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FIPECO le 17.03.2024

Les fiches de l’encyclopédie                                VIII) Assurances sociales et redistribution

                               

7) La politique familiale

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Les dépenses publiques et les avantages fiscaux ne sont pris en compte dans cette fiche que si leur montant dépend du nombre d’enfants dans le foyer concerné et si elles relèvent ainsi de la politique familiale. En sont donc exclus les dispositifs sociaux et fiscaux en faveur, par exemple, des ascendants ou des jeunes adultes étudiants.

Le périmètre ainsi défini de la politique familiale reste imprécis car de nombreuses prestations sociales (pensions de retraite, allocations de logement…) varient en fonction du nombre d’enfants tout en ayant d’autres finalités que l’aide aux familles et il n’est pas toujours aisé de mesurer la part de ces dépenses qui relève de la politique familiale.

Sous cette réserve, les « comptes de la protection sociale » permettent de connaître les dépenses les plus directement associées à la politique familiale sur ce périmètre, qui sont principalement celles du « risque famille » de la sécurité sociale. Des comparaisons internationales sont possibles sur un champ relativement proche.

Un rapport « jaune » annexé au projet de loi de finances essaye de recenser, pour la première fois dans celui pour 2024, l’ensemble des dépenses publiques dédiées à l’enfance.

Le « rapport d’évaluation de la politique familiale » annexé au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022 et consacré à la famille montre l’impact des prestations sociales (pas seulement familiales) et des dispositifs fiscaux sur le niveau de vie médian des ménages avec ou sans enfant.

La Cour des comptes a publié en octobre 2023 un rapport sur la prise en compte de la famille dans la législation fiscale.

A) La famille dans les comptes de la protection sociale

Les comptes de la protection sociale regroupent les prestations des régimes de sécurité sociale[1] ainsi que les dépenses d’autres administrations publiques (collectivités locales, hôpitaux…), d’institutions privées sans but lucratif et de certains employeurs.

Les dépenses associées au « risque famille » de la protection sociale se sont élevées, tous financeurs confondus, à 59,1 Md€ en 2022, soit 2,2 % du PIB, après 56,1 Md€ et 2,2 % du PIB également en 2021 (contre 2,3 % du PIB en 2019). Le tableau suivant en donne la décomposition en 2022. La part des « administrations publiques » s’est élevée à 52,6 Md€ en 2022, soit 2,0 % du PIB.

1) Les dépenses du « risque famille »

Les dépenses du « risque famille » en 2022 (Md€)

Allocations familiales

13,1

Complément familial

2,4

Allocation de soutien familial

2,0

Allocation de rentrée scolaire

2,1

Prestation d’accueil du jeune enfant de base

3,0

Prestation d’accueil du jeune enfant assistante maternelle

6,8

Prestation d’accueil du jeune enfant complément d’activité et autres  

0,8

Accueil des jeunes enfants (crèches)

7,7

Aide sociale à l’enfance

9,4

Compléments de rémunération et autres

4,5

Indemnités journalières maternité

3,4

Autres

4,0

Total

59,1

Source : comptes de la protection sociale ; FIPECO.

Les allocations familiales (5,0 millions de familles bénéficiaires en 2022) dépendent du nombre d’enfants de moins de 20 ans à charge (s’ils sont au moins deux) et, depuis 2015, des ressources du ménage.

Les allocations familiales mensuelles au 01.02.2024 selon la tranche de revenu

Nombre d’enfants

Tranche 1

Tranche 2

Tranche 3

2

141,99 €

71,00 €

35,50 €

3

323,91 €

161,95 €

80,98 €

Par enfant supplémentaire

181,92 €

90,97 €

45,49 €

Source : service-public.fr ; FIPECO

Pour deux enfants, la tranche 1 va jusqu’à 74 966 €, la tranche 2 de 74 966 € à 99 922 € et la tranche 3 commence à 99 922 € ; ces seuils sont relevés de 5 839 € pour chaque enfant supplémentaire.

Le complément familial (0,9 million de bénéficiaires) est versé sous conditions de ressources aux familles ayant au moins trois enfants de 3 à 21 ans. Son montant est de 182 ou 273 € par mois selon les ressources du foyer en septembre 2022.

L’allocation de soutien familial (0,8 million de bénéficiaires) est versée pour élever un enfant privé de l’aide de l’un ou deux de ses parents. Son montant mensuel est de 187 € par enfant.

L’allocation de rentrée scolaire (3,1 millions de bénéficiaires) contribue, sous condition de ressources, à réduire le coût de la rentrée scolaire. Son montant par enfant, versé fin août, varie de 398 à 435 € selon son âge.

La prestation d’accueil du jeune enfant (1,9 millions de bénéficiaires) est attribuée pour chaque enfant né ou adopté. Elle prend diverses formes : prime de naissance ; allocation de base versée jusqu’au 3ème anniversaire, à hauteur de 92 € ou 184 € par mois, selon les ressources ; contribution à la rémunération d’une assistante maternelle ; compensation de la perte de rémunération résultant d’une cessation d’activité.

Les dépenses d’accueil des jeunes enfants couvrent surtout le fonctionnement des crèches municipales ou privées. Les dépenses d’aide sociale à l’enfance sont celles des collectivités locales.

Les compléments de rémunération sont versés par les employeurs en fonction du nombre d’enfants. Il s’agit notamment du « supplément familial de traitement » dont bénéficient les fonctionnaires en plus des allocations familiales de droit commun.

Source : DREES ; financements publics et privés ; FIPECO.

Le total des dépenses consacrées au « risque famille » est sur une pente légèrement décroissante en pourcentage du PIB. La hausse de 2020, comme celle de 2009, résulte pour beaucoup de la diminution de la valeur du PIB.

2) Comparaisons internationales

Eurostat distingue les dépenses en faveur des familles et des enfants des pays européens dans sa classification des dépenses publiques par fonction.

Ces comparaisons ne sont pas faciles à interpréter car les interventions publiques en faveur des familles peuvent prendre des formes très différentes d’un pays à l’autre. En particulier, ils peuvent avoir plus ou moins recours aux prestations sociales ou aux avantages fiscaux.

Sous cette réserve, le graphique suivant montre que ces dépenses sont un peu plus élevées en France que dans la moyenne de la zone euro ou de l’Union européenne en 2022. Il apparaît également de grandes disparités entre pays, par exemple entre la Pologne, d’un côté, l’Italie et l’Espagne, d’un autre côté.

Source : Eurostat ; FIPECO.

B) Les dépenses publiques en faveur de l’enfance

Le rapport « jaune » annexé au projet de loi de finances pour 2024 essaye de recenser les dépenses payées par l’ensemble des administrations publiques en faveur des enfants, plus particulièrement des plus vulnérables.

Il estime le total de ces dépenses à environ 157 Md€, soit 93 Md€ de crédits budgétaires inscrits dans le projet de loi de finances pour 2024 (dont 91 % relèvent du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse), 56 Md€ de dépenses pour la sécurité sociale en 2022 (branches famille et maladie) et 9 Md€ de dépenses des collectivités territoriales en 2021 (surtout l’aide sociale à l’enfance).

Ce recensement devra certainement être corrigé et complété dans les prochains projets de lois de finances.

C) La redistribution des revenus en faveur des familles avec enfants

Le « rapport d’évaluation de la politique familiale » annexé au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022 et consacré à la famille montre l’impact des prestations sociales (pas seulement familiales) et des dispositifs fiscaux sur le niveau de vie médian des ménages avec ou sans enfant. Le niveau de vie est ici mesuré en divisant le revenu du ménage par sa taille mesurée non en parts de quotient familial mais selon une méthode définie par l’Insee.

Les couples ont un niveau de vie avant impôts et prestations qui diminue avec le nombre d’enfants. Les dispositifs sociaux assurent une « redistribution horizontale » des revenus en faveur des familles en relevant d’autant plus leur niveau de vie que leur nombre d’enfants est élevé. En revanche, ils réduisent le niveau de vie des couples sans enfant. Le niveau de vie après impôts et prestations des couples avec enfant reste néanmoins inférieur à celui des couples sans enfant.

Le niveau de vie des célibataires est inférieur à celui des couples, pour un même nombre d’enfants. Les prestations et impôts contribuent à relever fortement le niveau de vie des célibataires avec enfant, mais il reste inférieur à celui des couples avec le même nombre d’enfants.

Impact des impôts et prestations sur le niveau de vie en 2021

(en % du niveau de vie médian avant impôts et prestations)

 

Couples

Célibataires

Sans enfant

- 3 %

+ 3 %

1 enfant

+ 5 %

+ 25 %

2 enfants

+ 8 %

+ 53 %

Source : projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022 ; FIPECO. Hausse ou baisse du niveau de vie médian résultant pour chaque configuration familiale des impôts (impôt sur le revenu et taxe d’habitation) et prestations (familiales, logement, minima sociaux et prime d’activité) en pourcentage du niveau de vie médian avant redistribution.

Par ailleurs, les prestations familiales réduisent sensiblement le taux de pauvreté des enfants (par exemple de 4 points pour les couples avec deux enfants).

D) La famille et la fiscalité

La Cour des comptes a publié en octobre 2023 un rapport sur la prise en compte de la famille dans la législation fiscale.

Elle y observe que de nombreux dispositifs ont été introduits dans la législation fiscale pour tenir compte de la situation familiale des contribuables, notamment dans le calcul de l’impôt sur le revenu. L’enjeu financier est de l’ordre de 28 Md€ par an, dont 11 Md€ du fait du quotient conjugal (imposition globale des conjoints dans un couple) et 16 Md€ du fait du quotient familial au sens strict (demi-parts supplémentaires en fonction du nombre d’enfants).

Si l’enjeu financier est bien moindre, d’autres impôts (taxes foncières, impôt sur la fortune immobilière…) comportent des dispositions permettant de tenir compte de la situation familiale qui ne sont pas toujours simples et cohérentes.

La Cour note que le quotient conjugal et le quotient familial ont des effets économiques et sociaux très discutés, notamment par les économistes. Elle observe que plusieurs pays de l’OCDE ont retenu une imposition séparée des membres des couples et que la mise en place d’un quotient familial est exceptionnelle, les autres pays compensant les charges liées aux enfants par des crédits d’impôt ou des prestations sociales.

 

[1] En pratique celles du « régime général » dont la « caisse nationale d’allocation familiales » verse les prestations familiales pour tous les régimes à l’ensemble de la population.

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