Etat. Les seuls documents comptables donnant une vision d’ensemble des comptes des entreprises sur lesquelles l’Etat peut exercer une influence sont les « comptes combinés des participations de l’Etat » établis par l’agence des participations de l’Etat (APE), qui est un service du ministère des finances. Ils sont publiés dans le rapport financier de l’APE et leurs principaux résultats sont présentés dans son rapport d’activité.

Si le droit des sociétés distingue les filiales des participations par le taux de détention du capital (plus de 50 % pour les premières et de 10 à 50 % pour les deuxièmes), les participations dont il s’agit ici désignent des entités sur lesquelles l’Etat exerce une influence significative indépendamment de la part du capital qu’il détient[2].

Cette fiche présente les principales caractéristiques de ces comptes combinés et l’image qu’ils donnent des participations de l’Etat pour 2022 et les années précédentes.

A) Les principales caractéristiques

Les comptes combinés d’un ensemble d’entreprises se distinguent des « comptes consolidés » d’un groupe d’entreprises essentiellement par l’absence de prise en compte de la « société-mère » qui serait, en l’espèce, l’Etat. Pour le reste, les techniques de combinaison et de consolidation sont semblables. Le projet d’établir des comptes consolidés de l’Etat existe depuis longtemps mais n’a jamais connu un début de mise en œuvre.

Les sociétés (comme EDF) ou les établissements publics (comme la SNCF jusqu’à 2020) dans lesquels l’Etat détient une participation ou qu’il possède sont généralement eux-mêmes à la tête d’un groupe dont ils consolident les comptes. Les comptes consolidés de ces entités sont « globalement intégrés » dans les comptes combinés lorsqu’elles sont contrôlées par l’Etat, ce qui signifie que les créances et dettes réciproques et les flux de produits et charges entre les entités du périmètre de combinaison sont neutralisées.

Ils sont « mis en équivalence » dans les comptes combinés lorsque l’Etat dispose seulement d’une influence notable, qui est présumée lorsqu’il dispose d’au moins 20 % des droits de vote ou siège dans un comité ayant un pouvoir significatif. La mise en équivalence consiste à seulement prendre en compte les fonds propres et les résultats de ces entités dans les comptes combinés au prorata de la quote-part de l’Etat dans leur capital.

Les comptes combinés ne retiennent que des sociétés ou des établissements publics sur lesquels l’Etat exerce une influence et dont l’activité principale est marchande. Ceux qui ont une activité principalement non marchande sont les « opérateurs » de l’Etat pour lequel ils assurent généralement une mission de service public[3].

En raison de l’indépendance que leurs statuts leur confèrent, ni la Banque de France ni la Caisse des dépôts et consignations ne sont comprises dans le périmètre des comptes combinés. En revanche, le groupe BPI France, détenu par l’Etat à parité avec la Caisse des dépôts et consignations, y est inclus.

En pratique, le périmètre des comptes combinés correspond à l’ensemble des entités « significatives » relevant du domaine de compétence de l’agence des participations de l’Etat tel que défini dans le décret, modifié, qui l’a créée.

Les entreprises dont les comptes de 2022 ont été combinés sont au nombre de 56, incluses dans les 85 entités qui relèvent de la compétence de l’APE. Les principales, en termes de chiffre d’affaires, sont indiquées dans le tableau ci-dessous (hors établissements financiers).

Les principales participations de l’Etat fin 2022

Entreprise

Part Etat du capital (%)

Chiffre d’affaires (Md€)

Résultat net part du groupe (Md€)

EDF

80,2

143

- 17,9

Engie

23,6

94

0,2

Airbus

10,9

59

4,2

Renault

15,0

46

- 0,3

Orange

13,4

43

2,1

SNCF

100

41

2,4

La Poste

34,0

27

1,2

Air France KLM

28,6

26

0,7

Safran

11,2

20

- 2,5

Thalès

25,7

18

1,1

Source : APE ; FIPECO.

Ces comptes combinés sont établis par l’agence des participations de l’Etat sur la base d’un « manuel de combinaison » qui en précise les principes et méthodes en se référant aux normes comptables IFRS. Ils font l’objet d’un avis d’un groupe de quatre personnalités indépendantes et qualifiées.

Il y avait 10 entreprises cotées et leur valorisation boursière s’élevait à 50 Md€ au 30 juin 2023, en hausse de 28 % sur un an hors EDF (retiré de la cote en 2023), contre une hausse de 25 % pour le CAC 40. Le secteur de l’énergie représentait 19 % de ce portefeuille et l’aéronautique / défense 52 %. Ces entreprises sont de grosses émettrices d’obligations dont la notation par les agences est majorée pour tenir compte du soutien de l’Etat.

B) Les derniers comptes combinés

1) Les comptes de 2022

Les principaux éléments de la situation financière des participations de l’Etat ainsi combinées à la fin de 2022 sont : un total du bilan de 733 Md€, dont 527 Md€ d’actifs non courants et 313 Md€ de passifs non courants, et 145 Md€ de capitaux propres (146 Md€ fin 2021).

Le bilan au 31 décembre 2022 (Md€)

Actif

 

Passif

 

 

 

Capitaux propres

145

Actifs non courants dont :

Immobilisations corporelles

Actifs financiers

Titres mis en équivalence

527

307

105

58

Passifs non courants dont :

Passifs financiers

Provisions

313

165

102

Actifs courants dont :

Créances d’exploitation

205

58

Passifs courants dont :

Dettes d’exploitation

275

41

Actifs détenus en vue de la vente

0

Passifs liés aux actifs détenus en vue de la vente

0

Total actifs

733

Total passifs

733

Source : APE ; FIPECO.

Les principaux éléments du compte de résultat combiné de 2022 sont : un chiffre d’affaires de 207 Md€ (141 Md€ en 2021), une perte opérationnelle de 14 Md€ (gain de 8 Md€ en 2021), une charge financière nette de 5 Md€ (1 Md€ en 2021) et un résultat net part du groupe négatif de – 13 Md€ Md€ (+ 9 Md€ en 2021).

Le compte de résultat de 2022 (Md€)

Charges

 

Produits

 

Personnel

Achats et charges externes

40

168

Chiffre d’affaires

 

207

 

Résultat opérationnel

         - 14

 

 

Résultat financier

- 5

 

 

Résultat avant impôt

          - 19

 

 

Impôts sur les bénéfices différés et exigibles

+ 3

 

 

Résultat des sociétés mises en équivalence ou en cours de cession

+ 4

 

 

Résultat net part du groupe

          - 13

 

 

Source : APE ; FIPECO.

2) Les performances financières depuis 2007

Les rapports annuels relatifs à l’Etat actionnaire et les programmes annuels de performance du compte d’affectation spéciale des participations financières de l’Etat, qui enregistre les opérations en capital (acquisitions et cessions de titres…) entre celui-ci et les entités où il détient une participation, présentent plusieurs indicateurs financiers qui permettent d’apprécier les performances financières de l’Etat actionnaire. Toutefois, ces indicateurs n’ont pas toujours été les mêmes et leur méthode de calcul a parfois changé depuis 2007. Ces rapports donnent la valeur de ces indicateurs pour l’année passée et leur valeur « pro forma » pour l’année précédente, mais rarement une série plus longue à méthodologie constante.

Les indicateurs retenus ici sont des ratios, moins sensibles aux variations du périmètre des entreprises dont les comptes sont combinés, qui ont pour caractéristiques de figurer dans ces rapports depuis 2007, ou de pouvoir être reconstitués avec les données qui y figurent, et de ne pas avoir été affectés par des changements méthodologiques trop importants au vu des écart entre leurs valeurs courantes et pro forma.

Trois ratios ont été retenus : la rentabilité financière, définie comme le rapport du résultat net part du « groupe Etat » au montant des capitaux propres (hors intérêts minoritaires) ; le taux de distribution, défini comme le rapport entre les dividendes versés à l’Etat (y compris en titres) et le résultat net part du groupe de l’année précédente ; le taux d’endettement, défini comme le rapport entre la dette financière nette et le montant des capitaux propres.

Ces ratios pouvaient être comparés à des ratios semblables publiés par les cabinets Ricol Lasteyrie puis Ernst and Young dans leurs « profils financiers » annuels des sociétés du CAC 40 jusqu’à 2021. Ces comparaisons doivent néanmoins être considérées avec précaution dans la mesure où les participations de l’Etat sont concentrées sur certains secteurs particuliers comme l’énergie et l’aéronautique. A partir de 2022, seul le taux de distribution a pu être trouvé dans cette publication sur les trois ratios définis ci-dessus.

Sources : Rapports annuels relatifs à l’Etat actionnaire ; « profils financiers du CAC 40 » des cabinets Ricol et Lasteyrie puis Ernst and Young ; FIPECO.

Sources : Sources : Rapports annuels relatifs à l’Etat actionnaire ; « profils financiers du CAC 40 » des cabinets Ricol et Lasteyrie puis Ernst and Young ; FIPECO. Les taux de distribution des participations de l’Etat en 2016 et 2021 sur ce graphique sont conventionnels car l’Etat a reçu des dividendes en 2016 et 2021 sur des résultats nets 2015 et 2020 qui étaient négatifs.

Sources : Sources : Rapports annuels relatifs à l’Etat actionnaire ; « profils financiers du CAC 40 » des cabinets Ricol et Lasteyrie puis Ernst and Young ; Hors banques et assurances ; FIPECO.

a) Les années 2007 à 2010

Les performances des entreprises dont l’Etat est actionnaire ont été plutôt satisfaisantes dans les années 2007 à 2010 par rapport à celles des sociétés du CAC40.

La rentabilité financière des participations de l’Etat s’est élevée à 16 % en moyenne annuelle, nettement au-dessus de celle des sociétés du CAC 40 (10 %).

L’Etat a reçu de 2008 à 2011 en moyenne 45 % du résultat net part du groupe de l’année précédente sous forme de dividendes, soit autant que les actionnaires du CAC 40 (44 %)[4].

Les sociétés dans lesquelles l’Etat détient une participation étaient toutefois beaucoup plus endettées que celles du CAC 40 (hors banques et assurances) en pourcentage de leurs capitaux propres. De 2007 à 2010, leur taux d’endettement a diminué, passant de 125 à 100 %, de même que celui des sociétés du CAC40 (hors banques et assurances), qui est passé de 32 à 28 % environ (médiane hors banques et assurances).

b) Les années 2011 à 2015

Les performances des entreprises dans lesquelles l’Etat détient une participation se sont fortement dégradées au cours des années 2011 à 2015.

Leur rentabilité financière est tombée à 2 % en moyenne, avec même un taux négatif (-11 %) en 2015 largement imputable à la SNCF, soit nettement au-dessous de celle des sociétés du CAC 40 (7 %).

L’Etat a néanmoins reçu 99 % du résultat de ses participations sous forme de dividendes, contre 45 % pour les actionnaires des sociétés du CAC 40, et ainsi fragilisé leur situation financière, même si une partie de ces dividendes a été versée en actions. L’Etat a notamment prélevé 3,5 Md€ de dividendes en 2016 sur un résultat 2015 négatif (- 10 Md€).

Le taux d’endettement est en conséquence remonté jusqu’à 150 % en 2015 tandis que celui du CAC 40 diminuait de 28 à 20 % (médiane hors banques et assurances).

c) Les années 2016 à 2019

Au cours des années 2016 à 2019, les performances financières des participations de l’Etat ont été meilleures et la politique de dividendes de l’Etat a été plus favorable à leur structure de bilan qui s’est améliorée.

La rentabilité financière des sociétés dont l’Etat est actionnaire est remontée à 7,0 % en moyenne sur 2016-2019, contre 8,8 % pour celle des sociétés du CAC 40.

L’Etat a reçu de 2017 à 2019 des dividendes, en partie en actions, qui représentaient en moyenne 36 % des résultats nets parts du groupe de 2016 à 2018, contre 43 % pour les actionnaires des sociétés du CAC 40.

L’endettement net des participations de l’Etat a été ramené à 109 % des capitaux propres en 2019, mais restait de très loin supérieur à celui des sociétés du CAC 40 qui était compris entre 16 et 20 % (pour la médiane hors banques et assurances).

d) L’année 2020

Le résultat net et la rentabilité financière des sociétés dont l’Etat est actionnaire ont été négatifs en 2020 (- 5,1 %), du fait principalement de la crise, alors que la rentabilité financière des sociétés du CAC 40 est restée positive (+ 3,7 %).

Les dividendes reçus par l’Etat en 2020 ont été quasiment nuls alors qu’ils ont représenté 51 % du résultat net de 2019 des sociétés du CAC 40.

Grâce notamment à la reprise par l’Etat de 25 Md€ de dettes de la SNCF, à laquelle s’est ajoutée une dotation de 4 Md€ en capital, les capitaux propres des sociétés dont l’Etat est actionnaires ont été accrus et leur endettement net a été réduit si bien que celui-ci a été ramené à 91 % des capitaux propres. Ce ratio était stabilisé à 19 % à la fin de 2020 pour ce qui concerne les sociétés du CAC 40.

e) L’année 2021

Le résultat net et la rentabilité financière des sociétés dont l’Etat est actionnaire sont redevenus positifs en 2021 (7,0 % pour la rentabilité financière) tandis que la rentabilité financière des sociétés du CAC 40 atteignait un niveau de 14,2 % inédit depuis 2007.

L’Etat a reçu 2,1 Md€ de dividendes en 2021 alors que le résultat net des sociétés dont il est actionnaire était négatif en 2020. Les dividendes versés par les sociétés du CAC 40 ont représenté 44 % de leur résultat de 2020.

La structure financière des sociétés dont l’Etat est actionnaire a continué à s’améliorer en 2021 avec un endettement net ramené à 82 % des capitaux propres. Il en a été de même pour les sociétés du CAC 40 dont l’endettement net a diminué jusqu’à 14 % des capitaux propres.

f) L’année 2022

Le résultat net et la rentabilité financière des sociétés dont l’Etat est actionnaire ont été très négatifs en 2022 (- 9,5 %), du fait principalement des pertes enregistrées par EDF. L’Etat a reçu 2,3 Md€ de dividendes, soit 25 % du résultat net de l’année 2021 (46 % pour les sociétés du CAC 40). Malgré une reprise de dettes de la SNCF et une augmentation du capital d’EDF par l’Etat, la structure financière des sociétés dont l’Etat est actionnaire s’est de nouveau dégradée en 2022 avec un endettement net revenu à 98 % des capitaux propres.

 

[1] Cette définition est proche de celle que donne la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les Etats membres et les entreprises publiques.

[2] Les établissements publics, comme la SNCF jusqu’à 2020, n’ont d’ailleurs pas de capital social.

[3] Certains de ces opérateurs détiennent eux-mêmes des participations dans des sociétés du secteur marchand.

[4] Médiane du montant des dividendes rapporté au montant du résultat net part du groupe pour l’ensemble des entités prises en compte.

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